Mercredi 4 juillet 2007 à 9:28


Un an après leurs spectacle du Zenith,

 Gérard Depardieu parlait de Barbara, à l'orée d'une nouvelle tournée :


" Finalement, Barbara, c'est ton rêve de toi quand tu t'imagines généreux, un rêve de toi en femme, qui n'a rien à voir avec la sexualité. C'est la vraie féminité, celle qui maîtrise, tolère et donne. Les hommes, même les amis, sont raides, maladroits et peu subtils, ils exigent des preuves. Avec Barbara, on est de plain-pied dans une tolérance qui désinhibe et apaise toute violence, ferme, sans sucre ni douceur. Une conversation où on peut enfin se supporter soi-même, se supporter l'un l'autre, supporter l'espace qui nous sépare, supporter l'intimité. C'est incroyable ce qu'on peut éprouver sur une chanson de Barbara quand on décide qu'elle nous touche. Je crois qu'elle nous oblige à devenir ce qu'on est. Vous savez, sur scène, quand elle penche la tête, quand il y a une hémorragie de trop d'affection qui tombe d'elle et qui coule vers nous. Voilà où j'aurais dû en venir depuis le début : je l'aime, c'est tout "


Libération
( du 28 septembre 1997 )

Samedi 30 juin 2007 à 8:01


Une chanson plus longue que les autres.


Lily Passion
fut le spectacle de tous les paris : une chanteuse qui quitte le cadre strict du récital pour les chemins de la mise en scène; deux artistes, aux univers a priori différents, réunis sur une même scène; spectacle joué un mois à Paris puis dans toute la France.


Barbara-Depardieu... La rencontre fut étonnante. Détonnante. Lily Passion est créée en janvier 86 dans la grande salle du Zénith. Elle raconte en chansons et en textes l'histoire d'une chanteuse et d'un assassin. Deux êtres poussés vers leur destin. " Nous sommes tous les otages des forces qui nous animent ( ... ) Nous devons obéir " Ensemble, ils tenterons d'y échapper. Lily Passion est le fruit d'un travail de ( très ) longue haleine. Des années de maturation, plus de soixante versions, une valse de metteurs en scène... Le tout pour un spectacle magnifique, signé Barbara, Luc Plamondon et Pierre Strosser. Personne n'est dupe : L'image de Lily Passion se superpose étrangement à celle de Barbara. Comme elle, Lily consacre sa vie au public. Comme elle, la peur est présente à chaque entrée en scène. Comme elle, une force la pousse hors de ses retraites, pour retrouver toujours le chemins des théâtres. La confusion des personnages atteint son paroxysme en fin de représentation : Lily s'apprête à quitter la scène pour suivre David, l'assassin...Et pourtant, une dernière fois, elle s'avance vers le public et entonne " Ma plus belle histoire d'amour " ( la seule reprise du spectacle ) Qui chante là ? Barbara ou Lily ? Au fond, la pièce n'est autre que la mise en scène de son propre chemin. Elle fut jouée à Paris pendant tout un mois, puis dans le reste de la France ( plus quelques excursions hors frontières ) Ni comédie musicale, ni théâtre chanté, Lily Passion est un spectacle original dans le parcours de Barbara, mais dans l'exacte lignée de ce qu'elle avait fait précédemment. " Une chanson plus longue que les autres "


Valerie Lehoux
( Journaliste )

Vendredi 29 juin 2007 à 8:31

      
" Enfin ! Espèrons qu'elle sera bien dans la résidence B " -  " Oui surtout si Brassens lui prête un petit coin de parapluie " -  " Et que Brel lui apporte des bonbons ! "


