Mercredi 16 mai 2007 à 9:29


Cette histoire d'amour avec le public existe depuis ses débuts. Mais il y a toujours eu, aussi, des gens qui attendent plus d'elle que ce qu'elle peut donner en scène. Et c'était quelquefois difficile de leur faire comprendre que c'est justement là qu'elle offre tout ! Après tant d' " impudeur " , elle prend parfois des distances avec la scène : elle en a besoin pour se récupérer.Mais c'est qu'elle touche avec ses chansons au plus intime de chacun et les gens la reçoivent, isolément, avec une telle violence, une telle passion que lorsqu'elle repart dans la nuit, il y a comme un manque. Et si elle s'éloigne, ce n'est pas pour avoir l'air d'une star inaccessible comme certains l'ont dit ! C'est pour reprendre des forces. Même à l'étranger, les gens ressentent et comprennent son univers, le public réagit pareillement à la femme en scène. Je me souviens de son retour à Göttingen pour un récital unique. Le jour du départ, elle était malade, impossible de chanter ! Et comme d'habitude, en scène, le miracle a eu lieu ! Je ne l'ai jamais vu annuler une représentation au dernier moment. On aurait pu l'amener sur une civière, elle aurait chanté. Quitte à s'écrouler en coulisses... Il y a une immense cohérence dans le chemin qu'elle suit. Elle n'a jamais rien fait dans sa carrière dont elle puisse avoir honte. C'est assez rare, une telle ligne de conduite. C'est qu'elle a de son métier une haute idée et personne n'a jamais pu lui faire faire une chose avec laquelle elle n'aurait pas été d'accord. Elle a toujours respecté ses propres lois avec une rigueur exemplaire. Pour moi, ça été quelquefois difficile parce qu'elle vit avec une telle intensité ! Impossible d'avoir une vie en dehors de la sienne. Cela dit, je l'avait choisi, et travailler avec elle m'a appris énormément. Professionnellement, bien sûr, humainement, surtout ...


Marie Chaix
  ( Ecrivain )

Mardi 15 mai 2007 à 8:18

Marie Chaix et Barbara se rencontre fin 64. Immédiatement, Barbara lui propose de devenir sa secrétaire. Elles travailleront ensemble pendant quatre ans. Ecrivain, Marie Chaix lui a consacré un livre en 1986, aux éditions Calmann-Levy.


Ce n'est pas seulement l'artiste, c'est la femme qui m'a immédiatement fascinée ! Je la trouvais à la fois drôle, folle et merveilleuse. Elle m'a engagée deux jours avant sa première tournée d'hiver. Elle, Pierre le chauffeur et moi voyagions dans une grosse Mercédes qu'elle venait d'acheter d'occasion. Avec le tabouret du piano et le pied du micro dans le coffre ! Je la revois dans la voiture : Elle m'a mis un cahier sur les genoux en me disant: " Note les titres du spectacle, en face tu mettras les éclairages, rouge pour telle chanson, bleu pour telle autre " ... Alors que je n'avais pas la moindre idée de ce qu'était la lumière ni comment j'allais obtenir le matériel ! Elle non plus d'ailleurs... Et à cette époque, il était difficile d'avoir ce qu'on voulait. Elle passait dans des salles très mal équipées et elle était déjà d'une exigence terrible !Mais attention, ce n'était pas par caprice ! Pour bien travailler, elle a besoin de bonnes conditions. Je me souviens d'une soirée : nous arrivons dans la salle et le piano n'était pas accordé comme il fallait ! Elle a refusé de chanter tant que les choses n'étaient pas réglées et les gens ont dû attendre une bonne heure devant le rideau. On avait fait une annonce pour leur expliquer qu'ils attendaient l'accordeur et c'était devenu une sorte de gag ! Elle voulait que les choses soient parfaites et cela lui demandait une énergie effrayante lorsqu'elles ne l'étaient pas ... Moi je l'accompagnais partout : Je faisais les éclairages, grimpais aux échelles, triais le courrier, recevais les gens qui l'attendaient ... Son équipe était constamment présente et il fallait être disponible ! Au moindre détail qui entamait la bonne marche des choses, elle partait dans des crises épouvantables. Mais elle avait très souvent raison et savait donner une telle ambiance à ces tournées ! Nous étions comme une famille de forains et elle était formidable avec nous : une sorte de mère adoptive... Barbara est quelqu'un du voyage. Son idéal aurait été de planter son chapiteau de ville en ville ! ...


