Public
( 1968 )
Je n'ai pas été faite par la presse. C'est le public qui m'a révélée à moi-même, lorsqu'un soir, il y a deux ans, à Bobino, tout a commencé et que je me suis trouvé bien dans ma peau. Ce qui fait le miracle, c'est le public. Si pendant une heure je fais oublier leurs déclarations d'impôts à dix, cent ou mille personnes, si je les fais rêver, si je leur chante une histoire d'amour qu'ils ont tous vécus, je suis heureuse avec moi-même. Il y a des moments, en scène, ne serait-ce que cinq minutes, où l'on sent la communion. Je suis toujours émerveillée qu'il y ait du monde pour m'écouter.
( 1974 )
Je lui doit tout, je lui donne tout, je lui donnerai jusqu'à la dernière goutte de mon sang. Ils savent ça. C'est pour ça qu'ils m'aiment. J'ai attendu cinq ans pour obtenir d'un théâtre qu'on vende les places à un prix raisonnable : à quelqu'un qui vous aime et vient vous voir, on peut demander un effort, pas un sacrifice. Je passe des bras de Saint-Etienne à ceux de Bordeaux... Et je vois aussi les mêmes visages. C'est extraordinaire, ça ! Et je les reconnais toujours, même sur de très longues années, puis je les connais bien, je connais leurs visages... Ils sont d'ailleurs très étonnés parce que je leur dis : " A telle date je vous ai vu et vous vous appelez comme ça " J'ai une grande mémoire de leurs visages.
( 1981 )
L'essentiel, c'est de ne pas trahir ma vérité, c'est-à-dire le public. J'ai des relations passionnelles avec lui parce que c'est lui qui m'a faite. Excusez-moi de vous dire ça, mais ce n'est pas la presse, malgré des articles superbes. ce sont les soixante spectateurs de l'Écluse. Je me dis qu'on va leur faire la fête pendant deux heures et que, puisqu'on n'est pas venu uniquement par générosité, on va se faire plaisir aussi. Donc, il ne faut pas rater ça. Alors je m'épargne. Je fais fermer les coulisses. je suis comme un loup. je n'ai jamais vu ma mère avant un spectacle. Il faut avoir la politesse de se présenter quand on se sent bien, quand on peut transmettre la chaleur. Si on ne peut pas donner, il vaut mieux se cacher.
( 1990 )
Ce public jeune, il choisit ce qu'il vient entendre. Moi, en plus des gens qui me suivent depuis le début, j'ai toujours eu un public jeune. Mais je pense que les chanteurs auteurs touchent fatalement, un jour, trois générations. Je suis davantage étonnée de voir des gens de mon âge dans la salle que des jeunes. Parce que les gens de mon âge, je me dis qu'ils doivent être las de m'entendre ! Le public comprend. Il sait que je ne suis pas étrange. Il n'est heureusement pas tombé dans le piège du " Vous êtes étrange, mystérieuse " On peut être différent sans pour autant être bizarre. Je connais bien mes fragiles. Il y en a que j'ai connus cassés, et c'est un bonheur de les voir maintenant " J'ai un enfant, je vais bien " Je vois une femme qui a ôté son alliance et qui, sans un mot, me l'a tendu. J'ai couru derrière elle, et elle n'a pas pu parler.
( 1993 )
J'ai toujours peur de n'être pas à la hauteur de cet amour-là, de ce désir-là. C'est classique : plus on est attendu, plus on est angoissé et fragile. Quand le rendez-vous d'amour est proche, on a peur. Cette peur, je l'ai toujours, à soixante-trois ans... C'est une vieille compagne ! Le jour où je ne l'aurai plus, j'arrêterai de chanter. Nous n'en sommes pas là ! Ce qui compte, pour préserver cet amour-là, c'est d'être rare, de reprendre un souffle. je crois que, si j'étais plus présente, je risquerais de le perdre encore plus vite. C'est normal qu'on ai peur de perdre un amour. Mais c'est normal aussi qu'on s'absente pour ne pas l'étouffer.
( 1996 )
Il est tout pour moi. Nous faisions route ensemble, il y a encore très peu de temps. Je ne ressens ni manque, ni chagrin. C'est comme ces belles grandes fatigues après l'amour. Comme une grande liberté d'avoir choisi de m'absenter de la scène.
Barbara