La vie, elle l'écrivait, la disait, la chantait, la clamait. Comme pour nous faire oublier la sienne et sa longue retraite dans son petit village de Précy-sur-Marne. Comme si la solitude ne se tenait pas devant sa porte, comme si le mal de vivre ne se nichait pas au creux de ses reins. Rebelle, la dame en noir. Elle le fut depuis plus de quarante ans accompagnant chaque désespoir de nos vies. Soeur d'âme de Brassens, Ferré ou Brel, créatrice de L'aigle noir, Dis quand reviendras-tu ? , Göttingen, Nantes, et autres classiques de la chanson française, elle nous a donc quittés lundi dernier. Ses chansons, on les fredonne par-delà les années, on marche dans la rue, il pleut un peu, on a la mélancolie au bord des lèvres. Autour de Barbara volent des images. Images de nuit, d'oiseau, de rose sombre. Elle et son piano. Avec sa place immuable sur la scène comme dans sa remise de Précy. Dans les théâtres où elle s'installait, elle passait du temps, des heures, rocking-chair sur la scène, rideau levé et salle vide. Elle parlait aux fauteuils rouges. Elle aimait se promener dans les coulisses, errer, ou tout simplement être là pour pressentir la moindre nuance, humer l'atmosphère pour préparer la folie du spectacle. Sitôt les représentations terminées, ne sachant pas conduire, on la raccompagnait à Précy. Et quand on voulait lui parler, il fallait d'abord lui envoyer un fax. Elle rappelait ensuite. Parfois tout de suite, parfois quelques jours après. Sans règle. Monique Serf, devenue Barbara au début des années 50, n'est pas le symbole d'une époque car ce qu'elle chante semble simple : c'est la vie. Or la vraie vie se moque des modes. Des drames, les interrogations, les joies sont intemporelles ou éternelles. Comme vous voudrez. Du suicide au sida, de l'amour à la mort, du printemps au soleil. La grande dame brune a beaucoup chanté. Barbara est poète parce qu'elle a du métier comme personne. Un métier qui s'écrit en 260 chansons à quoi s'ajoute son dernier disque, paru l'an dernier après seize années de silence discographique. Elle fut longue cette route pour devenir ce mythe intouchable de la chanson française. Depuis qu'elle a 15 ans, depuis la rue de Madrid, depuis Bruxelles. Et puis, à force de le chanter, chanson tendre, crié parfois, que sa plus belle histoire d'amour c'était nous, on a rendu les armes.


François Delètraz
   ( Journaliste ) 

Mercredi 27 juin 2007 à 11:16


On s'envoyait des arbres


Je connaissais Barbara depuis une dizaine d'années. Nous avions de nombreuses fois, chacune dans notre coin, manifesté le désir de nous rencontrer, et cela a fini par arriver au cours d'un voyage. Nous avons depuis ce jour-là entretenu une relation d'affection qui n'a jamais été liée au travail. Avant de la connaître, elle était pour moi un modèle d'excellence. Il m'est arrivé de choisir des arrangeurs pour mes chansons parce qu'ils avaient travaillé avec elle. Ensuite, elle est devenue une modèle d'amitié. Elle était d'une sincérité absolue, d'une sincérité qui pouvait devenir presque dévastatrice. Ce n'était pas une minaudière, il n'y avait jamais de démagogie dans ses rapports avec les gens. On parle toujours de lumière noire à son propos, alors que pour moi, elle est la claire lumière, à l'opposé de ce que l'on pouvait penser d'elle. Son image, de l'extérieur, pouvait paraître très sombre, mais elle avait en réalité une lumière intérieure éclatante. Elle était en permanence en quête de quelque chose qui touchait à l'essentiel, dans son art comme dans sa vie, et c'était l'impression qu'elle donnait à tous les gens qui l'approchaient dans le privé. Elle ne se préoccupait pas de son mythe. Ce qui lui importait le plus était d'aller de l'avant, de chercher, avec toujours cette envie de partir à la conquête des gens, de les comprendre. Elle n'était pas non plus en proie à la moindre nostalgie. C'était au contraire quelqu'un qui aimait rire, parfois une moqueuse. Elle n'aurait pas pu avoir ce parcours sans être dotée d'une certaine forme de fantaisie. Pour moi qui suis actrice, son talent d'actrice m'impressionnait vraiment. Elle faisait des choses que je n'aurais jamais osé faire. Elle avait cette façon inouïe d'aller puiser profondément en elle des richesses et de les faire remonter, à la manière des chercheurs d'or, pour les partager avec une infinie générosité. Elle était moins gaie que moi en ce qui concerne le temps qui passe mais, pour autant, la vieillesse ou la mort n'étaient pas des questions qui l'obsédaient. Nous parlions de l'amour ou d'autres choses en rigolant, mais rarement de notre travail ou de nos problèmes. Quand on se voyait, c'était toujours lorsque nous allions bien toutes les deux, jamais lorsque ça n'allait pas. Lorsqu'elle n'allait pas bien, elle restait recluse en attendant que ça passe, comme moi. Souvent, nous communiquions par fax. On s'en envoyait pendant la nuit, afin de pouvoir les découvrir le matin au réveil. Lorsque j'ai appris sa mort, c'est le premier souvenir qui m'est revenu : cette étrange correspondance que l'on échangeait, son écriture. Avec Barbara, on ne s'envoyait pas des fleurs, on s'envoyait des arbres. Dernièrement, elle m'avait envoyé un énorme oranger. Lorsque la fièvre des couronnes sera passée, j'irais lui apporter un dernier arbre que j'ai choisi ce matin.


