Jeudi 20 mars 2008 à 11:28

 


Barbara aimait beaucoup les arbres. Elle m'a demandé de la photographier avec ceux de son jardin. Elle a pris différentes poses, d'elle même. je ne suis presque pas intervenu. Je la laissais faire, ça la mettait à l'aise.
Barbara, c'était une belle amitié, une grande affection. Au fond, je faisais partie de sa famille. Lorsqu'elle me téléphonait, elle voulait savoir ce que je faisais, comment allait ma santé. Elle me chicanait aussi  "  Tu devrais vendre des roses. Est-ce que tu en inventes ?  "   tout simplement parce que je lui apportais souvent de petites roses, des caroles.  "  Tu vas bien ?   t'es pas malade ?   tu as du travail ?  "   Pour elle, c'était tellement important que ceux qu'elle aimait aillent bien.

Marcel Imsand
   ( Photographe )

Extrait du livre


Mercredi 19 mars 2008 à 8:32

 


C'est bizarre, la mémoire. Quand on ne la sollicite pas, elle vous envoie parfois des flashes, des éclairs des bouffées d'images, de voix, d'émotions. Quand on la sollicite, elle joue comme un miroir et vous renvoie à votre propre humeur, à travers des souvenirs sélectionnés par ses filtres mystérieux et complexes. Voilà pourquoi je résiste et me récuse, quand il est question décrire sur Barbara. Pour ceux qui ont été ses proches, chacun détient  " sa " Barbara au fond du coeur. Pour ceux qui l'ont aimée de loin, ils ont aussi  " une " Barbara, chacun pour soi. Que dire de Barbara, dans l'océan des mots qui ont cherché et cherchent encore à la raconter, à la traquer, à la définir, à la décrypter ? Qu'elle était tout, excessivement. Généreuse, dispendieuse, injuste, rancunière, drôle, amoureuse, désespérée, exigeante, extravagante, possessive, exclusive, passionnée, solitaire et entourée, capable, dans le même instant, de vous tuer d'un mot et d'en être inconsolable. Autant dire qu'elle échappait et échappera toujours à toute définition. Le privilège de notre rencontre et du chemin que nous avons parcouru ensemble, c'est de s'être situé au moment crucial où la Chanteuse de Minuit est devenue Barbara. Même si j'en parle peu, c'est l'une de mes fiertés d'avoir oeuvré à la métamorphose. Claude Dejacques, Joss Baselli, Pierre Nicolas, je ne peux évoquer sans émotion ces noms, les premiers de l'équipe qui s'était alors constituée autour d'elle. A chaque instant, il fallait être là, l'empêcher de tout remettre en question, de fuir l'idée du succès comme elle fuyait celle de l'échec, la distraire de ses multiples tourments, exorciser ses démons, la faire rire, lui rappeler qu'il fallait se nourrir, et l'amener jusqu'au bout de la nuit, pour déjouer ses insomnies. Durant cette période de quatre ans, Barbara m'a choisi et offert le parfum que je porte toujours, depuis l'hiver 1963, elle m'a appris à tailler les roses, en biais, avec une lame de rasoir et à les coucher dans une baignoire d'eau froide pour prolonger leur vie de fleurs coupées, elle m'a inoculé le goût des bijoux de caravane aux cornalines serties d'argent, elle m'a, sans le savoir, fait prendre conscience de la valeur de l'instant, et, par-dessus tout, elle m'a fait découvrir que j'écrivais des chansons, en m'arrachant les textes des mains pour les façonner avec la magie de son piano et de sa voix.

Extrait du livre
 
 

Mardi 18 mars 2008 à 9:22

 


Par une nuit d'hiver en 1977, elle est réveillée par des miaulements déchirant et des coups de griffes contre la porte de sa chambre. Levée en sursaut, elle ouvre à l'un de ses trois chats et réalise qu'en bas, la maison brûle. Les flammes et la fumée envahissent déjà l'escalier. Elle parvient à sortir, par un grenier croit-elle, car elle ne se souvient plus, et se retrouve pieds nus, dans les rues désertes du village, appelant au secours. On saura plus tard que le feu a pris dans la cuisine à la suite d'un court-circuit, a progressé sans qu'elle n'entende ni ne sente rien. La petite chatte affolée, morte ensuite dans les flammes, l'a sauvée. Toute une aile de la maison fut dévastée, sa chambre un peu moins touchée et le grand piano indemne. Mais Fragson et la Loïe Fuller ont péri dans le sinistre. Il ne restait plus qu'à fuir ; Charley lui improvisa une tournée. Elle répéta dans le théâtre où le feu n'était pas allé, au milieu des experts et de débris noircis puis se sauva pour quelques mois, en attendant que la maison reprenne son visage ami.

