Lundi 6 octobre 2008 à 21:31


Mais je n'exerce pas un métier de fonctionnaire ! Il faudrait savoir ! On ne peut quand même pas faire une chose qu'on aime, avec des gens que l'on aime, aller à des rendez-vous avec un désir fou, dans des théâtres magnifiques, et en plus ne pas prendre de risques ! Il faut quand même rester des trapézistes !


Barbara

Samedi 4 octobre 2008 à 15:17


Vous pensez que vous méritez tout cet amour que vous portent des millions de gens, que vous en êtes digne ?


J'essaie d'en être digne. J'essaie, surtout, qu'ils n'aient jamais honte de moi. J'essaie aussi, quelquefois, de faire en sorte qu'ils soient fiers de ce que je fais. Ce qui est important pour moi, c'est de toujours me présenter devant eux le front clair. Moi, je pense au moment où l'on marche les uns vers les autres : c'est un moment d'émotion vraie, d'émotion rare. Mais il ne doit pas y avoir de malentendu, il faut que les gens sachent que c'est un instant. C'est seulement un instant, rien de plus...


Barbara

Mardi 30 septembre 2008 à 5:23


Vous projetez l'image d'une diva, parfois un peu lointaine, inaccessible. Vous sentez-vous ainsi ?


Mais ne peut-on pas être un peu inaccessible, un peu lointaine, sans donner à penser qu'on est une diva ? Ne peut-on pas être un peu différente, un peu timide, ou un peu sauvage, solitaire, sans être une diva ? Je ne suis pas tellement inaccessible ; si on veut me joindre, on peut le faire... C'est vrai, je rencontre peu de journalistes, je refuses beaucoup d'interviews. Mais enfin, il nous reste la possibilité du choix, Dieu merci ! Pourquoi rencontrer des gens qu'on n'a pas envie de voir, ou avec lesquels on ne va pas s'entendre, avec lesquels il n'y a pas de connivence ? Pourquoi les punir et se punir soi-même ? Si on se rencontre, c'est pour essayer de réussir un instant...  Au départ, quand on démarre dans ce métier et qu'on se conduit comme ça, on dit de vous  :  " Ah, c'est une emmerdeuse ! Elle est épouvantable !  "  Ensuite on dit  :  " Elle a un caractère impossible, quelle prétention ! "  Et puis un jour, très tard, on dit  :  " C'est une grande professionnelle, quelle magnifique exigence ! "  Aujourd'hui j'ai 60 ans, et on dit que je suis une grande professionnelle...


Barbara

Lundi 22 septembre 2008 à 8:18

 


Sid'assassinés

J'ai consacré un an à l'information sur le sida. Je continu. Un an, ce n'est rien du tout... Un abruti m'a dit un jour que je menais cette action parce que j'étais morbide. Mais moi, je hais la mort ! Justement, c'est pour ça ! C'est le goût de la vie qui me fait agir. Et puis, dans ce cas précis, vous préféreriez qu'on meure sans en parler ? Ce dialogue, c'est la même chose que chanter, le même voyage. Depuis trente ans je pense, et je dis  :  Ma plus belle histoire d'amour, c'est vous. Alors j'ai le droit de dire  :  Préservez-vous. Vous êtes venus me voir, je viens vous voir, c'est normal. Aux Baumettes, j'ai chanté, puis proposé aux prisonniers de poser des questions au spécialiste du sida qui m'accompagnait. Les questions ont fusé... J'ai été plus impressionnée encore par les prisons de femmes - les conditions médiévales de leur détention. Le jour de ma venue à Montluc, exceptionnellement, les fleurs ont été autorisées. Certaines détenues n'en avaient pas vu depuis des années... Quand tu entres en prison en visiteuse, tu en ressors le soir. Mais pas en entier. A l'hôpital, un aumônier s'est étonné  :  " Mais qu'est-ce que tu leur dis, aux malades ? "  Je dis pas, moi, j'écoute. Un jour, un jeune toxico m'a confié  :  " Je ne savais pas que les rapports entre les gens pouvaient être si simples. Qu'on pouvait se parler... "  J'ai vu partir beaucoup de gens, en colère, révoltés, ou dans une grande dignité, ou me demandant de témoigner. J'ai vu des gens qui faisaient des projets, l'un pour partir en Bretagne, l'autre en Israël. Et ces projets-là précédaient l'autre départ. Comme un dernier effort... Je pense à une petite Zaïroise qui est morte. A un ajusteur qui n'a jamais osé dire son homosexualité. Je pense à son regard...