Jeanne Moreau 
( Comédienne )

Samedi 23 juin 2007 à 7:46

 
Un amant de mille bras


Au fil d'un parcours de plus de trente ans, la chanteuse a fait de son public sa " plus belle histoire d'amour. "
Regard sur une relation passionnelle.


Bien des journalistes y ont cassé leur plume. Les relations qu'entretient Barbara avec la scène et son public sortent de l'ordinaire. Toute sa vie semble consacrée au spectacle. Comme si la chose lui était nécessaire, vitale, indispensable. " Pour moi, chanter c'est respirer. Je ne pourrais pas ne pas chanter. C'est mon souffle " Barbara parle du public, comme on parle d'un amant. Plus encore, elle a fait de cette chanson, Ma plus belle histoire d'amour. Un texte manifeste, qui dit les espoirs, les attentes et les soirs de découragement, jusqu'au bonheur de récital de Bobino, le point de départ de son succès. " J'avais fini mon voyage / Et j'ai posé mes bagages / Vous étiez venus au rendez-vous / Du plus loin qu'il m'en souvienne / Si depuis j'ai dit " Je t'aime " Ma plus belle histoire d'amour c'est vous. " Tout est là. Dans le texte, et la façon de le chanter. Depuis 66; jamais la chanson n'a quitté les spectacles de Barbara. Et ce n'est pas un hasard. Ma plus belle histoire d'amour marque toujours le point d'orgue d'un récital. Comme si, au fond, Barbara n'était venue que pour ce titre-là. Sue scène, la chanson commence doucement, on dirait une confidence. Puis elle entame un lent crescendo. Barbara le finit yeux fermés, paumes ouvertes, bras tendus vers son public. Avant de serrer de nouveau les bras en signe d'étreinte. Symbole, symbole... " Dans ma vie de recluse / Je me revois parfois / sur la scène de l'Ecluse / Faisant mes premiers pas. " Barbara n'est pas omniprésente dans les programmation des théâtres, loin s'en faut. Entre les variétés et l'Olympia ? 4 ans. Entre Pantin et Lily Passion ? 5 ans... sans un disque, sans une apparition télé. Des retraites loin des planches, qui permettent de ne pas galvauder le spectacle. De " garder intact son désir de chanter " Et de ce désir-là, on ne fait pas n'importe quoi. Dés ses débuts à l'Ecluse, Barbara arrive à 21 heures pour ne chanter qu'à minuit et demi. Plus tard, à Bobino, l'Olympia ou en tournée, elle arrive toujours très tôt le matin, fait le tour de la salle, essaie les sièges, parcourt les couloirs. Dès que c'est possible, elle délaisse sa maison de Précy pour dormir sur place. A Pantin, une roulotte lei sert de loge. Un besoin d'habiter les lieux, mais aussi de se rassurer " Plus on avance, plus on a d'inquiétude (... ) Le jour où l'on n'a plus n'a plus peur, il est temps de s'arrêter " Chaque fois c'est le repli sur soi. Chacun de ses gestes est fait pour s'isoler de reste du monde, pour lui façonner la concentration la plus solide possible. Avant un récital, il lui arrive de asseoir des heures dans le rocking chair, les yeux fermés, sans dire un mot. Avant Lily Passion, elle recommence mille fois les gestes du spectacle, en silence, indifférente aux techniciens qui s'affairent tout autour. Rien à voir avec les habituelles séances de " balance " Chez Barbara, un spectacle se prépare dans une quasi-religiosité. Toujours a mi-chemin entre l'exigence et le superstition. Entre le professionnalisme et la déraison. A contrario, le récital, c'est LE moment d'abandon. Celui qui mène à une espèce d'état second. Celui où la chanteuse met sa vie en jeu. Et ils ne sont pas rares, les soirs où Barbara aborde la scène avec une grande fatigue et, qu'au contact du public; l'énergie revienne comme par enchantement. " Et dans l'océan des salles obscures / Leurs mains sont comme des fleurs d'écume / Qui s'ouvrent, se referment / Me caressent / Et me bercent / Et m'emportent " Le public ? Il suit la chanteuse dans sa démesure, pris par tant de passion et la conviction qu'il est bel et bien la plus belle histoire d'amour de Barbara. Et quand on se retrouve dans la magie du théâtre, même les plus réticents ont du mal à résister ! Pour Barbara, le public peut avoir des réactions inhabituelles, qui dépassent le cadre symbolique s'il en est, une femme s'approche de la chanteuse après le spectacle, lui donne son alliance et s'éclipse très vite. Au point où Barbara a bien conscience de laisser parfois derrière elle " De grandes détresses " Il est peut-être temps de casser le mythe de la chanteuse " Qui se donne au public " Généreuse, Barbara l'est. Sans l'ombre d'un doute. Mais en face d'elle, elle trouve un public prêt à donner beaucoup. Un public qui attend et n'hésite pas à revenir la voir quatre, cinq, six fois ( ou beaucoup plus ! " Cela fait bientôt quarante ans que les premiers fidèles se pressaient à l'Ecluse pour l'écouter. Aujourd'hui, la ferveur reste la même. Barbara et son public, c'est l'une des relations les plus passionnelles de l'histoire de la chanson. Une relation à double sens. " Chanter, c'est un engagement d'amour ( ... ) Un échange. Parce que sans eux ( le public ) je n'existe pas."


