L'étoile polaire
Quand barbara chante, il y a une telle densité que tout à coup le silence s'impose. Parfois, les gens me demandaient comment elle était dans la vie. Je leur répondais : " Vous l'avez vue sur scène, vous l'avez entendue vous parler, eh bien dans la vie c'est la même femme. " Elle ne cachait rien. Elle avait les mêmes audaces, le même humour, les mêmes éclats de rire. Barbara avait ce don de percevoir les choses au plus près du coeur et de pouvoir les exprimer très simplement, ce qui la rendait, à chacun, très proche et très humaine. Elle entendait tout. Elle voyait tout. C'était son côté sorcière. Un jour, pendant les répétitions, alors que le plateau était interdit à quiconque, même au directeur du théâtre; elle s'arrête de jouer. Elle avait senti une présence. Elle a fait éclairer la salle. Il y avait effectivement deux personnes qui s'étaient faufilées jusqu'au poulailler... Après Mogador, nous sommes partis en tournée au Japon. Barbara donnait un concert pour l'inauguration d'une salle, immense d'ailleurs. On se disait que cela allait être dur de conquérir un public qui n'était pas forcément là pour elle. Avant d'entrer en scène, elle nous a dit : " Vous allez voir ce soir... " A la moitié du concert, les gens étaient debout. Ils ne s'occupaient plus de la traduction qui défilait au-dessus de la scène, ils la regardaient, elle. Ils avaient été aspirés dans son univers. Elle avait gagné. Ce qui se passait en scène avec Barbara allait au-delà des mots. Un soir où mes parents étaient venus à Mogador, mon père " padre italiano " d'abord extérieur à l'atmosphère qui régnait dans la salle, s'est laissé emporter par sa lumière et m'a confié après le spectacle, subjugué et ému jusqu'aux larmes : " Cette femme, c'est l'étoile polaire " Accompagner Barbara, c'était plus qu'une leçon de musique, c'était une leçon d'amour.
Sergio Tomassi ( Musicien )