Barbara

Lundi 25 août 2008 à 8:49


Je chante et je déploie mes ailes


Mes chansons parlent pour moi. La chanson, c'est une conversation. Il vous suffit d'avoir l'oreille fine... Mais ce n'est pas parce que je chante que j'ai grand chose à dire. Je le dis sur scène ; après c'est terminé. Et ça ne vaut pas la peine d'en faire des tartines. Il faut aborder avec humilité ce métier ( qui n'est justement pas un métier d'humbles ) Chanter comme si c'était la première, et la dernière fois... Si j'avais été amoureuse d'un homme plus que de la chanson, j'aurais quitté la chanson. Je l'ai fait, une fois. Quinze jours. J'ai rôdé comme une malade, je n'ai pas pu. C'est lui qui m'a quittée. J'ai rencontré des hommes fantastiques, mais qui n'ont jamais pu approcher du piano. J'ai vécu de brûlants échanges, je n'ai pas partagé les jours après les jours ; j'étais amarrée à autre chose, j'étais ailleurs. Je n'ai pas su vivre à deux ( je n'ai pas ce talent là ) mais à soixante-dix, cent, mille... Ce que je veux vous dire, c'est qu'il n'y a pas l'ombre d'une intention démagogique dans Ma plus belle histoire d'amour, et vous le savez. Peut-être, s'il y avait eu un enfant... Mais il n'y en a pas eu. C'est peut-être un signe, c'était peut-être le prix, terrible, à payer. Je n'ai pas eu d'enfant, j'ai des centaines d'enfants à qui j'ai dit, à la fin de mes spectacles : " Au nom de l'amour que je vous porte, enfants qui auriez pu être les miens, ces préservatifs, mettez- les "


Barbara

Mardi 19 août 2008 à 6:42

 

Au bout de nos coeurs étoilés

Déjà, sur le tournage de Franz, le film de Jacques Brel ( il dirigeait ça comme une immense chanson ) l'atelier de la monteuse m'attirait invinciblement. Une prédilection définitivement ravivée par la chronique de Pantin. On a passé des heures à rechercher le plan d'un gosse, celui d'un jeune homme blond comme les blés... Et mes chansons : je savais pourquoi j'avais écrit comme ça, pourquoi je les chantais comme ça. Il m'arrivait de chanter, au studio, pour qu'ils comprennent comment je les vivais, et comment il fallait les voir, les faire voir... On s'en fout de mon image, ce n'était pas une jolie femme qu'on filmait, c'était une rencontre. Ce n'était plus moi, c'était nous. Ce qui me passionne, ce sont les rapports qui existent entre vous et moi, c'est la vérité de cela. Alors j'ai renoncé à mon envie de jouer avec la vidéo, de faire voler mon piano par-dessus le chapiteau... Moi, c'est l'image du son que je privilégie. L'image d'une femme qui chante et que je connais bien. Qu'importe si à certains moments, je ne suis pas jolie-jolie, si à d'autres je suis voûtée? Si tout à coup je suis jeune, et tout à coup j'ai 100 ans ? Au bout de ton tour, tu es délavée, ton visage tombe, et alors ? L'essentiel, c'était de rendre de façon intacte, parfaite, vingt ans d'amour qu'on m'a donnés.

Barbara

Mardi 22 juillet 2008 à 7:50

 

Pour écrire j'ai besoin d'isolement. En tournée, c'est impossible : la soirée s'achève à 1 h du matin et après, je fais la route. Une fois que vous avez chanté dans une ville, vous n'avez plus rien à y faire ;  c'est là-bas plus loin, qu'il faut aller. J'ai toujours du mal à écrire. Si Rémusat est venue en deux heures, j'ai bien mis trois ans pour écrire Nantes et dix pour Gauguin  (chanson pour Brel )  Je déchire et je réécris beaucoup, j'ai mal aux mots, comme on dit. Je n'ai pas l'imaginaire, je n'écris que comme dans un journal intime. Je n'ai pas d'invention. C'est ce que j'envie tellement à des gens comme Gainsbourg. Moi, je n'ai su dire que ce qui m'est arrivé et ça n'a rien d'original : tout le monde a perdu un père, tout le monde a perdu un amour et en a trouvé un autre. Par exemple, sur le premier disque, la chanson qui a émergé c'est  Pierre, ce qui prouve que tout le monde attend quelqu'un. Encore qu'il se soit trouvé des gens pour me demander  " Qu'est-ce que vous avez voulu dire avec la-la-la ? "  Vous comprenez, j'avais une étiquette intellectuelle, le contraire de ce que j'étais. Il n'y a pas de mystère chez moi, pas plus que chez n'importe qui. On a beaucoup parlé du fait que je m'habille en noir comme si c'était quelque chose d'extraordinaire. Je ne comprends pas  :  personne ne s'étonne qu'Alice Cooper se mette un serpent autour des hanches, pourquoi faudrait-il que le noir soit plus singulier ?  Finalement, j'ai pu faire ce que je voulais comme je le voulais, à part très peu de choses. Donc mes erreurs, je les assume. Et comme vous le savez, les succès, on les partage. Beaucoup de gens ont envie d'écrire des chansons. Il y a certainement beaucoup plus d'écrivains qui voudraient écrire des chansons que de chanteurs qui voudraient faire un livre. C'est étrange, c'est une situation que je ne m'explique pas.

