Ah, ces nuits à tricoter jusqu'au matin la laine ou le coton, ou le velours-chenille, les écrus, les marron glacé, les chocolat ou les gris perlé, quand je me perdais dans les augmentations-diminutions de la côte cheval, de la côte plate, de la côte torsadée, avec des aiguilles de 2 1/2, 3, voire 8, que je terminais même parfois sans complexes avec du 12 ! Et ces points inventés : point de la hotte, point de l'abeille, point lunette, point de blé, point de lune, l'espace de quelques rangs, puis oubliés pour reprendre le modèle original avec des " transes de tricoteuse ! " Ah, comme je l'ai aimé, le tricot, comme je l'ai aimé, prise dans les pièges de ses mailles perdues-lâchées-reprises ! J'en ai tricoté des longueurs d'écharpes longues comme des autoroutes, et des pull-overs en forme de chauves-souris géantes, veillant cependant toujours à ce que l'encolure " passe " sans énervement. Car ils sont quelques-uns à les avoir reçus en cadeau, avec trois mois de retard, ces pull-overs aux emmanchures ratées, une manche plus courte que l'autre ! ( Je gardais le souvenir des encolures trop étroites de notre tante Jeanne, d'où l'on finissait par sortir la tête cramoisie, les cheveux en coupe hérisson, comme sortait jadis mon frère Jean de son petit pull en chevron chinés ! ) Et ces kilomètres de laine enfournés dans des casiers faits exprès, par couleur, par matière : les bouclées, les astrakans, les cotons deux fils, un fil, sans fil... Avec ma panoplie de crochets du 2 au 10, en ai-je composé, des grilles, pour refaire comme Granny ( sa grand-mère ) m'avait enseigné quand elle crochetait devant moi des rideaux bonne-femme orné de grands oiseaux ! En ai-je alimenté, des amis, fricoté, des ragoûts, toujours incapable de réussir deux fois la même recette, je surépiçais de poivre gris, noir, vert, de coriandre, de " hel ramazou " et de curry à vous emporter la langue, la bouche, le gosier et tout ce qui s'ensuit ! Et mon jardin ! La nuit j'arrosais passionnément, je regardais la terre se gorger d'eau, de cette belle eau claire qui ravivait les fleurs asphyxiées sous les chaleurs poisseuses du mois d'août. Le cul dans la terre, je contemplais mes fleurs, émerveillée, j'ai découvert qu'une toute petite graine pouvait donner un joli, pâle, parme-rose pois de senteur... En ai-je planté, semé, bouturé, marcotté, tuteuré, des plantes et des fleurs ! Quelle vie, quelle belle vie à Précy !
Extrait du livre écrit par Barbara
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