Marie Chaix
  ( Ecrivain )

Lundi 14 mai 2007 à 8:58


Un bonheur, un départ, une nuit blanche d'amour ou de solitude. Une rencontre, une absence; une colère ou un rire d'enfant. La vie. Dans tous ses instants, tous ses tourments, tous ses émerveillements. La vôtre, la nôtre, la sienne. Dans le miroir qu'elle nous tendait, toutes ces choses qui nous ressemblent. Barbara se racontait, et chacun s'y retrouvait. Fragile et forte, lointaine et proche, discrète et impudique. On a tout dit sur elle. Le vrai comme le faux, le meilleur comme le pire. Et pourtant... Elle ne fut ni la mystérieuse ni la désespérée que certains se sont plu à décrire. Elle était une amoureuse, une combattante de la vie. Une femme qui allait dans les hôpitaux voir les malades qu'on ne visite plus. Qui allait dans les prisons voir ces détenus qu'on ne désire plus. Une femme qui s'enflammait, se battait, aimait, chantait. Et qui vous décochait en pleine poitrine son rire merveilleux et sonore. Barbara avait tout compris. A des années-lumière du reste de la mêlée. La diseuse de nos âmes chiffonnées était devenue une star. Chacun de ses retours sur scène, depuis Pantin 81, était un événement. Théâtres complets, salles transportées, public de tous les âges, rappel interminables. Tant pis si la voix, ces derniers temps, avait vieilli. Elle portait dans le velours de ses pleins et de ses déliés,dans les ombres de ses silences et de ses souffles toute la richesse d'une existance. Peut-être même plus bouleversante que jamais. Unique en tout cas. Puis; novembre est arrivé... La rumeur, que l'on avait tant redoutée, s'est mise à tourner sur Paris comme un mauvais sort. Brutale, presque irréelle. Le lendemain, elle était confirmée. Sur le portail bleu de Précy, certains ont déposé des fleurs. Sur le livre des condoléances, les pages se sont noircies. Quelqu'un a cité " Chapeau bas ". Les autres ont parlé de leur passé et de leur futur, portés par une voix. Une pluie d'hommages s'est abattue sur nos mines grises. De grandes détresses et de vrais mots d'amour envoyés à l'absente. Une petite phrase, notée dans la presse, a dit l'essentiel : " Barbara nous aidait à vivre " aujourd'hui; nous restent ses chansons, indispensables, moments bénis de vérité. Des balises, des remparts, des cannes pour nous aider à continuer. L'oeuvre d'une vie gravée dans la solitude des studios ou la communion populaire entre 1957 et 1996, et regroupée en vingt-cinq albums. Nous reste aussi le souvenir d'une femme hors du commun, à la droiture, la cohérence, la sincérité exemplaires. La même, de l'Ecluse au Châtelet. Reste enfin à souhaiter qu'on cicatrise vite de la peine d'un départ pour ne garder en mémoire que la beauté d'un sourire, sur une scène, en septembre... Le sourire éclatant de Barbara, radieuse et libre, tenaillée jusqu'au bout par cette salutaire lucidité.
" Dans la vie, on n'est que des passants. L'essentiel, c'est de passer le mieux possible "

Cette passante-là fut magnifique.


Valérie Lehoux  ( Journaliste )

Samedi 12 mai 2007 à 10:05


Barbara, c'était ma copine. C'était une rigolote, une femme formidable. Elle a toujours était là pour moi, dans les moments de doute et d'angoisse, lorsque je n'arrivais plus à écrire ou que j'avais envie de tout arrêter. Elle venait, avec sa grande cape noire, et elle me disait : " ça va aller, ça va aller " C'était une grande artiste, une très grande compositrice, une femme qui écrivait merveilleusement bien. Elle m'a énormément influencée.


Véronique Sanson
  ( Chanteuse )

