Mardi 13 novembre 2007 à 8:02

 


Elle seule devait avoir le droit de le révéler en dénonçant " l'humiliation faite à l'enfance " Elle le fit, même si elle n'emploie pas le mot " inceste " dans les Mémoires. Saura-t-on d'ailleurs jamais l'étendue exacte de ce qu'elle a écrit ? Il peut aussi s'agir d'une pudeur extrême. Si elle ne s'était pas absentée si brutalement, à un moment où elle avait si peu envie de quitter son jardin et ce monde, si elle ne nous avait pas laissés en face de confessions inachevées, de quelle façon aurait-elle répondu aux journalistes à la sortie du livre ? Peut-on l'imaginer ? Se serait-elle retranchée derrière ses volets clos ? Je ne crois pas. A soixante-sept ans, elle avait décidé de parler, en son nom, sans musique, sur des mots durs, sans costume de scène, en toute vérité. Autrement dit, avec la générosité qu'on lui connaissait, avec le courage et la détermination qui dictaient toutes ses prises de position, on peut penser qu'elle aurait défendu utilement la cause de ces " enfants humiliés " dont elle avait fait partie. La blessure indélébile est pourtant restée secrète jusqu'à devenir un aveu posthume, des mots dans un livre. Jamais une chanson spécifique ayant trait à ce drame, seulement des allusions très voilées dans quelques chansons, si voilées qu'elles ne firent que renforcer le " mystère " qui vibrait comme un halo trouble autour d'elle et que tant de curieux auraient voulu percer. " Après " bien sur, clés en main, il est facile de tout expliquer. Remercions-la d'avoir été, jusqu'à la limite de sa vie, clairvoyante envers elle-même comme elle l'était avec les autres et d'avoir su trouver, au bout du chemin, les mots pour dire l'indicible. De nous avoir ainsi épargné les indiscrétions rapaces.

Dimanche 11 novembre 2007 à 9:50

 

On vit en oubliant qu'on vit et puis le téléphone sonne. Dans la nuit de Key West le téléphone sonne à l'autre bout de la maison c'est un fax. Cela arrive. Ne bougeons pas. Demain suffira. A Paris il fait jour et les heures nous poursuivent. Le téléphone sonne une voix lointaine laisse un message une aube pâle dessine les persiennes. A Paris il fait jour les heures nous ont rattrapés, il faut bouger. " Madame nous venons d'apprendre la mort de Barbara. Étant donné l'heure matinale, je préfère vous envoyer un fax " On dirait une chanson. Si souvent je l'ai redouté et c'est là ce matin dans la chambre qui s'éclaire. " Elle est morte " Les mots sont vides de sens je les répète sans comprendre. Cette nuit elle est morte à Paris et je dormais en Floride. Les images défilent et surtout les notes Si mi la ré si mi la ré. Tu n'es plus là ma belle le piano est muet. Tu ne chantais plus. Nous aurions dû comprendre. On vit en oubliant qu'on vit et puis un téléphone sonne. Un petit matin à Key West. Tout s'arrête mais le vent continue à souffler le jour à se lever. On dirait une chanson. Pourtant nous le savions elle nous avait prévenus : par une nuit de novembre pardonnez-moi je vous quitterai, je me ferai légère et dans un bruissement d'ailes je rejoindrai les forêts de lune... Ce n'est pas une chanson. Voyageuse de la nuit bleue n'oublie pas tes lunettes ni tes mules de velours. Pour les pianos ne t'inquiète pas le ciel en est rempli et les anges les accordent. Quand à nous pauvres de nous l'oreille dressée nous comptons les étoiles.

 
Marie Chaix
   Key West  25 novembre 1997


Ma belle...Te rends-tu compte que c'est le seul poème-chansonnette que j'ai jamais écrit ? C'était bien la peine me diras-tu...J'aurais préféré ne pas. Ne jamais. Aujourd'hui dix ans plus tard, je pourrai t'écrire tout pareil. A présent, on te célèbre, te commémore. Ça te ferait rire, j'espère... " Je l'ai bien connue...etc - Elle était pas du tout comme vous croyez etc..." Cela veut dire aussi que l'on ne t'oublie pas... Après tout, c'est bien ? On voudrait y mettre de la gaieté à ces célébrations, de la couleur, des bulles... Moi j'ai du mal, je pense à toi "  I miss you... " Tu aurais fait une charmante vieille Dame indigne avec ta canne, tes bottines et ton tricot. Du fond de ton fauteuil à bascule, entourée de tes quatre pattes chiens et chats... Tu aurais continué à faire jardinière de ton jardin en fredonnant pour les pivoines et les libellules... Oui, éventuellement, tes chansons consolent ( un peu ) et non, elles ne consolent pas, c'est toi vivante qui manque... Bon voyage.