Valerie Lehoux
   ( Journaliste )

Lundi 18 juin 2007 à 8:24

 


Il est l'un des plus grands spécialistes des éclairages de spectacle. Jacques Rouveyrollis travaille avec Barbara depuis près de quinze ans. En ce moment, il finit de préparer les lumières du châtelet.

 


" Ce qui me séduit chez Barbara ? C'est indéfinissable. Comme quand on est amoureux... Entre elle et moi, c'est une grande histoire d'amour. Professionnelle, bien sûr ! La première fois que nous avons travaillé ensemble, c'était sur une tournée à la fin des années 80. Je n'ai pas tout de suite réussi à l'éclairer. Pour Barbara, comme pour tout autres artistes, on a besoin de temps, besoin de se découvrir et de mieux se connaître. Puis j'ai fait les lumières de Pantin. A partir de là; ça a pris une autre dimension. Avant de définir les lumières, on discute pendant des heures. Ce n'est pas une éclairagiste : elle me dit ses sensations, elle me demande que tel climat arrive sur son piano. On parle en images, en ambiances. Mais attention : on ne discute pas seulement de la scène ! Quand on passe trois, quatre, ou cinq heures ensemble, on parle de la vie, de tout et de rien. On rigole aussi beaucoup. C'est une femme merveilleusement drôle, très simple. Cette complicité est indispensable si vous voulez comprendre l'artiste et bien l'éclairer. Même si on se connaît depuis quinze ans, le travail n'est jamais fini. Spectacle après spectacle, j'essaie d'aller plus loin, d'être plus efficace, d'enlever le superflu... Avec Lily Passion, on est sorti du récital. Mais ça n'a pas modifié la démarche; on retrouvait tellement l'univers de Barbara. C'était une très belle aventure. Il faudrait bien qu'on la recommence ! Barbara paye beaucoup de sa personne. Elle est très présente, toujours là au début des montages, à suivre le travail. Et puis elle capte tout très, très vite. J'ai retrouvé un peu les mêmes sensations avec Gainsbourg ou Dutronc. C'est toujours un bonheur de travailler avec elle. Barbara est une très grande humaniste. Une femmes avec un amour entier, qui n'a pas beaucoup de failles. Vous savez, avant le début du spectacle, elle s'installe en coulisses pour écouter les gens qui entrent dans le théâtre. Très peu d'artistes le font. Ce n'est plus seulement de la concentration. Dans ces moments-là, elle part ailleurs."