Vendredi 14 mars 2008 à 8:41

 


Roland Romanelli raconte qu'un soir, Barbara n'a pratiquement plus de voix. Emballée dans ses châles sur son rocking-chair, elle écoute, angoissée, la rumeur de la salle trépignant derrière le rideau. Que faire ? Annuler ? Ce serait l'émeute ! Elle entre en scène, explique tant bien que mal son filet de voix. Et voilà ce qui arrive :  la salle entière se met à chanter à sa place ! Elle entame la chanson, chuchote dans le micro, joue, et le public chante !  Il y avait ce soir là une émotion intense dans la salle. Le soir de la dernière, qui atteint des sommets d'électricité entre la reine du cirque et l'assistance subjuguée, elle déboule en scène avec une feuille de cahier à la main, ses lunettes et leur offre une chanson d'amour écrite dans la nuit  :

Pantin folie, Pantin vaisseau,
Au bout de vos cœurs étoilés
Vous avez planté des soleils,
Plus flamboyants que le soleil.

Pantin espoir, Pantin bonheur,
Oh, qu'est-ce que vous m'avez fait là ?
Pantin qui rit, Pantin j'en pleure,
Pantin, on recommencera


" Pantin " demeurera dans les annales du show-biz comme une invraisemblance légendaire. Il nous en reste un témoignage visuel  :  le spectacle a été filmé par Guy Job, à l'issue d'un contrat draconien passé avec la  " souveraine "  qui exige que les huit caméras, pendant trois jours, soient invisibles, les techniciens vêtus de noir, pour ne pas gêner le public. Que les lumières restent inchangées et qu'elle-même participe au montage tout en gardant le droit de véto final !   " Si je n'aime pas, je jette !  "  Durée du montage  :  six mois. "  Ils n'en pouvaient plus de moi, mais ils ont été merveilleux  " dira-t-elle plus tard des techniciens, qu'elle fit travailler jour et nuit... Au cours de ces séances de travail intense, Barbara fait une de ses  " belles rencontres "  celle de Béatrice de Nouillan, scripte du film, qui deviendra son assistante,  précieuse, et infiniment discrète présence jusqu'au dernier jour, c'est-à-dire pendant quinze ans. Le film au final est, selon son intransigeance, magnifique. Diffusé sur TF1 le 5 novembre 1982 ( puis plusieurs fois rediffusé par la suite ) à 20h35, soit  " quatre-vingt-dix minutes de perfection " sans interruption. Du jamais vu ! 
Ce que reine veut...

Mercredi 12 mars 2008 à 7:51

 


Sous son extravagante folie, elle est la plus savante, la plus subtilement lucide des créatures. Elle est le sphinx immobile dont le regard filtre à travers les cils, en équilibre sur la fragile muraille qui sépare l'amour de l'enfer et la vie du désespoir.


Marie Chaix
   ( Ecrivain )

Mardi 11 mars 2008 à 9:32

 


