Jeudi 13 mars 2008 à 9:59
La voix
Du premier cri jusqu'au dernier souffle qui demeure en son, la voix est un des principaux véhicules de nos émotions. Riche d'une palette de tons infinis qui nous permet de " dire, dialoguer, chanter, charmer, de reproduire ou de créer d'autres sons " la voix est un instrument magique. Les cordes vocales, moteur fragile, sont pour toute personne faisant profession de sa voix un centre de grande sensibilité. Les séducteurs, les politiques, les orateurs, les acteurs, les avocats, les artistes, les médecins le savent bien. La voix est un argument précieux pour séduire, donc convaincre. L'état de nos cordes vocales " s'accorde ou se désaccorde " souvent en fonction de notre état physique ou psychique. Elles demandent donc les plus grands soins, la plus grande attention. Le trac peut momentanément détimbrer la voix ou la rendre moins audible. L'expression " j'en ai perdu la voix " illustre bien ce phénomène. Une des nombreuses raisons qui m'ont fait tout au long de ma vie arriver très tôt dans les théâtres où je me produisais est que je tenais à me préserver de toute émotion venue de l'extérieur. En effet, toute fatigue ou tout bouleversement passant d'abord par notre psychisme risque très souvent de fragiliser l'organe que nous utilisons professionnellement ( pour les sportifs, le corps, pour les pianistes, les doigts... ) La voix peut être un baromètre de grande exactitude. Combien de fois ai-je pu, à la modification même infiniment peu perceptible de leur timbre de voix, déceler l'état physique ou moral de mes amis ? Nous avons tous la connaissance de timbres de voix qui nous sont insupportables, quelquefois jusqu'au dégoût. On connais également le pouvoir des voix de certains hommes politiques dont nous gardons de triste mémoire le son planté dans nos tympans ( voix de " gourous, " de dictateurs... ) Elizabeth Fresnel-Elbaz, phoniatre, a ouvert un Laboratoire de la Voix, à Paris, dont je ne connais pas d'équivalent en France. C'est à elle que je confie depuis quelques années le suivi de mon état vocal. Je dois beaucoup à son savoir et à son écoute attentive. J'ai commencé à travailler le chant à l'âge de seize ans. Pendant un an, je ne fis que des exercices vocaux et appris à respirer. Les exercices vocaux servent à amplifier, à élargir, à tonifier, à poser la voix. Ce fut un réel bonheur de travailler le chant classique. Mais je pris vite conscience que ma " voie " ne serait ni l'opérette, ni l'opéra comique, ni l'opéra. La respiration joue un rôle presque essentiel dans la technique du chant et... dans la vie courante. Le souffle permet d'enfler, d'élargir, de tenir un son... Je ne me pose nullement en " professeur " je dis ce que fut mon travail, ma manière à moi de manipuler ou de négocier le son avec une voix souple mais modeste et d'une petite tessiture. Je m'aperçus plus tard que la voix debout, la voix assise, la voix couchée sont autant de voix différentes, le souffle n'alimentant pas les cordes de la même façon. La raison qui m'a fait ici m'exprimer est la question posée par Elizabeth : " La voix, c'est quoi pour toi ? " Il y a après la mort un silence très particulier. Si présente, si fidèle que soit notre mémoire à nous restituer les choses, la voix de l' " autre " perdue, disparue à tout jamais, est en nous un grand manque, une douleur insoutenable. " La voix, c'est quoi pour toi ? " Tant pis si c'est un peu emphatique, mais je dirais volontiers que " la voix est la musique de l'âme "
Avant-propos de Barbara pour le livre :
La voix, du Dr Elizabeth Fresnel-Elbaz Éditions du rocher 1997