Samedi 3 mai 2008 à 8:59

 


Ma force a été de sentir les être humains, de leur donner confiance. Les gens perçoivent ça. Mes photos de Barbara ont une sensualité qui a touché les autres.

Barbara m'impressionnait parce que je respectais qui elle était. Elle m'a touché. C'est plus beau d'être touché que d'être impressionné, non ?  Et puis, qui impressionne qui ?  Après tant d'années, je reste... impressionné par la grâce qu'elle dégageait. La grâce est essentielle dans un portrait, et le travail du photographe consiste à la révéler, à la saisir quand elle passe. Aujourd'hui, il manque quelque chose... Ce serait difficile de reprendre les négatifs, de les retirer. En tout cas pour moi.

Marcel Imsand
  ( Photographe )

Samedi 26 avril 2008 à 17:02

 

Piaf, Barbara, les oiseaux chantent pour vivre...

La môme Piaf. La grande Barbara. Un moineau et un aigle. Deux oiseaux. Deux corps. Deux voix. Deux noirs. Deux vies. Deux destins. Deux passions. C'est ainsi. Monique Serf devient Barbara ou presque le jour où elle découvre Edith Piaf à l'A.B.C. Il y eut un avant et un après ce jour. L'une et l'autre ont chanté leur vie pour ne pas se consumer trop vite. L'une et l'autre ont aussi chanté en se consumant lentement. Elles sont femmes et paradoxes en mouvement. Icônes et vivantes. Admirables et peu convenues ou convenables. Sont-elles identiques pour autant ? On lira souvent que Barbara balbutiante imita ou s'inspira beaucoup de Piaf. Les gestes, la voix, le répertoire. Barbara jaillissante trouvera sa voix en se différenciant de son modèle. Elles seront finalement différentes. Piaf pouvait se faire teindre en blonde s'il le lui demandait. Barbara n'aurait jamais eu la vertu des femmes de marin. Et pourtant... La résonance permanente de leurs voix vibrantes dans leurs corps fiévreux de femmes-oiseaux est pourtant un lien indestructible. Le noir aussi lumineux que le soleil. Les hommes qui passent. Les hommes qui partent. Le rire comme une paire de claques punissant le cafard. Le rire qui les rend un peu folles. Les mains qui s'avancent et qui parlent. Le vertige du don. Au public : l'amant fidèle, le seul. La vache enragée. La rue comme une patrie. Le voyage comme une hygiène de vie. Le chant comme une mystique religieuse.  La douleur qui se transcende en force. L'amour en fuite. L'amour à mort. Les chanteuses réalistes

Extrait du livre


Article dédié à ma petite Poupoune.

Vendredi 25 avril 2008 à 8:17

 Croquis de Luc Simon  ( 1963 )


Barbara, je ne savais pas qu'elle écrivait si bien. On s'est rencontrés, on a rigolé, on a dit des bêtises comme des enfants. Elle avait une mélodie, je disais : " Tiens, si on plaçait une noire là ?  " Je l'ai vue, à quatre pattes, essayer de brancher un petit synthé qui ne marchait pas. En rentrant, j'écoute la K7 au volant de ma voiture, et me voilà en train de pleurer. Voilà une personne extraordinaire.

Jean-Louis Aubert
  ( Auteur - Compositeur - Interprète )

Mercredi 16 avril 2008 à 7:44


Barbara et Marcel Imsand


J'ai passé beaucoup de temps avec Barbara. Elle était, au quotidien, une femme généreuse, souriante, totalement différente de ce qu'on connaît ou qu'on imagine. On a beaucoup ri tous les deux, parce qu'elle était pleine d'humour. On a parlé, on a mangé, on a partagé des moments de la vie, quoi ! Il faut bien comprendre que si ça a duré si longtemps entre nous, c'est que le temps consacré aux photos, lui, ne durait jamais longtemps. Je ne suis pas un type rapide, alors elle me taquinait  :
 "  Les photos arrivent rapidement, c'est super !  "
 

Marcel Imsand
   ( Photographe )

Jeudi 10 avril 2008 à 8:09

 


J'ai rencontré Barbara à L'Élysée. Nous sommes devenus immédiatement très amis. Elle m'a demandé de l'aider à agir sur le Sida dans les prisons. Je l'ai fait. Elle m'a tout de suite demandé d'écrire des textes "  Écris-moi des chansons  " me répétait-elle. Nous nous sommes beaucoup vus. Écrit. Elle est devenue une amie intime de ma fille, qui avait alors six ans, avec qui elle correspondait beaucoup, de plus en plus même. Elle a tant insisté qu'un jour, dans un avion pour New York - j'écoutais du Schubert - je me suis dit que j'allais essayer. En arrivant à mon hôtel à Manhattan, j'ai écrit ce texte d'une traite. Barbara a lu le texte, elle a écouté la musique ( sur un mini-cassette ) elle a fredonné le tout et m'a dit  :  "  je la prends  " Elle s'est mise au piano, elle l'a joué, joué. Et puis c'est tout. Écrire des livres, c'est une émotion, diriger un orchestre symphonique, c'en est une autre, assister à la première d'une pièce dont on est l'auteur, c'en est une autre encore. Mais être dans la coulisse, juste derrière elle, au Châtelet, quand elle chanta pour la première fois Coline devant son public est la plus intense émotion d'auteur que j'ai ressenti. Le sentiment d'avoir été admis dans une sorte de saint des saints  :  les très rares personnes dont elle a chanté les textes. Barbara avait une élégance morale. Et tant d'autres choses...