Souviens-toi Barbara

Coller à l'événement n'est pas la préoccupation majeure de la rédaction de l'Itinérant. Car combattre la misère et l'exclusion requiert du recul et de la persévérance. C'est un travail de tous les jours, un travail de longue haleine. Pourtant cette semaine, nous faisons une exception pour une femme exceptionnelle. Bien qu'elle soit morte et enterrée la semaine dernière, Barbara la chanteuse mérite notre modeste hommage. Il ne s'agit pas de décortiquer ou de rendre compte de l'immense talent d'artiste et de poète qu'elle fut. D'autres l'ont fait et le feront mieux que nous, mais de parler de la femme de coeur qui était derrière le personnage public. Monique Serf qui porte le nom de Barbara, cette dame brune toujours vêtue de noir n'a jamais été grisée par la gloire. Elle fut discrètement de tous les combats. celle qui fut plongeuses au tout début de sa carrière au cabaret " La Fontaine des Quatre Saisons ", faute d'y pouvoir chanter n'a jamais oublié les exclus ou les pauvres. Il y a six ans, ayant entendu parler d'un projet d'aide aux sans abris, elle n'hésita pas à envoyer un chèque conséquent tout en exigeant la discrétion comme condition de sa participation. Elle savait reconnaître la détresse d'autrui et son mal de vivre qu'elle traduisait dans ses chansons. " Ça ne prévient pas, ça arrive, ça vient de loin, ça s'est traîné de rive en rive, la gueule en coin " Lors de l'apparition de la terrible épidémie du sida, alors qu'il n'y avait que peu de structures d'accueil des malades, alors que le combat contre ce fléau mobilisait peu de monde, Barbara était déjà aux côtés de ces condamnés a mort potentiels. L'auteur de " l'aigle noir " avait même ouvert une ligne téléphonique pour que l'on réponde jour et nuit à leur détresse. La lutte contre la peine de mort fut aussi son combat a travers son engagement personnel. La lutte contre le racisme fut aussi son combat. A son dernier concert donné au théâtre du Châtelet, elle avait tenu a ajouter " Lily " la chanson de Pierre Perret, qui est selon elle " La plus belle chanson antiraciste " Tous ces combats, Barbara les a menés dans la discrétion, là où d'autres auraient voulu en tirer des dividendes. Si Barbara paraissait cabotine dans des lieux où elle chantait et où le beau monde se côtoyait, elle n'hésitait pas, sans tapage et sans publicité à chanter aussi pour les gueux dans des banlieues des villes dortoirs ou peu d'artistes se hasardent. " J'ai peur mais j'avance quand même " disait-elle. Avec elle, le combat contre la misère et l'exclusion a avancé, mais il a perdu l'une de ses meilleurs alliées.
Merci tout simplement Madame Barbara pour votre engagement. Nous aussi on a envie de vous dire :
 " Notre plus belle histoire d'amour c'est vous ! "

L'itinérant
  
(Journal de rue sur Paris et régions parisienne)
( 1,40 euro est versé au revendeur : un geste qui permet d'aider une personne en situation de précarité )

Mardi 26 février 2008 à 9:24

 


Dans une radio, un journaliste m'a demandé : " Comment était Barbara quand elle faisait ses caprices ? "  Surpris, j'ai répondu : " Mais qui vous a dit que Barbara faisait des " caprices" ! Elle était exigeante, ce n'est pas pareil, et exigeante avec elle-même. C'est pour ça que, nous, les musiciens, nous jouions le jeu. Pourquoi parlez-vous de " caprices " ? Que ce soit bien clair, Barbara n'a jamais fait un seul caprice ! " Je sais bien que je vais choquer quelques oreilles, mais je le dis quand même, je ne suis pas là pour dire qu'elle est bien, qu'elle est sublime, je suis désolé : Barbara est une femme comme toutes les autres, avec ses défauts, ses erreurs et son côté insupportable... Comme tout le monde. Mais elle dégage de l'amour ! Le mystère autour d'elle, elle ne l'entretenait pas, mais il lui collait à la peau. Si Barbara a toujours eu autant de gens aussi passionnés autour d'elle, c'est parce qu'elle était passionnée et intransigeante pour elle même. Quand elle arrivait sur scène, elle nous faisait une révérence, c'était à nous, d'abord, qu'elle montrait ses mains pour canaliser notre énergie. Ensuite, elle allait vers le public. D'entrée..., on ne peut pas se rendre compte, ça lui passait de partout ! Elle réagissait, je voyais sa peau bouger, son corps, un orgasme perpétuel. Ce public lui était dévoué, mais en même temps, elle ne supportait pas qu'on la prenne pour une diva. Elle nous disait souvent " Je ne suis pas la solution au problème ! " Lorsque nous l'appelions à Précy, on tombait sur son répondeur. La bande-annonce commençait invariablement par " Bonjour, j'espère que vous allez bien ! " C'était toujours très drôle. Ce " Bonjour, j'espère que vous allez bien " venait du coeur, il était l'amour.