Propos recueillis par Valérie Lehoux en juillet 1993

Samedi 16 juin 2007 à 9:33

 


Barbara et mes quinze ans


C'est à quinze ans que j'ai découvert la grande volupté que l'on ressent à sangloter sur les chansons qui rendent triste... Je me souviens. " 15 ans à peine, coeur tout blanc et griffes aux genoux " avec des amies, nous écoutions inlassablement Barbara sur nos pinck-up de fortune. Nous nous sentions étonnamment proches de cette espèce de grande soeur aînée. Et l'émotion était énorme d'entendre dans ses chansons tout ce que nous, qui avancions dans la vie à tâtons, vivions si profondément. On avait comme elle le goût très vif du désespoir et du bonheur. Avec Barbara et ses cris d'amour, ses grandes envolées au piano, ses confidences chuchotées sur un p'tit air d'accordéon, nos adolescences, nos humeurs en montagnes russes, nos doutes et nos chagrins, et nos envies de mourir aussi, avaient la parole. Avec elle, enfin; nous entendions parler des " tendres amours de gosse ou les morsures d'un amour fou " C'était nous ça ! nous, qui voulions " troquer nos chaussettes blanches contre des bas noirs " et des " hommes qui promèneraient l'amour sur les coins de notre peau " Nous, qui avions nos premières insomnies, qui découvrions la profondeur des nuits, la douceur des garçons. Leur cruauté aussi. Et le mal de vivre " ça ne prévient pas, ça arrive, ça vient de loin " Quand on ne savait plus à quel amour se vouer. Et Barbara nous disait que ça n'était pas fini nous aurions à ramer de naufrage en naufrage, à recoudre éternellement les déchirures de nos fragiles amours. Avec elle, en quelque sorte, nous pressentions tout ce que nous allions prendre plus tard sur le coin du coeur. Ça, c'était les jours gris. Mais les jours de joie, les jours de fête, on entendait bien autre chose, qu'on avait le droit de ne pas être sages, de mentir par amour, de nous faire du "cinoche" et d'en faire aux autres. Aujourd'hui, dix ans après, on les a toutes vécus, nos naufrages et nos " plus belles histoires d'amour " Et toutes, nous nous apercevons qu'elle prônait la seule chose raisonnable : " Il faut savoir se quitter avant que ne meure le temps d'aimer "


Cécile Bonzom

Jeudi 14 juin 2007 à 11:04

 


Mon premier souvenir de Barbara remonte à 1965. J'avais 3 ans. Je me souviens de l'album à la rose et des copines de la soeur cadette de mon père qui pleuraient en écoutant dans l'obscurité ce disque.
J'ai grandi, le temps a passé. J'ai poursuivi mes études. Et 1981 est arrivé, un souffle nouveau arrivait au pouvoir. Et dans la vague rose j'ai retrouvé Barbara dont j'avais suivi de loin le chemin. Depuis ce moment là je ne l'ai plus quittée. J'ai assisté à toutes les tournées qu'elle a effectuées dans la région lyonnaise. J'ai découvert alors la chanteuse qui donnait le frisson aux adolescents de 1965 et qui me donnait le même frisson.
En 1989 ma vie traversait des moments de turbulence. Je lui ai envoyé un petit mot pour lui témoigner mon admiration et ma douleur de me traîner dans la vie. Un lundi matin vers 9 heures alors que je me réveillais le téléphone sonne. "Bonjour c'est Barbara. Je vous remercie de votre jolie lettre qui m'a émue." Elle parlait d'un débit saccadé et rapide. J'avais le souffle coupé. Elle m'a dit que dans la vie il faut être soi même, être naturel et vivre sa vie comme on pensait devoir la vivre. Pour réponse j'ai bredouillé quelques mots tant j'étais surpris. Son débit vif et alerte m'envahissait. Elle m'a dit de prendre soin de moi. Comme dans un rêve j'ai raccroché le téléphone. Ainsi après avoir découvert la chanteuse j'ai découvert la femme.
De temps en temps je lui adressais un petit courrier pour lui témoigner mon plaisir de la connaître et la remercier de ce qu'elle faisait, avait fait et ferait. Elle répondait parfois à mes courriers d'un petit mot attentionné qui se terminait par "Prenez soin de vous. A bientôt. Barbara".
J'ai assisté à tous les spectacles de Barbara ayant lieu dans ma région. Chaque fois j'étais debout devant la scène à ses pieds envoûté par la femme qui chante. Et chaque fois je prenais une grande claque dans la tête, j'étais enivré. Une fois à la sortie des artistes de la bourse du travail à Lyon nous étions une dizaine à l'attendre dans la pluie et le froid. Quand elle est apparue, elle nous a regardé longuement, nous a remercié d' être venus la voir ce soir et a ajouté d'un ton attentionné : "Soyez raisonnables rentrez vite chez vous. Vous allez prendre froid dans ces courants d'air" comme une mère le dirait à ses enfants.
A chaque spectacle le même rituel revenait. Dès la deuxième chanson commençaient les rappels. Mais le plus magnifique était ce qu'elle disait entre les chansons, tantôt son bonheur, tantôt sa colère devant la vie. Durant les deux heures où elle chantait un silence se faisait dans la salle. Les gens écoutaient assis bouche bée. Parfois à certains titres comme Nantes ou Rémusat on voyait des gens sortir leurs mouchoirs et nerveusement le triturait dans leurs main. Des yeux rougeoyants, émus étaient visibles.
A chaque spectacle j'ai traîné des amis qui ne la connaissait pas. Et après le spectacle ils ressortaient différents ayant reçu un choc émotionnel qui ne les quitte plus.
Quand on a connu Barbara on devient différent. Quand elle vivait l'envie de mourir me hantait maintenant qu'elle est morte j'ai une énorme envie de vivre pour crier, dire, transmettre les richesses, les enseignements qu'elle m'a apporté. J'ai appris à vivre au gré de mes émotions c'est merveilleux même si ce comportement est souvent déconcertant pour l'entourage. Elle disait " Faut écouter les battements de son coeur du temps qu'il en est encore temps, faut pas venir pleurer après sur le bord d'un canapé" j'ajouterai de psy..... J'ai appris qu'il y a plus à transmettre par les sentiments que par les biens matériels. Il faut apprendre le don de soi. Pour recevoir il faut donner et pour donner il faut recevoir. Alors donnons avec le coeur avec la tendresse pour toute richesse.
 