 

 
Marie Chaix
   Paris 2007

Lundi 5 novembre 2007 à 6:29


Ah, ce fauteuil qu'elle trimballait de ville en ville et continuait encore de traîner sur scène telle une enfant, sa poupée de son, comme elle l'a aimé, comme il l'a bercée ! Quand elle s'y asseyait, en plein récital, on savait que c'était le moment des confidences, l'instant secret où la femme inaccessible s'abandonnait et nous regardait en face.


Jérôme Garcin
  ( Journaliste )

Jeudi 1er novembre 2007 à 7:28


La salle est minuscule et, lorsqu'elle entre en scène, liane noire surmontée de ce visage d'oiseau de haute race, elle est si proche qu'elle semble s'adresser à chacun de nous. Mais elle reste une déesse inaccessible, ses yeux sombres traversés de lueurs d'orage pour, l'instant d'après, se voiler d'une dangereuse douceur. Nous vivons là des moments de pure extase, ses trilles nous étourdissent, les mots qu'elle nous chuchote nous bouleversent. Personne mieux qu'elle n'a su dire Le mal de vivre, personne mieux qu'elle, la joie de vivre... cette chanson-phare de toute une génération qui a sans doute évité à nombre d'entre nous de  " n'en pas revenir "


Kénizé Mourad
 Le Jardin de Badalpour.

Mercredi 31 octobre 2007 à 7:30


Où qu'elle soit, dans les plus étroites coulisses, elle s'improvise une loge. Comme ces pièces fermées des églises où se prépare l'officiant. C'est là que le corps s'allonge, que les yeux, les lèvres, le visage entier se modifient. Longtemps avant d'entrer en scène, elle s'y enferme. Seule. Elle se penche vers son miroir. La lampe l'éclaire de face. Le masque va naître. Pour un soir. Un temps très court. Le temps d'une rose.


Jacques Tournier
  ( Ecrivain )

Lundi 29 octobre 2007 à 9:27


Elle est entrée dans ma vie en 1964. J'avais vingt-deux ans. Je la connaissais peu, elle m'intimidait de loin. Je fini par me laisser entraîner à L'Écluse par mon amie Nadine Laïk, qui avait commencé à travailler avec elle lors d'un des derniers passages de Barbara dans son fief de la rive gauche. Je subis le choc de " Nantes " et le charme de l'étrange " Chanteuse de minuit " J'achetai son premier album Barbara chante Barbara. Or voici que quelques mois plus tard, par hasard et au grand jour, sur un trottoir de la rue Rémusat ( j'habitais dans le même pâté de maisons ) une dame, longue silhouette pâle et blanche de la tête aux pieds, le visage enturbanné de mousseline et de voiles qui la font ressembler à un Touareg de neige se riant d'un ouragan de grésil, une dame dont les yeux et les tempes disparaissent sous d'énormes lunettes noires, s'arrête à deux mètres de moi. Je reste pétrifiée. Elle pointe le bout de sa main gantée en direction de mes pieds. Sous sa moustiquaire, je l'ai aussitôt reconnue. Je me dis : elle est folle. J'entends sa voix claire et sonnante : - Où avez-vous trouvé ces sandales ? La brusquerie de la question me plonge dans une gêne indescriptible. Sur le point de dire : je ne les ai pas volées, je le jure et d'ailleurs nous n'avons pas la même pointure, je bafouille une réponse évoquant Antibes ou Juan-les-Pins, bref un de ces endroits " sinistres " où ma peau s'est chocolatisée et où j'ai fait l'acquisition de ces sandales, d'un vert électrique j'en conviens, toutes en lanières, très jolies il est vrai, qui semblent tant l'intriguer. Me regardant droit dans les yeux, elle dit : - Vous avez un moment ? Venez donc chez moi ! J'ai une robe qui ira très bien avec vos sandales... En me prend par le bras et nous faisons trois pas en silence. Puis nous nous arrêtons. Elle me regarde, de haut. - C'est drôle, dit-elle, habiter si près l'une de l'autre... Je savais qu'on se retrouverait ! Et elle éclate de rire, ce rire merveilleux, insoupçonnable, contagieux comme seule un rire peut l'être. Et nous voilà, toutes les deux, complices pour la vie, nous esclaffant sur le trottoir de la rue Rémusat. Une fois chez elle, elle se mit à vider ses placards pour m'offrir des sacs, des gants, des dessous en dentelles, des fanfreluches...Quand à la robe promise, du Pucci pour joueuse de bridge, tout ce qu'il me fallait ! Nous nous amusions comme des folles. Je repartis avec une rose et ces mots : - Nous nous reverrons ! Je reçus des places pour aller la voir à Bobino en septembre, ce passage en vedette resté dans les annales du music-hall, qui lui inspira plus tard " Ma plus belle histoire d'amour c'est vous " et la consacra " star " enfin, à trente cinq ans. Et puis un jour de fin novembre 1965 arrive un coup de téléphone chez l'éditeur où j'avais trouvé mon premier job. - Bonjour ! c'est Barbara, la chanteuse ! Je cherche une secrétaire. Voilà, c'est vous. Vous commencez demain ! Complètement ébahie, je balbutiai que je devais tout de même un mois de préavis à mon employeur... - Ah bon ? Qu'est-ce que c'est que ça " préavis "? - Alors le 1er janvier ! J'eus la chance ( et la témérité ! ) d'être l'assistante de Barbara pendant quatre ans, quatre années tourbillonnantes où le succès l'emportait sur ses ailes, où elle devenait avec passion, pour un public de plus en plus assidu et nombreux, celle qu'elle avait toujours voulu être, une femme qui chante, qui chante sa vie pour les autres, pour les aimer et être aimée, une femme de coeur, une artiste hors norme.


