Ce fut un soir en Mars, un samedi, le 26 de 1994.
Ici même vous en souvenez vous.
Pour la dernière fois Barbara a chanté sur scène.
Barbara est entrée sur scène comme d'habitude, les paumes de mains tournées vers le ciel, les bras en avant vers le public. Elle s'accompagne au piano avec Gérard Daguerre à la direction musicale et synthétiseurs, Jean Louis Hennequin aux percussions synthétiseurs et cordes et Serge Tomassi à l'accordéon et synthétiseurs. Barbara a chanté avec une force et une facilité déconcertante. Malgré sa grande fatigue elle a bluffé tout le monde. Au moment de présenter ses musiciens, elle a fait venir sur scène l'ensemble de son équipe, techniciens, machinistes, etc... Vers la fin du spectacle elle est descendue dans la salle. C'est la première fois qu'elle descendait dans " la fosse aux lions " durant son spectacle. A la toute fin du spectacle Barbara était au fond de scène, près d'une malle " corsaire " avec déjà les techniciens en train de démonter.
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Elle se rappelle à nous. On la rappelle à soi. Une fois, deux fois, dix fois. Et la dame n'en finit pas de parcourir la scène du Vinci, de sa curieuse démarche animale. Pour dire merci à tout : aux gens qui l'applaudissent, aux "bravos" lancés des travées comme à l'opéra, aux bouquets de roses déposées dans un coin, à la vie qui va, à la musique. Comme ces personnes de contes de notre enfance qui dispensent le bonheur autour d'eux, Barbara fait du bien à qui la regarde, la désire de loin, jusqu'à ne plus faire qu'un mentalement avec elle.
Elle pourrait chanter l'annuaire téléphonique, elle collerait le frisson. Elle pourrait jouer les dédaigneuses, on en redemanderait quand même. Mais comme elle ne fait ni l'un ni l'autre, la jubilation ressentie à l'écouter, à la voir déambuler, se lover dans son rocking-chair, se tourner vers ses musiciens, bouger d'une main, se cacher derrière le piano, est totale.
Joyeuse, délivrée, juvénile, sûre d'elle, si proche et si aérienne à la fois, Barbara balance son univers sur les planches : pas le "boulet" lugubre des années qui passent, mais un paquet de souvenirs, d'élans, de notations, de choses intimes et de parfums qui vous mettent le coeur en émoi, et l'envie de ne plus bouger du fauteuil. De rester là, à flâner dans Göttingen, ou rue de la grange aux loups. A espérer "Christine si belle dans son jupon blanc". Et à pleurer discrètement en attendant que Madame revienne...
Le Vinci était plein pour Barbara. Parmi les 2000 spectateurs, toute menue près des consoles, il y avait Liane Foly, venue incognito écouter son aînée.
Pierre Imbert. (La nouvelle république du centre ouest)
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" Et quand le 26 mars 1994 après mon dernier concert à Tours, je suis remontée dans la voiture, je peux vous dire que je n'étais plus qu'une femme épuisée, douloureuse, vidée, morcelée, déconstruite. Après cette immense dernière fête, conduite par un Philippe silencieux, accompagnée par ma Béa qui se ratatinait pour ne me déranger en rien, j'étais prostrée, avec tout cet amour, ces regards, vos mains tendues. Mais, malgré ce long deuil que je venais de commencer, au terme de ma belle et intense vie de nomade, j'étais une femme heureuse... "
" Je savais que c'était mon ultime tournée. Alors j'ai chanté chaque soir comme si c'était la première et la dernière fois. J'ai tenu grâce au public et en même temps, j'avais l'impression de ressembler à un gant : comment te dire, tout en moi était retournée... "
" Plus jamais je ne rentrerai en scène. Je ne chanterai jamais plus. Plus jamais revêtir le strass, le pailleté du velours noir. Plus jamais cette attente dans les coulisses, le coeur à rompre. Plus jamais le rideau qui s'ouvre, plus jamais le pied posé dans la lumière sur la note de cymbale éclatée. Plus jamais descendre vers nous, venir à vous pour enfin nous retrouver.
" Je croyais avoir quitté à Tours ceux qui m'aiment, j'ai compris que, pour ne pas leur être infidèle, je leur devais, faute de scène, un disque, mais un disque conçu à la manière d'un récital."
Barbara