Sergio Tomassi
  ( Musicien )

Lundi 18 février 2008 à 9:58

 
Une magicienne, des musiciens.


Richard Galliano, accordéoniste. Elle disait de lui :  " C'est un gros chat qui se saisit d'une note et la porte au plus haut, à l'irréel. "  Il dit d'elle  :  On s'était installés chez elle, à Précy, pour exploiter les chansons. Sans partition, juste au regard, au geste, au sourire de Barbara. Je ne savais plus qui d'elle ou moi jouait de l'accordéon... Elle avait une énergie inimaginable. Sa manière de jouer du piano... je ne sais pas, il y avait quelque chose de magique. Quand elle m'a fait entendre pour la première fois  " Faxe-moi "  j'ai pensé à Thelonious Monk. Ces dissonances, cette dualité de force et de fragilité que l'on trouve chez certains musiciens, Piazzola, aussi... Elle était exigeante vis-à-vis de tout le monde, mais surtout d'elle-même. Une exigence dictée par le désir de la beauté. Mieux valait être vif pour répondre à sa vivacité ! Elle pouvait paraître implacable, mais avec les années j'ai compris  :  elle voulait donner tellement... Avoir vécu cela, et l'avoir approchée  :  je mesure la chance que j'ai eue. Aujourd'hui, qu'est-ce qui nous reste ? Cette belle énergie.

Dominique Mahut, percussionniste. Elle disait de lui  :   " Il est peintre, aussi ; et crée sa musique en peintre. "  Il dit d'elle  :   Son  " Faxe-moi "  qui m'a aussi fait penser à Monk, elle disait qu'elle le donnerait à Iglesias. Et elle me l'a rejouée en imitant Julio ! Ce qui la définit pour moi, c'est son rire, sa joie. En répétition et sur scène : une dérision espiègle quand s'annonçait une résonance dramatique, ou tragique... En concert, elle était totalement dedans, et distante à la fois. C'est difficile à expliquer. Elle est inexplicable. Insaisissable, et si présente. Avec elle, au sens propre, la musique prenait corps. Elle nous réapprenait à ne pas la laisser fuir, à la sentir passer au moment où elle passe. A chaque seconde. Elle voulait beaucoup de répétitions, beaucoup de temps ensemble. Pour, après nos bavardages intimidés, arriver au silence. A la rencontre. A la musique.     

Jeudi 14 février 2008 à 8:50

 


Barbara était un personnage hors du commun. Elle arrivait chaque fois trois bonnes heures avant de chanter. Elle se maquillait, elle regardait ce qui se passait tout autour, elle discutait avec nous. Je la revois en coulisses, juste avant son récital. Les musiciens commençaient à jouer. Elle, elle avait la tête baissée, le corps cassé, puis elle se relevait en prenant une énorme respiration, elle se gonflait, les bras en arrière, et entrait en scène. C'est l'une des images qui m'a le plus frappée... Cette force de concentration. J'ai aussi des tas de souvenirs très joyeux. Pour la dernière de Bobino, par exemple, en 66, je lui ai fait un gag. Je suis allée dans sa loge pendant qu'elle chantait, j'ai enfilé son deuxième costume de scène, je me suis maquillée, et j'ai débarqué comme ça sur scène, au moment des rappels. Vu qu'on avait à peu près le même profil, on aurait dit une deuxième Barbara. Elle a eu un énorme éclat de rire en me glissant " Quelle imbécile !  " C'était une femme très drôle. Quand on était en tournée, elle me disait toujours " Monte dans ma voiture. Avec toi au moins, on rigole " ...  Barbara n'était pas une star. Elle parlait d'égal à égal avec tout le monde. Elle avait autant de respect pour les premières parties que pour les grosses vedettes. Après le spectacle, elle aimait réunir son monde autour d'un repas. Il y avait un vrai esprit d'équipe, une grande complicité. On se serait fait coupé la tête pour elle. Et on riait beaucoup. C'était extraordinaire. Elle n'était ni une mante religieuse ni un cadavre ambulant ! Je suis désolée du visage que lui ont donné certains. La première fois qu'elle a chanté " Ma plus belle histoire d'amour " restera inoubliable. Ce jour-là, elle a quitté son piano et elle est venue s'asseoir sur le bord de la scène, les jambes dans le vide. Il y avait des larmes dans la salle et sur la scène. Il y avait de l'émotion comme jamais. Barbara a eu un public très large, car elle touche tout le monde. Elle plaît aux vieux, aux jeunes... Elle plaît aussi aux homosexuels car elle a toujours chanté la tolérance. Elle a fait des tas de choses pour les enfants, les vieux, les malades, sans rien dire. Chez elle, il n'y avait pas d'esbroufe. Il n'y aura pas deux Barbara. Même parmi les plus grands. Elle en avait tellement vu avant d'être reconnue que le succès ne lui est pas monté à la tête. Elle est restée très lucide sur ce métier. Barbara, on ne peut rien lui reprocher. C'était une femme intègre. Je suis très heureuse de l'avoir connue. On ne passe pas à côté de ce genre de personne sans être changé.