 François Faurant


  (Vous pouvez retrouver Barbara sur le site de François Faurant)

                                    

  http://www.passion-barbara.net/
 

Dimanche 10 juin 2007 à 9:30

 


C'était une personne indispensable, éminemment utile, et quelqu'un de gai, d'heureux, de généreux et de joyeux. Elle n'est pas morte, elle s'est absentée.   
Juliette Gréco

Tu as tout donné. Tu apaisais nos craintes et redonnais l'espoir. Tu vis maintenant dans ton île, ton île aux mimosas où déjà tu es reine. Chante-moi l'amour, mon ange, chante. Je t'aime.  
Gérard Depardieu


J'ai beaucoup appris de Barbara. Elle était merveilleuse, indispensable.    
  Serge Réggiani


J'ai toujours adoré Barbara. Tout ce que j'aimais dans le rock, je le retrouvais chez elle.    
Etienne Daho


Il y aura moins bien que Barbara, il y aura mieux que Barbara, mais il n'y aura jamais personne comme Barbara. Il y a elle, et les autres. Elle a disparu, mais elle nous reste indispensable.     
Georges Moustaki


Quand on pense à sa démesure sur scène, personne n'a jamais osé faire cela...Avec Jeanne Moreau, elle est la femme qui m'a fait le plus rire dans ma vie.    
Jean-Claude Brialy

Dés la création de l'association, elle a été à nos côtés dans la plus grande discrétions.   
  Sol En Si

Jeudi 31 mai 2007 à 9:10



( Suite le l'article de Télérama )

 