Vendredi 11 mai 2007 à 9:33


Dimanche dernier, ta voix douce et tendre : " Bonjour chéri, tu vas bien toi ? " Tu voulais toujours savoir avant toi, comment les autres se portaient. Ta générosité, ton élégance et ta pudeur protégeaient tes fatigues. Tu restais blottie à Précy, ce vieux prieuré qui était devenu un couvent, seuls les intimes pouvaient y pénétrer, y respirer avec toi l'odeur des roses anciennes du jardin et carresser ce grand piano noir, ton compagon fidèle. Je t'avais trouvé cette maison au temps d'Eglantine. Elle était enfouie sous le lierre, grosse bâtisse de village, forteresse de l'amitié.C'est là que tu préparais ton tour de chant, les musiciens vivaient avec toi deux ou trois mois, travaillant comme des artisans, car chaque note, chaque virgule du texte étaient reprises avec soin et précision. Lorsque la patronne était satisfaite l'orchestre soufflait de bonheur. Secrète, discrète, malicieuse, curieuse, souvent tu regardais la télévision et souriais, tes yeux myopes voyaient tout, tu aimais t'amuser. Tu gardais pour toi les bonnes oeuvres : la peine de mort, l'avortement, les prisons, le sida, les enfants surtout avaient toutes les priorités, tu aimais donner sans que personne le sache. Tu adorais les surprises lorsqu'elles étaient celle de l'amour et de l'amitié. Je taquinais ton extravagance, tes colères, ton courage, tu travaillais si fort, tu avais tant peur de décevoir ceux qui avaient été ton premier rendez-vous d'amour il y a quarante ans. Chère Barbara, tu m'appelais affectueusement ton " petit mari ", nous avions des complicités, des rires, tu m'épatais sans cesse, gourmande tu choisissais ton menu : crabe, île flotante, tu pouvais aussi te nourrir de zan ou de cornichons : tu étais ma folle bien aimée, la jeunesse était ton amant, tu lui donnais tout, elle te donnait tout. Ta retraite était sans flambeau, jamais nostalgique, tu regardais l'avenir avec ton oeil d'aigle, tu respectais tant les autres; la liberté, l'espoir, l'amour était ta devise, ta gauche c'était ton coeur. Pour toi le noir était une couleur, ta voix reste avec nous, elle a si bien chanté les choses de la vie. Merci Barbara d'être cette longue dame brune, celle de la tendresse, Jacques Brel était ton ami, tu l'as retrouvé au pays de la lumière. Je t'embrasse comme je t'aime.


Jean-Claude Brialy
  ( Comédien )

Mardi 8 mai 2007 à 8:53


" Elle dévalisait le Marché-Saint-Pierre "


Barbara aimait le noir " parce que c'est gai " Elle aimait le rouge aussi " parce que tous les vrais théâtres sont rouges " et parce que les nouveaux théâtres " avec ces fauteuils bleus " on quelque chose d'incongru. Mais sa couleur, son " évidence "c'était le noir. " Et alors ?, répétait-elle à souhait, vous me verriez en rose ou en bleu pâle, peut-être ? " Châle noir, jupe noire et boa noir, voilà le style Barbara. Un style tellement fort que personne ne pouvait prétendre l'habiller, raconte le couturier Michel Klein, dont elle était la marraine. On pouvait tout juste la rassurer, poursuit celui qui fut, après Yves Saint-Laurent et Pierre Cardin, le dernier à la conforter dans ses choix. je lui plaçais des broderies à l'intérieur d'un col que personne ne voyait. Car Barbara était sa propre créatrice. C'est elle qui décida de passer de la jupe longue au pantalon pattes d'éph' à bretelles, ce qui constitua sa seule et unique révolution vestimentaire, rappelle le couturier, Barbara était aussi son propre miroir, elle ne s'habillait pas face à une glace, mais en se sculptant. C'était une tactile, accro au velours, dont elle aimait l'odeur et le grain; folle du jersey, qu'elle achetait par dizaines de mètres au Marché-Saint-Pierre. Elle en faisait ce qu'elle appelait des " gantelets " A mi-chemin entre les mitaines et le tube, elle les glissaient par-dessus ses manches de chemise et les laissaient retomber jusqu'à mi-main pour pouvoir jouer du piano. " Je n'ai jamais pensé que j'apportais un style " avait coutume de dire Barbara. C'est même pour " s'oublier " que la longue dame devint brune. " Chanter en noir, pour moi, c'est annuler le corps " confiait-elle peu avant sa mort. Le noir, son " habit de lumière " n'avait rien à voir avec ses bleus a l'âme, c'était plutôt sa façon de voir la vie en rose. Et la seule concession qu'elle ait jamais faite à la couleur, c'était sa robe de chambre imprimée léopard, qu'elle portait sur scène à la fin des rappels pour un ultime au revoir.


Michel Klein
  ( Couturier )

Lundi 7 mai 2007 à 8:23


" Elle vivait comme une gitane "


En tournée, Barbara menait la vie dont elle rêvait : celle d'une gitane qui aurait sillonné le monde dans une roulotte. Elle ne s'en est jamais lassée, et même y puisait sa force. Je me souviens que, dans les coulisses, elle tricotait avec frénésie pour diluer son trac. Au moment de monter un spectacle, elle nous lançait : " Attention, je vais recommencer à faire des écharpes pour les pauvres ! " Je ne sais pas si elle a jamais su tricoter autre chose que des écharpes ou des carrés. S'il a existé une femme extravagante, c'était bien Barbara. Elle avait connu la misère au point de ne pas pouvoir remplacer ses bas filés, de ne pouvoir changer ses lunettes cassées, et dieu sait si elle était myope ! Le jour où elle a découvert les cartes de crédit, j'ai paniqué. Elle partait faire des courses, nez au vent, en chantonnant : " C'est formidable, on n'a pas besoin d'argent " et elle revenait avec 8 000 F d'emplettes : chemises de nuit ébouriffantes, peignoirs, mules bordées de plumes de cygne. Et les bras chargés de cadeaux pour tout le monde.