Extrait du livre


Dimanche 21 octobre 2007 à 10:50


Barbara avait réussi, au bout de sa route à réunir quatre générations de spectateurs, touchés au plus profond d'eux-mêmes par une voix, des paroles, et des mélodies servis par une présence magnétique sur scène. Cette diva des âmes était d'une théâtralité folle, n'importe qui d'autre eut été ridicule. Pas elle. 40 ans d'amour exclusif avec un public à la fois populaire et viscéralement attaché à elle. Parmi eux, beaucoup de jeunes, beaucoup de gais. « Ils l'aimaient beaucoup plus fanatiquement que leurs parents. Sans doute pour nier le temps qui avait passé, pour affirmer la permanence de ce qu'elle chante. Barbara parle à l'adolescence — et à ce qui reste en chacun d'adolescent —, ce moment de la vie où l'on berce son "mal de vivre" à coup de chansons tristes, qui soignent "le mal par le mal". »


Le Monde   ( 26/novembre1997 )

Mardi 16 octobre 2007 à 22:16


Une voix aux charmes mouvants


Barbara était une voix. Une voix, investie d'un tel pouvoir de séduction, de fascination, une voix à tel point chargée de sa vie de femme - donnée en offrande avec une intimité frôlant parfois l'impudeur - qu'elle pouvait pénétrer celle des autres, en les révélant à eux-même.Une voix réveillant les douleurs, pour mieux les apaiser, une voix gravée dans la mémoire de l'inconscient collectif qu'elle continue de bercer, de charmer, de hanter, d'accompagner... même post mortem. Une voix qui incarne ses multiples visages : " (...) Elle s'assied au piano, sa voix s'élève. Je suis muette d'émotion, d'admiration. Elle m'arrive comme quelqu'un que j'attends depuis longtemps. (...) " écrit Sandra Thomas ( auteur de " La Barbaresque" ) Léos Carax déclare sur Chorus n° 23 : " Toute ma vie la voix de Barbara vibrera près de moi. Tout autour et dedans. C'est une voix qui m'a rejoint dans ma petite enfance. Plus tard, mes premières amours se sont portées sur des filles qui, toutes, aimaient cette voix du même amour d'enfance que moi. C'était un drôle de hasard. Je peux même dire que je dois à la voix de Barbara ma première liaison sérieuse. (...) Je dirais que la voix de Barbara m'est indispensable, comme d'autres voix d'autres femmes de ce siècle... Je regrette seulement que l'on puisse embrasser des mains, des joues, mais que jamais baiser ne se posera sur un regard ou sur une voix. " Un anonyme confie : " Sa voix me poursuit et me hante. Je vais vous surprendre : je sais qu'elle est brune, que ses yeux sont noirs, mais je vais découvrir le visage de cet " aigle noir" à la télévision, maintenant qu'elle a disparu. " Une voix qui, dotée d'une technique particulière, miroitait les changements de sa personnalité. Ponctuellement, elle exprimait les variations de son humeur, empruntant un timbre limpide ou rauque selon les thèmes de ses chansons. Se faisant confidente ou extravertie en fonction des conditions d'enregistrement - studio ou scène. Au fil du temps, sa voix, enrichie de son expérience de femme qui chante, révélait l'évolution de son personnage. Traduisant les préoccupations empathiques d'une " pasionaria " de plus en plus dévouée à la douleur de l'autre, devant en outre affronter l'âge, la santé défaillante et l'aphonie qui en découle, sa voix quittait le maniérisme pour atteindre une certaine " hystérie " de l'expression. Sa voix était le baromètre de son âme, ce dont elle était parfaitement consciente : " (...) L'état de nos cordes vocales, " accordées " ou " désaccordées " selon notre état physique ou psychique, réclame donc les plus grands soins, la plus grande vigilance (...) En effet, toute fatigue ou tout choc émotionnel, transitant d'abord par notre psychisme, va d'emblée atteindre nos cordes vocales et les fragiliser. La voix est un baromètre d'une exactitude extrême. Combien de fois, à une modification même infime et quasi imperceptible de leur timbre de voix, n'ai-je pas su déceler l'état physique ou moral de tel ou tel de mes amis ! Nous avons tous connaissance de timbres de voix qui nous sont insupportables, parfois même jusqu'au dégoût. On sait également le pouvoir de certains agitateurs ou tribuns politiques de sinistre mémoire dont nous gardons les accents fichés dans nos tympans. (...) écrivait Barbara. Cette voix-miroir a pris racine dans une enfance fleurie de perspectives artistiques, et s'est colorée d'influences extérieures : celles du chant classique, puis du cabaret.