Les dizaines de l'Ecluse sont devenues des milliers à se regarder dans sa glace. A Bobino, à l'Olympia, à Pantin, à Mogador, au Châtelet, à Tours ( où elle a donné son dernier spectacle, le 31 mars 1994 ) ailleurs, partout. Tous ont rendez-vous avec elle. " Je ne la connaissait pas bien, je la connaissait par coeur. " dit ce soir une voix au téléphone. " Barbara, c'est profond, violent, amoureux. Ses chansons ont sous-titré nos vies. " Du Temps du lilas à Septembre, d'amoureuse à La solitude, Dame brune ou Soleil noir, La louve ( escortée par Sheller ), Lily Passion ( avec Depardieu ) Femme piano... Elle ne livre pas sa vie en pâture, elle offre en partage ce qu'elle sait de nous, ce qui d'elle et de nous se ressemble. Ce qui nous rassemble, singuliers et semblables. Hommes, femmes, hétéros, homos, fidèles, nouvelles et nouveaux amoureux, dès l'orée du spectacle l'applaudissant debout, le rideau une fois baissé chantant en coeur pour qu'elle revienne, et souvent elle revient, après. Pas avant, jamais. " Après le spectacle, d'accord. Après tout se que vous voudrez. La scène en tout cas pour moi, c'est une choses inexprimable. " Au temps des concerts, elle rôde, longuement, dans le théâtre vide, seule. Elle est arrivée à l'heure des camions, déambule sur le plateau, se balance dans son rocking-chair. Elle a loué une chambre d'hôtel d'à côté, d'en face, ou s'est fait bâtir une loge tout près de la scène. " J'ai besoin d'habiter l'endroit où je vais chanter et d'y être préservée de toute agression extérieure. Je me dis qu'on va se faire la fête pendant deux heures et que, puisqu'on n'est pas venus uniquement par générosité, on va se faire plaisir aussi, donc il ne faut pas rater ça. Alors je m'épargne. Je fais fermer les coulisses. Je suis comme un loup. Plus tard, " ses hommes " la rejoignent ( " C'est fou comme ils sont heureux, / Mes hommes / Quand le son du piano noir résonne..." A la direction musicale et aux claviers, Gérard daguerre, à ses côtés depuis Pantin, ils se comprennent sans rien dire. Aux synthés, Jean-Louis Hennequin. A l'accordéon, Joss Baselli, Roland Romanelli, Sergio Tomassi ( et Richard Galliano, pour Lyli Passion, en 1986, et l'album studio de 96 ) Mahut aux percussions, pour Mogador, et cet ultime album... Ils sont proches. Jamais trop. Elle leur sourit, les défie, les frôle. C'est le jeu consenti de la conquête. Elle les respecte comme ils la respectent, elle. Farceurs parfois, elle autant qu'eux; indépendant; soudés pourtant, pour l'essentiel, pour la musique. Ils sont prêts. La rumeur du public enfle comme une vague. Elle y va. " J'ai peur j'avance... "Elle s'élance. Une danse oblique, de longues enjambées, elle paraphe l'espace, l'emplit de sa silhouette graphique. Tête rejetée en arrière, mains offertes, immenses au bout des poignets fins. Immobile soudain, ou le corps chaviré. Les bras qui enlacent et s'envolent. La voix s'élève. Mezzo brisé ou ondoyant. Un cri, une caresse, une malice. Un silence. C'était cela, sa vie, son chant : aller vers le silence. Non celui de la mort, mais celui du compris, de l'accompli. A propos de sa bataille, du sida : " Un abruti m'a dit un jour que je menais cette action parce que j'étais morbide. Mais moi, je hais la mort ! Justement, c'est pour ça ! C'est le goût de la vie qui me fait agir " Elle a chanté dans des prisons, accompagnée quelquefois d'un spécialiste du sida. Elle s'est rendue, jusqu'à ce que les forces lui manquent, dans le service spécialisé d'un hôpital. Un aumônier s'étonnait : " Mais qu'est-ce que tu leur dis, aux malades ? -- Je dis pas, moi, j'écoute " A Précy, jour et nuit, une ligne leur était ouverte. Elle écoutait. Elle écoutait aussi d'autres voix. Nous appelait : quel chanteur, qu'elle chanteuse à découvrir ? Rappelait : elle avait aimé, voulait en savoir plus, le disque d'avant, le suivant, les concerts ? " J'ai envie de dire aux jeunes artistes : il faut écouter son désir; et ne jamais le perdre. Et puis être intransigeant; et vigilant; garder le goût de la fête et du partage. " Son dernier disque, sorti en novembre dernier, tous les musiciens étaient venus le travailler chez elle, dans la grange dont elle avait fait un théâtre pour les chansons à naître -- les concerts répétés ici naguère, c'était fini. Daguerre, Mahut, Hennequin, Jean-Louis Aubert, Richard Galliano, Eddy Luoiss, Didier Lockwood... Rendez-vous avec l'exigence, son maître mot. Fête rieuse. " Un très beau partage. Un moment magique. Une liberté totale de choix, et de rencontres. Comme toute ma vie "

 


( Télérama )

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