Mardi 5 février 2008 à 8:11

 


Ah, ces nuits à tricoter jusqu'au matin la laine ou le coton, ou le velours-chenille, les écrus, les marron glacé, les chocolat ou les gris perlé, quand je me perdais dans les augmentations-diminutions de la côte cheval, de la côte plate, de la côte torsadée, avec des aiguilles de 2 1/2, 3, voire 8, que je terminais même parfois sans complexes avec du 12 !  Et ces points inventés : point de la hotte, point de l'abeille, point lunette, point de blé, point de lune, l'espace de quelques rangs, puis oubliés pour reprendre le modèle original avec des  " transes de tricoteuse ! "  Ah, comme je l'ai aimé, le tricot, comme je l'ai aimé, prise dans les pièges de ses mailles perdues-lâchées-reprises !  J'en ai tricoté des longueurs d'écharpes longues comme des autoroutes, et des pull-overs en forme de chauves-souris géantes, veillant cependant toujours à ce que l'encolure " passe " sans énervement.  Car ils sont quelques-uns à les avoir reçus en cadeau, avec trois mois de retard, ces pull-overs aux emmanchures ratées, une manche plus courte que l'autre !  ( Je gardais le souvenir des encolures trop étroites de notre tante Jeanne, d'où l'on finissait par sortir la tête cramoisie, les cheveux en coupe hérisson, comme sortait jadis mon frère Jean de son petit pull en chevron chinés ! )  Et ces kilomètres de laine enfournés dans des casiers faits exprès, par couleur, par matière : les bouclées, les astrakans, les cotons deux fils, un fil, sans fil...  Avec ma panoplie de crochets du 2 au 10, en ai-je composé, des grilles, pour refaire comme Granny ( sa grand-mère ) m'avait enseigné quand elle crochetait devant moi des rideaux bonne-femme orné de grands oiseaux !  En ai-je alimenté, des amis, fricoté, des ragoûts, toujours incapable de réussir deux fois la même recette, je surépiçais de poivre gris, noir, vert, de coriandre, de " hel ramazou " et de curry à vous emporter la langue, la bouche, le gosier et tout ce qui s'ensuit !  Et mon jardin !  La nuit  j'arrosais passionnément, je regardais la terre se gorger d'eau, de cette belle eau claire qui ravivait les fleurs asphyxiées sous les chaleurs poisseuses du mois d'août.  Le cul dans la terre, je contemplais mes fleurs, émerveillée, j'ai découvert qu'une toute petite graine pouvait donner un joli, pâle, parme-rose pois de senteur... En ai-je planté, semé, bouturé, marcotté, tuteuré, des plantes et des fleurs ! Quelle vie, quelle belle vie à Précy !


Extrait du livre écrit par Barbara

http://mybabou.cowblog.fr/images/9782253147305-copie-5.jpg

Dimanche 3 février 2008 à 10:10

 


Je ne sais pas comment j'ai commencé à chanter, car je crois que je suis née comme ça, avec un nez, des yeux et puis une chanson, sûrement.Ça ne pouvait pas être autrement. Pour moi, c'était mon second souffle... C'est ma seule façon d'exister. Et pendant longtemps j'ai eu du mal à exister, parce que je ne m'acceptais pas, parce que je me trouvais moche... parce que ci, parce que ça... Donc, le jour où j'ai commencé, je ne sais plus si c'était à l'Écluse, cela m'a paru extraordinaire d'être engagée, mais cela ne m'a pas paru extraordinaire de chanter.

Barbara

Mercredi 30 janvier 2008 à 8:41


La mort


(
1968 )

Je vais vous le dire à vous... Je parle avec mes morts. Si ! Si ! Il faut que nos morts dorment en paix.

(
1985 )

Je ne suis pas morbide, mais je pense souvent à la mort.

(
1988 )

Je ne m'en vais pas dans les cimetières. Je ne me promène pas comme une chouette sur les toits... J'ai horreur de la mort, mais je suis fascinée par la vie. On a peur de perdre les gens qu'on aime, quelquefois de mourir soi-même.

(
1990 )

Il faut adorer la vie pour être conscient de la mort. Et, contrairement à ce qui a été dit sur moi ( que j'étais morbide ou que j'aimais la mort ) c'est parce que j'aime passionnément la vie que la mort a tout de suite retenu mon attention.

(
1993 )

On dit souvent que je véhicule la mort. Pour un peu, on me créditerait de l'avoir inventée, la mort ! Alors que, vous le savez bien, je suis tout le contraire. J'aime la vie à la folie, j'aime rire, j'aime me battre. Parler de la mort, c'est parler de la vie.

(
1996 )

On m'a souvent reproché de parler de la mort. Et pour parler de la mort, il faut aimer follement la vie ! Nous sommes nombreux à avoir voulu nous endormir pour de vrai un jour de grande fatigue, de grand désespoir. C'est normal. D'ailleurs, on nous a tellement menti, à vouloir nous cacher cette vérité que, dès notre naissance, nous ne nous acheminons pas vers la vie, mais vers la mort... Nous sommes des passants à travers des vies belles, terribles.

