Vendredi 22 février 2008 à 8:33
C'était un dimanche vers onze heures. J'étais arrivée depuis une semaine à Tel-Aviv afin de rendre visite à ma soeur qui traversait une période difficile. Je reculais volontairement l'instant de me rendre au bord de la mer que je pouvais pourtant apercevoir depuis ma fenêtre d'hôtel. Je me souvenais comment, en tournée d'été, lorsque nous arrivions au petit matin dans une ville du littoral, je faisais stopper la voiture, courais tout habillée et pénétrais jusqu'à mi-corps dans l'eau parfois glacée. Mon exaltation était telle que je poussais des cris violents, puis sortais de l'eau, m'asseyais, et des larmes alors venaient. Toujours, lorsque j'avais contemplé la mer avant que de chanter, je restais imprégnée de l'odeur de sel et d'iode, je gardais dans l'oreille le battement des vagues, dans les yeux l'image de l'espace infini. Les premières chansons de mon récital étaient pleines de ces impressions que j'essayais à toutes forces de retransmettre avec mes mots, ma voix, mes doigts sur le clavier. Je sortis de l'hôtel, un escalier accédait directement à la plage. Sous mes pieds, le sable était brûlant, aussi fin qu'une poudre beige mouchetée de petits éclats de mica. Je me dirigeai le plus lentement possible vers la mer pour différer mon plaisir. Mes jambes douloureuses me portaient difficilement. Mon sac, dans lequel je traînais le script de Lily Passion, mon magnéto, mes cassettes, pesait lourd à mon épaule. Il était pourtant rare, depuis déjà un certain temps, que je porte la moindre chose ou me déplace longtemps à pied. Rare aussi que je fusse seule, toujours protégée par la compagnie d'un homme qui me conduisait et veillait sur moi ( ou sur qui, plus souvent, je veillais ) Sur un monticule de sable, je déposais mon sac... je me mis à penser à Jacques ( Brel ). Ce n'était pas qu'il fût mort qui me révoltait le plus. Mais qu'il ne vît plus ni la mer ni le ciel. Je repensai à cette exigence qu'il montrait vis à vis de lui même, à son rire, à nos longues heures de route, à bord de sa Jag verte dans laquelle nous écoutions Ravel tout en parlant de sa peur et de sa méconnaissance foncière des femmes, de sa propension à rechercher en elles sa propre masculinité. Tout me revenait, assise là dans le sable, six ans après sa disparition. Tu es toujours présent. je ris avec toi.
Face à la mer, j'éprouvais une impression de liberté ; de solitude et de petitesse aussi, mais j'étais bien. Il était midi. Je décidai de retourner chez ma soeur, à Tsirelson Street.
Extrait du livre écrit par Barbara