Pour Barbara, Précy devient plus qu'une maison : un fabuleux repaire qu'elle aménage à son image : décor soyeux de mille et une nuits, objets chinés un peu partout, salon chaleureux, chambre sombre. Romanelli y vient souvent : " De cette vieille bâtisse elle a fait quelque chose de divin. Elle était tellement habitée, cette maison ! il y avait tant de choses à ressentir ! C'était vraiment elle. En la visitant, on sentait tout de suite quel personnage elle était. " Wertheimer approuve : Précy, c'était l'antithèse de la rue Michel-Ange : la maison était toute fermée à l'extérieur, mais à l'intérieur elle avait un grand jardin, des fleurs partout, des chiens. Et puis toutes sortes de pièces : des lumineuses, des sombres, des petites, des grandes...La maison a changé sa vie...A moins que ce ne soit parce que sa vie changeait qu'elle s'y est installée ? " Ce qui est sûr, c'est que Précy marque un tournant capital. En s'y installant, Barbara quitte définitivement Paris, délaisse le peu de mondanités auxquelles elle se prêtait encore, affiche désormais une solitude choisie et sereine. Elle y goûte le silence et découvre la nature. Elle se prend de passion pour les fleurs et les arbres de ce " monsieur Jardin " qu'elle regarde verdir ou rougir selon les saisons. Qui l'eut cru : c'est une révélation. " Je n'avais jamais vu le soleil se lever. Ou mal. J'avais entendu dire qu'on mettait une graine en terre et qu'il poussait une fleur, mais je ne l'avais jamais vu. Je ne savais pas ce que c'était un rouge-gorge. " Avec Barbara l'ancien corps de ferme devient une maison cloître. Son bureau est à l'étage. Dans une grange attenante, elle aménage une vraie salle de répétitions. " Elle l'appelait son théâtre, reprend Romanelli. C'est là qu'on répétait avant de partir en tournée. Il y avait une scène, une sono...Tout pour répéter en conditions réelles. " Sitôt installée à Précy, Barbara se met à répéter. Après les peurs, les doutes et les tâtonnements, elle se sent de nouveau prête à chanter sur la scène d'un théâtre. Mais pas n'importe comment, pas dans n'importe quelles conditions ! Pour sa rentrée parisienne, la première depuis les adieux de l'Olympia, elle exige que les places soient vendues beaucoup moins cher que d'ordinaire, à partir de treize francs seulement ( soit deux euros ). Elle argumente : " A quelqu'un qui vous aime et qui vient vous voir, on demande un effort, pas un sacrifice. " Quinze francs, c'est à peine concevable pour les producteurs. Mais, quand elle exige, elle obtient.
Extrait du livre