Micha Bayard
   ( Comédienne )

Mercredi 13 février 2008 à 8:33

 


Il aura fallu un sacré coup du sort pour que leurs routes se croisent. En 66 à la veille d'un récital, Barbara doit remplacer Joss Baseli au pied levé. Elle appelle alors un jeune homme, tout frais sorti de ses cours et de ses concours d'accordéon : Roland Romanelli, vingt ans. Entre eux, l'entente se transforme en osmose. Il devient son accompagnateur. A L'accordéon d'abord , aux synthétiseurs ensuite. Devant le public de Pantin, en 1981, elle lui rendra le plus bel hommage, celui du coeur et de la reconnaissance : " Quatorze ans d'amour, et un immense, immense talent... "
Barbara m'a tout appris. Elle m'a fait. Au-delà même de la musique. La première fois qu'elle m'a appelé, j'ai cru à une blague. J'avais vingt ans, j'étais à Paris depuis huit mois, et mon rêve le plus fou était de l'accompagner ! Alors de l'entendre comme ça au bout du fil... Je m'en souviendrais toute ma vie. Barbara m'a fait confiance d'emblée. Elle m'a fait venir, m'a pris par la main et m'a dit " Ne vous inquiétez pas, tout ira bien "  Elle me demandait surtout d'être à l'écoute. C'était une musicienne d'instinct. Lorsqu'elle jouait, il y avait les mêmes respirations que dans sa voix, dans son chant, dans ses textes, dans sa façon d'être. Nous nous sommes très vite entendus. On était soudés. Quand elle était en forme, je l'était aussi, quand elle ne l'était pas, je n'allais pas bien. On travaillait beaucoup, sans horaire. Chez elle, il y avait ni nuit ni jour. Elle vivait à son rythme, intensément, avec passion... Elle était en effervescence continuelle de composition. Chaque fois qu'elle écrivait une chanson elle voulait que ce soit sa plus belle. Sur scène, tout était possible. Elle pouvait se mettre à parler, inverser des titres, arrêter de chanter, on n'avait peur de rien... Il y avait une telle confiance entre nous ! Elle me laissait essayer de nouvelles choses. C'était une espèce d'état de grâce. Un jour, en tournée, j'ai ressenti une douleur très vive dans le ventre, quelques heures avant le spectacle. Le soir, j'ai joué. Curieusement, je n'ai plus rien senti. Mais sitôt le rideau tombé, j'ai eu de nouveau très mal... Et à six heures du matin, je me faisais opérer d'une péritonite ! Vous voyez, pendant le récital, à côté d'elle, la tension et l'attention étaient telles que la douleur disparaissait toujours. Nous nous sommes quittés au moment de Lily Passion. On préparait le disque, je n'aimais pas notre travail en studio. Elle l'a mal pris. Je suis parti. C'est une séparation qui était sans doute dans l'air depuis quelques mois. Vingt ans avec quelqu'un, c'est long. Elle m'avait dit : " Tu verras, on se quittera au plus beau de notre histoire "  C'est ce qui est arrivé. Au plus beau. Notre rupture, c'est un cadeau qu'elle m'a fait.

Roland Romanelli
   ( Musicien )

<< Page précédente | 6 | 7 | 8 | 9 | 10 | 11 | 12 | 13 | 14 | 15 | Page suivante >>

Créer un podcast