Jacques Attali
  ( Économiste - Écrivain )

Mercredi 9 avril 2008 à 9:22

 


Il y a des gens qui sont beaux et qu'on ne parvient pas à montrer tels qu'il sont. Il faut faire la femme belle ; ça passe par la confiance, par le respect. Barbara était belle. Je faisais trois ou quatre photos, puis j'arrêtais. Faire le portrait d'une femme, ce n'est pas lui faire l'amour, mais c'est l'approcher jusqu'à sentir qu'elle se donne. Si elle ne se donnait pas, je n'avais aucune chance. Barbara, je la voyais belle, donc je la prenais belle.

Lundi 7 avril 2008 à 11:55

 


Sensuelle, Barbara aimait toucher les étoffes, les belles matières, et respirer les parfums. Elle était douée d'un instinct très sûr pour attribuer à ceux qu'elle aimait le parfum qui leur collait le mieux à la peau. Je n'ai pas pu, après presque quarante ans, porter autre chose que Mitsouko, qu'elle m'avait choisi. La boutique Guerlain des Champs Elysées recevait sa visite plus souvent que de raison. Elle passait des heures et s'y ruinait. Comme elle se ruinait en chaussures qu'elle achetait, le plus souvent, pour ne jamais les porter. Lucienne, qui régnait sur l'ordre et le ménage de la rue Rémusat, même pointure que sa " patronne ", était donc chaussée pour plusieurs années, quand Barbara s'était mis en tête de courir les soldes chez les bottiers parisiens. Parmi les boutiques à éviter, il y avait aussi Maxandre. Curieusement, Barbara se trouvait aimantée par cette institution du Faubourg Saint-Honoré, par ses bas, ses collants " point d'esprit " et la débauche de sous-vêtements qu'elle proposait. Pour elle-même, pour offrir, pour le plaisir d'acheter... Je n'ai pas vécu l'arrivée de la carte de crédit auprès de Barbara, mais je compatis rétrospectivement aux affres de Marie Chaix qui s'est, d'ailleurs exprimée sur le sujet.

Extrait du livre

 


http://mybabou.cowblog.fr/images/2/3828960.jpg

Jeudi 3 avril 2008 à 7:42

 


Barbara faisait tout pour qu'on ne la reconnaisse pas. Un jour, à Lausanne, je me trouvais avec elle dans un magasin, L'Innovation. Elle voulait faire des achats. Nous avons rencontré un gars de la radio qui la connaissais bien. Il ne l'a pas reconnue. Quelque temps après, je croise ce copain et je lui demande :  " Tu sais avec qui j'étais la dernière fois ?  " Quand je le lui ai dit, il ne m'a pas cru. Cette autre anecdote encore :  j'ai rendez-vous à l'atelier avec Barbara. J'arrive à l'heure prévue. Elle m'attend depuis une demi-heure ( elle voulait se préparer. )  J'apprendrai, par la suite, qu'un de mes voisins, lui aussi fan de Barbara, a dû l'enjamber pour monter chez lui. Il ne l'a pas reconnue, lui non plus. C'est vrai, non ? Qui aurait pu s'attendre à la rencontrer à L'Innovation ou à la trouver assise sur une marche, à deux pas de ma porte ? Elle adorait ce genre de situation, ça l'amusait énormément.

Jeudi 27 mars 2008 à 8:01

 


Le paradis, le vrai, elle faillit s'y retrouver pour de bon une nuit de 1974 où, lasse de rôder de piano en piano, elle voulait enfin dormir. Chaque fois qu'elle ouvrait l'oeil, elle tendait une main tâtonnante vers une de ses multiples boîtes, oubliant qu'elle avait déjà fait ce geste peu avant... Au petit matin, cela faisait une dangereuse somme de comprimés. Je ne sais qu'elles fées veillaient au bord de son lit mais l'une eut la bonne idée de téléphoner au hasard :  " Je suis Barbara, je ne vais pas bien "  et la chance de tomber sur un insomniaque efficace qui convoqua illico les pompiers et la maréchaussée. Ce n'était pas la première fois qu'elle se mélangeait dans ses pilules, cela faillit bien être la dernière. Avec le sens de l'ironie qu'on lui connaît, elle préféra en rire... en chanson et ce fut  " Mes insomnies "
Mourir ou s'endormir, ce n'est pas du tout la même chose.
Pourtant, c'est pareillement se coucher les paupières closes.
Une longue nuit, où je les avais tous deux confondus,
Peu s'en fallut, au matin, que je ne me réveille plus.