Extrait du livre


Vendredi 12 octobre 2007 à 11:48


Mon premier lien avec Barbara remonte à  "  l'album à la rose  "  ( 1964 ), dont j'étais littéralement tombé amoureux. Les chansons  "  A mourir pour mourir , Pierre  "..., la pochette, tout était absolument magique, d'une grande classe et d'une grande beauté. Dès que j'ai entendu Barbara, j'ai été touché jusqu'au plus profond de mon être, comme si, d'un coup, mon âme était entrée en résonance avec la sienne. Et cela grâce à ses mots simples, puisés dans le quotidien de chacun. Elle se situe dans une dimension supérieure, elle est complètement folle, rêveuse, éclairée, tout en étant à la fois très proche de la réalité, de la vraie vie. J'ai eu la chance, le privilège devrais-je dire, de rencontrer cette femme, baignée par la grâce, d'une beauté absolument divine... Elle avait un rire magnifique, un goût prononcé pour les mauvaises blagues... Elle était malicieuse, enfantine, farceuse ! J'étais très amoureux de cet ange, comme tout le monde d'ailleurs... Par la suite, je me rendais souvent seul à ses concerts afin de préserver un espace d'intimité avec elle... pour être disponible à son regard qui viendrait me chercher au plus secret de moi-même. Chaque personne du public partageait cette même relation d'intimité... Barbara était douée du pouvoir de transmettre à chacun le sentiment qu'il était unique. C'est ce phénomène qui a rendu les gens amoureux d'elle ! Elle et moi avons passé des nuits interminables au téléphone. Peu importe ce qu'on se disait, mais c'était toujours naturel, lumineux, joyeux. Parfois je lui disais : " Et au fait, si je viens ? - Quand maintenant ?  Oui, viens !  " C'était aussi simple que cela. Plusieurs fois, j'ai foncé en voiture pour la rejoindre à Précy. Une nuit, je frappai à sa porte. Grandiloquente, elle ouvrit, m'adressa un signe théâtral, posant le doigt sur sa bouche comme pour me dire : " Chut " Silencieuse, elle m'invita à la suivre jusqu'à la cuisine où nous nous sommes assis. Puis, comme si nous étions tous les deux muets, elle m'écrivit : " Nous ne parlerons pas ce soir, nous nous exprimerons seulement par gestes ou par regards. " Jusqu'à l'aube, nous avons bu du thé, mangé des gâteaux et dialogué longuement sans prononcer un seul mot. Comme dans un jeu d'enfant. Nous étions hilares ! Puis, nous nous sommes fait comprendre que nous étions fatigués... Elle m'a offert sa chambre d'amis. Le lendemain, je me réveillai, prêt à poursuivre le jeu. Le déjeuner était prêt, Barbara arriva et me lança, exubérante et volubile : " Bonjour, comment vas-tu, tu as bien dormi ? " Puis, ses phrases, ses mots déferlèrent. Nous nous sommes ainsi mis à parler, parler, du déjeuner jusqu'à la nuit tombante. Contrairement à la veille, nous avons abordé des sujets sérieux : la politique, le monde, l'injustice... autant de thèmes qui nous révoltaient. Elle a subitement adopté une attitude de combattante, de vraie guerrière, empruntant une voix grave... Elle a