Barbara

Dimanche 27 janvier 2008 à 9:59


J'ai ainsi couru de la lumière à la nuit, du bruit au silence, de l'amour au désespoir, folle de chanter, folle de ce métier qui fut ma manière privilégiée d'aller vers les autres.


Barbara

Jeudi 24 janvier 2008 à 7:35

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Fidèle


(
1979 )


Je suis fidèle à ceux que j'aime, à ce que j'ai vécu.


Barbara

Mercredi 23 janvier 2008 à 8:27


Barbara au collège en 1943  Elle a 13 ans.


J'ai de plus en plus peur de mon père. Il le sent. Il le sait. J'ai tellement besoin de ma mère, mais comment faire pour lui parler ? Et que lui dire ? Que je trouve le comportement de mon père bizarre ? Je me tais. Un soir, à Tarbes, mon univers bascule dans l'horreur. J'ai dix ans et demi. Les enfants se taisent parce qu'on refuse de les croire. Parce qu'on les soupçonne d'affabuler. Parce qu'ils ont honte et qu'ils se sentent coupables. Parce qu'ils ont peur. Parce qu'ils croient qu'ils sont les seuls au monde avec leur terrible secret. De ces humiliations infligées à l'enfance, de ces hautes turbulences, de ces descentes au fond, j'ai toujours ressurgi. Sûr, il m'a fallu un sacré goût de vivre, une sacrée volonté d'atteindre le plaisir dans les bras d'un homme, pour me sentir un jour purifiée de tout, longtemps après. J'écris cela avec des larmes qui me viennent. C'est quoi, ces larmes ? Qu'importe, on continue !


Extrait du livre écrit par Barbara


Samedi 19 janvier 2008 à 10:32


Donner


(
1990 )


Il faut être à l'écoute des autres. Pour recevoir, il faut donner. Il faut même quasiment d'écarteler.


Barbara

Samedi 12 janvier 2008 à 8:02

 

Métier

(
1969 )

A partir du moment où l'on serait tenté de s'installer dans ce métier comme dans un pensionnat, il faut arrêter ! Parce que c'est un métier de nomade, un métier d'aventurier. Il faut, pour le faire bien, tout oser, même les erreurs très grandes. Certes, c'est un métier très dangereux, très cruel, les gens qui vous ont adoré le lundi peuvent vous détester le mardi, mais on est pleinement responsable de soi et des réactions qu'on provoque.
Je pense, pour les hommes, que ce n'est pas un un métier d'homme et, pour les femmes que c'est un métier qu'elles doivent faire comme un homme. Il y a pourtant des hommes qui le font comme des hommes. Je veux dire d'une belle manière : noble.

 (
1981 )

Il y a dans ce métier des gens qui ne sont pas méchants, mais qui ne savent pas ce qu'ils disent, qui sont tout à fait incompétents. Ce n'est pas grave. Car il y a plein de types gentils qui connaissent bien leur job et qui sont de bonne foi. Mais ils ne sont pas sur la route. Ils ne voient pas le public. Ils ignorent ou bien ils oublient qu'on peut remplir les salles sans vendre beaucoup de disques et l'inverse aussi. C'est moi qui monte sur scène et c'est ma vie que j'engage à chaque fois.

Barbara

Mardi 8 janvier 2008 à 9:06


Il me revient   


(
1996 )


J'avais douze ans. Dans le village où j'étais réfugiée avec ma famille, un tout jeune homme, vingt ans à peine, un maquisard du Vercors, s'est fait surprendre, arrêter, emporter. Cette chanson a l'âge de ce jeune homme. On l'avait commencée avec Frédéric Botton, autour d'un piano et puis on s'était perdus de vue... Je lui sais gré de me l'avoir gardée... Depuis l'histoire de ce jeune homme, le paysage a changé, mais des pas cadencés qui vont à la rencontre d'adolescents innocents qui se battent pour le droit d'exister, on en entend toujours. Dans le monde entier.


Barbara

Samedi 5 janvier 2008 à 10:20

 

Prisons


(
1993 )


Ces dernières années, je suis entrée dans les prisons en chantant, puisqu'il n'y a que ça que je sache faire. Les Baumettes pour commencer, Montluc, Fresne, Fleury-Mérogis...Pas de vin d'honneur. On mettait le piano dans un couloir, dans une buanderie. Les gardiens, au début disaient : " Alors, il faut qu'on soit détenu pour que vous veniez chanter ? " Je chantais sept ou huit chansons, et puis je parlais aux prisonniers, aux prisonnières... " peut-être que ça va vous déplaire, mais on va parler du sida. " Ensuite, je demandais à les raccompagner dans leurs cellules. Il paraît que cela ne se fait pas. Mais je négociais. Dans les cellules, il y a un seau hygiénique et la télé  :  le moyen-âge et l'an 2000...


Barbara

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