Barbara

Jeudi 17 juillet 2008 à 8:14


Maison de Barbara


Vous qui passez nous voir...
Vous arrivez de la ville avec vos énergies, nous avons les nôtres. merci de le comprendre, de ne pas poser de questions, de ne donner aucun avis pour l'instant. Vous avez le droit de ne pas être d'accord avec cette vérité qui est la nôtre ! C'est mieux, alors, de ne pas entrer dans ce studio. Nous avons besoin de concentration et d'une certaine qualité de silence. Vous aussi, quand vous travaillez. Ce qui peut-être une courte récréation pour vous peut nous déranger. Nous sommes fragiles, en ce moment. Je vous dis ceci avec beaucoup de respect et d'amour.
Merci.

( texte collé à la porte du " théâtre " de Précy pendant tout le temps des répétitions )


Barbara

Mercredi 2 juillet 2008 à 8:16

 


Gilbert Sommier vient de créer  Les Mardis de la chanson  au théâtre des Capucines. Il me demande de venir chanter tous les mardis du mois de novembre et de parrainer les programmes. J'ai toujours eu horreur de parrainer-marrainer qui ou quoi que se soit, en tout cas je déteste cette expression-là ! Plus simplement, donc, je réalise avec Gilbert Sommier les programmes de mes mardis ; j'y inviterai Monique Tarbès, Bayard et Rameau, Gil Baladou, et il y aura aussi Darras et Noiret. Mes frères, ma soeur et ma mère ont accepté de venir pour la première fois ensemble, ce premier mardi de novembre, et j'en suis à la fois heureuse et très impressionnée. La veille, à la répétition, je couvre de mots tout un cahier de feuilles qui finissent froissées, jetées, déchirées, mais je sens, à la difficulté que j'ai à écrire, que la chanson Nantes est sur le point d'être achevée. De fait, le lendemain soir, je la chante, accompagnée à la basse par le génial François Rabbath. Je suis tellement émue de savoir ma famille dans la salle que François doit reprendre plusieurs fois l'introduction de Nantes avant que j'arrive à la chanter. Je chante Nantes ; ma mère trouve la chanson belle. Il y a ce soir-là dans la salle beaucoup de gens du métier, Louis Hazan, Denise Glaser et Michèle Arnaud. Un enregistrement clandestin de cette soirée sera vendu sous le manteau, où figure une version de Nantes qui n'aura existé que ce soir-là. Ce disque, je ne l'ai pas. Le lendemain, on me parlera beaucoup de cette chanson. Elle sera longtemps source de confusion. On m'a souvent crue nantaise ! Non, je ne suis pas du tout nantaise ! J'ignore pourquoi mon père avait choisi cette belle ville pour y terminer sa vie. Plus tard, lorsque je partirai en tournée et j'arriverai à une centaine de kilomètres de l'estuaire de la Loire, je serai prise d'une sorte d'étouffement. Il me faudra longtemps avant de pouvoir entrer calmement dans Nantes. Chaque fois, je vais au cimetière en cachette pour y déposer des fleurs. Ce n'est que beaucoup, beaucoup plus tard que je confierai aux journalistes la véritable histoire de Nantes.

Barbara

Vendredi 20 juin 2008 à 8:45

 

Le monde a toujours ses douleurs, ses déchirures, ses violences, mais jamais je n'ai senti les gens fragilisés, égarés comme aujourd'hui. Bien sûr, il y a des miracles dans cette déchirure, il y a la poignée d'Arafat et de Rabin, que je ne pensais pas voir de mon vivant. mais le quotidien, autour de nous, est accablant... Devant l'intolérance, devant l'exclusion, devant notre impuissance, c'est vrai qu'il y a des jours où j'ai honte d'exister.

Barbara

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