Mais au ciel de mon lit, y avait les pompiers de Paris.
Au pied de mon lit, les adjudants de la gendarmerie.
Ô Messieurs dites-moi, ce que vous faites là, je vous prie.
Madame, nous sommes là pour veiller sur vos insomnies.
A voir tant de gens qui dorment et s'endorment à la nuit,
J'aurais fini, c'est fatal, par pouvoir m'endormir aussi
Mais si s'endormir c'est mourir, ah laissez-moi mes insomnies.
J'aime mieux vivre en enfer que dormir en paradis.



Écrire la chanson ne suffit pas à la guérir de ses insomnies mais la décida sans doute à mieux compter ses prises de comprimés... Toujours est-il que Précy et la vie à Précy semblent avoir adouci le  " mal de vivre " récurrent dont elle souffrait si amèrement dans les années soixante. Et pourtant... Le plus doux jardin embaumant les roses finissantes, le plus beau ciel d'ambre sur le toit et les murs de son refuge ne vaudraient jamais les petites maisons qu'elle s'inventait à l'ombre des scènes, au creux des coulisses ou dans des roulottes. Errante au fond de l'âme, gardant les traces d'un passé d'exil, de plaines traversées, de voyages datant d'avant la naissance, elle redeviendrait nomade, contre toutes les fatigues, si la vie l'y appelait. A défaut de tournée sans fin, elle naviguait entre Précy, où elle s'était bâti son théâtre, et les théâtres, où elle refaisait ses maisons.

Vendredi 21 mars 2008 à 9:55

 


 L'Oiseau rare,
réalisé par Jean-Claude Brialy est le troisième et dernier film de cinéma tourné par Barbara, en 1973, celle-ci joue le rôle d'Alexandra Blitz-Balfour, chanteuse déchue et recluse. Elle apparaît dans une scène d'exposition au début du film, présentant les protagonistes :  Armand ( Jean-Claude Brialy ), maître d'hôtel parfait, son actuelle patronne ( Micheline Presle ) et ses futurs employeurs ( Anny Duperey, Barbara, Jacqueline Maillan, Pierre Bertin ) Barbara est donc l'héroïne d'un des cinq sketches qui composent le film. Jean-Claude Brialy évoque ainsi dans son autobiographie, Le Ruisseau des singes, sa collaboration avec Barbara à l'occasion du tournage, dont voici quelques extraits :  Depuis longtemps , je rêvais de la faire tourner. Le public l'appréciait beaucoup comme poète, écrivain, chanteuse évidemment, mais il ignorait son côté comique et fantasque. Elle était si rigolote dans la vie que je voulais absolument faire connaître à ce public cette facette inconnue. Pour cet épisode, je puisai dans les souvenirs que j'avais de Maria Callas. [...]   Barbara fut séduite par le rôle mais elle voulait l'interpréter à sa manière : "  S'il te plait, ne me demande pas de dire le texte exact, laisse moi-faire, laisse-moi improviser, ce sera plus facile pour moi  "  Je cherchai un lieu un peu fou pour servir de décor. On me signala un appartement derrière les Champs-Elysées, complètement baroque, rempli de statues, de dorures, de rouge et d'ors. Les occupants acceptèrent de me le louer le temps du tournage. Je leur demandai la permission de faire quelques transformations, de changer quelques meubles de place, d'apporter des plantes vertes. Ensuite, Barbara vint visiter l'appartement. Et, là, j'assistai à une scène insensée. Elle regarda tout dans les moindres détails ; comme si elle venait acheter la maison, voulut savoir quel était le type de chauffage, où passaient les fils électriques, bref, en dix minutes, elle s'appropria les lieux. Puis elle se retourna vers la propriétaire, qui, un peu affolée, nous suivait partout : "  Bien entendu, je vais habiter ici le temps du tournage. Il est important pour mon rôle que je puisse m'y sentir comme chez moi. Avez-vous un autre endroit où aller vivre avec votre famille ? "  [...]   Barbara a complètement réécrit son texte, nous avons joué tous les deux en nous amusant comme des enfants. Elle était vraiment délirante. [...]  Barbara dans le rôle de la Callas était époustouflante. J'aurais pu tourner un long métrage tant elle y mit d'invention, d'émotion et de poésie. Elle investit dans ce rôle des caractéristiques assez graves de sa vie personnelle, mais toujours avec une distance et une drôlerie telles qu'il fallut refaire les prises tant je riais, tant j'étais ému. Elle m'a émerveillé !

Jean-Claude Brialy
   ( Comédien, Réalisateur )


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