également parlé du public, pas comme d'une entité vague, mais de chaque individu le composant. Et cela avec un immense respect : " Tu te rends compte du cadeau qu'ils nous font ! " Elle est la seule à m'avoir parlé du public en ces termes ! " Un beau jour ou peut-être une nuit " elle s'est endormie, et comme un enfant, je l'ai contemplée. Aucune ombre ne se glissait entre nous, c'était de l'amour pur ! La dernière fois que je l'ai vue, c'était à la halle aux Grains de Toulouse où elle se produisait. Et là, j'ai assisté à un spectacle éblouissant ! Celui d'une femme qui avait mis son âme à nu : ce don de soi, cette dignité, mais aussi cette solitude intense qui se dégageaient d'elle ! Inoubliable ! Lorsqu'elle chanta " Seule ", assise sur un fly-case, un projecteur braqué sur elle, je fus bouleversé par la beauté, le déchirement de cette femme. A la fin du concert, j'applaudissais les larmes aux yeux, unissant ma douleur et ma joie aux siennes. Là, j'ai réalisé que Barbara était une immense tragédienne, présente depuis des siècles. Donnant en offrande jusqu'aux fibres de son coeur, de son âme, de sa chair ! Après le spectacle, elle m'a embrassé et m'a tendu un bouquet de roses en me demandant de les offrir au public. Alors, à la sortie du théâtre, j'ai distribué les fleurs à chacun des membres de sa " plus belle histoire d'amour " Si je devais lui dédier une chanson de mon répertoire, je choisirais " L comme beauté "

" Tu es la beauté flamboyante, rebelle comme un cri d'enfant "


Jacques Higelin 
( Compositeur - interprète )

Vendredi 5 octobre 2007 à 10:15


Le 6 novembre 1967, sa mère disparaît à l'âge de soixante-deux ans. Barbara est maintenant une vedette. Elle apprend la nouvelle alors qu'elle chante en Italie. Elle est effondrée. Elle rentre à Paris. C'est l'adieu à Esther, cette mère qu'elle ne perdait jamais vraiment des yeux. Celle qu'elle avait installée plusieurs années dans son immeuble de la rue Rémusat pour mieux veiller sur elle, faire en sorte qu'elle ne manque de rien. Celle qu'elle appelait quelquefois " la Juive " dans une distance teintée d'ironie, et qu'elle s'était mise à vouvoyer subitement à la mort de son père. Cette femme qu'elle avait " toujours adorée, même si ( elle avait ) eu tant de mal à l'aimer " Cette mère qui jadis avait si bien su l'éloigner des périls de la guerre, sans pouvoir la protéger du reste. Entres elles, au fil du temps, les rôles s'étaient inversés. " Elle deviendra elle-même mon enfant chérie que j'assumerai, protégerai toujours et du mieux que je pourrai " Mais, cette fois, Barbara n'a rien pu faire pour sa mère, et son chagrin est immense. Elle écrit une chanson : " C'est drôle, jamais l'on ne pense / Qu'au-delà de dix-huit ans / On peut être une orpheline / En n'étant plus une enfant. " Elle ne veut plus rester rue Rémusat. De nouveau, elle boucle sa valise.


Extrait du livre


<< Page précédente | 9 | 10 | 11 | 12 | 13 | 14 | 15 | 16 | 17 | 18 | Page suivante >>

Créer un podcast