Marie Chaix
  ( Ecrivain )

Dimanche 6 mai 2007 à 16:51


Elle était de gauche, viscéralement. En 1981, elle avait écrit pour François Mitterrand la chanson " Regarde " : " Un homme / Une rose à la main / A ouvert le chemin / Vers un autre demain " Ensuite, Mitterrand ira la voir chanter à Pantin, et choisira " Göttingen " pour le générique d'un entretien télévisé. Barbara était une femme d'engagement. L'une des premières, elle s'est battue pour l'abrogation de la peine de mort. L'une des première encore, elle avait réagi à la mort de Malik Oussekine, battu à mort par des policiers, et lui avait écrit une chanson : " Les enfants de novembre qui portent l'espérance " L'une des premières toujours, elle s'était mobilisée contre le sida. Des 1987, elle dénonce l'incohérence des campagnes d'information. " Trop de confusion et de zone d'ombre laissent à penser que seuls les homos peuvent être frappés par le fléau " disait-elle. Partout, elle interprète sa chanson " Sid'amour à mort " A la fin de ses concerts, elle fait distribuer des milliers de préservatifs ( " vous allez me faire plaisir, vous allez les mettre..., disait-elle à son public) Dans le hall de la mairie de Précy-sur-Marne, une corbeille de préservatifs était là, à disposition, à son initiative bien sûr. Dans les prisons aussi, elle porte la bonne parole. Elle fait installer une ligne téléphonique chez elle, pour les malades en détresse où elle répondait elle-même, se rend dans les hopitaux... Des visites jamais médiatisées : " si on parle de ça, je ne pourrai plus le faire " disait-elle aux journalistes. Aujourd'hui, il reste d'elle une voix. Celle qui nous faisait vibrer et qui montrait... tout simplement la voie.


Philippe Trétiack
 ( Elle info hebdo )

Samedi 5 mai 2007 à 7:15


Je me souviens de la première tournée qu'elle a faite après Bobino. J'étais partie avec elle. Nous avons eu quelques savoureuses aventures avec les pianos. A l'époque, elle s'accompagnait principalement au piano, avec un contrebassiste et l'accordéon de Joss Baselli. Son obsession était donc d'arriver dans les villes asser tôt pour vérifier la qualité des pianos qu'on lui réservait. Elle entrait souvent dans des colères noires en constatant l'état des instruments. Un jour, elle a même insulté le directeur d'une salle en lui lançant : " Monsieur, ce n'est pas un piano, c'est une chaussure. " Le directeur s'est défendu, en disant que France Gall l'avait trouvé acceptable. Elle a répliqué : " Mais je n'ai pas le talent de Mme France Gall. " A Fontainebleau, en découvrant un piano couvert de peintures avec des anges et des femmes nues, elle crie au directeur : " Vous n'imaginez pas que je vais jouer " Nantes " avec ça devant les yeux ! " Et elle a fait envoyer quelqu'un chercher du tissu chez Borgnol. C'est avec un piano drapé de noir qu'elle a chanté le soir.


Marie Chaix
  ( Ecrivain, secrétaire de Barbara de 1963 à 1969 )

Mardi 1er mai 2007 à 8:44

 


" Barbara... Mystérieuse belle dame brune intemporelle vous avez fleuri mon jardin secret de vos notes nostalgiques, de vos mots puissants, de votre douceur féline et sage.


Vous êtes la plus belle des roses en mon coeur pour l'éternité, l'âme soeur et spirituelle qui m'a fait comprendre la vie, les erreurs, les faiblesses, tous les sentiments qui évoquent la gratitude et le don de soi. Vous fûtes sur ma route une lueur, un guide, l'épanouissement de l'émotion.


Je me souviens de mon premier concert à Bobino, ce nétait pas un hazard car je n'y crois pas, vous m'avez envoyé le tout premier télégramme d'encouragement, je fus bouleversée car, sans jamais nous le dire, nous savions que nous nous aimions déjà...


Il y a parfois dans la vie des rencontres qui sont de vrais cadeaux, des messages qui se transforment en bagages, alors quand j'irai chanter sur les routes je sais que vous ne serez jamais loin de moi.


Chère Barbara, je vous aime "

  
Liane Foly ( Chanteuse )

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