Jeudi 15 janvier 2009 à 16:49

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Après Frantz, le film qu'il avait réalisé et où nous avons joué ensemble, je sais qu'il voulait écrire une comédie musicale pour nous deux.
Je suis sûre qu'il l'aurait fait.

Barbara

Jeudi 8 janvier 2009 à 11:03

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En 1946 la famille s'installe 50 rue Vitruve dans un petit appartement au deuxième étage dans un immeuble de cinq étages


Nous sommes en 1962. " A Rémusat " je ressens le désir d'écrire ; le besoin d'écrire. Jusqu'à présent, je n'ai écrit que deux chansons, mais je sens qu'en moi les mots bougent et cognent. Ils veulent sortir, les mots ; ils s'agitent, s'entremêlent, se conjuguent pour dire ce que je n'arrive pas encore à expliquer. Ils vont filtrer, sourdre, jaillir de mes veines. Ils me font peur et me fascinent à la fois. Je ne comprends pas d'où ils viennent. J'avais déjà eu des difficultés à comprendre, à mémoriser les mots des livres " A Vitruve " je lisais, je relisais tout d'une traite, comme on s'enivre : Ces dames aux chapeaux verts, Tropique du Cancer, Le Vicomte de Bragelonne, Autant en emporte le vent, La Citadelle de Cronin... Ma mère m'avait offert pour mes dix-sept ans Le Portrait de Dorian Gray d'Oscar Wilde. ce cadeau m'avait enchantée et, venant d'elle, bouleversée. Premier déclic. J'avais connu, pendant que je vivais encore " A Vitruve " un étudiant grec de forte et troublante personnalité et qui faisait des études de criminologie. C'est lui qui m'initia à André Breton, Maïakovski, Louis Aragon, Paul Eluard, Queneau, Desnos, etc... Je me promenais avec les livres qu'il m'offrait. Je les ouvrais et les touchais comme pour en caresser les mots. J'allais au quartier Latin hanter les vieilles librairies de la rue Monsieur-le-Prince ou de la rue de l'Odéon, où flottaient odeurs et poussières de grimoires, de reliures de cuir repoussé à la feuille d'or, de feuilles jaunies couvertes de taches de son. J'aimais me perdre seule dans ces lieux de pénombre et y reniflais les mots, les savourais. Je grimpais aux échelles de bois, faisait glisser les vitres coulissantes. Les livres m'intimidaient, m'émouvaient, me faisaient rêver... Il me semblait que je ne retenais rien de ce que je lisais. Je dévorais avidement des mots, des pages, des espaces. Je rencontrais des personnages légendaires, traversais les siècles, m'enroulais dans les spirales de la folie, de l'étrange, de l'horreur, m'engloutissais dans les profondeurs de ces nuits d'asphalte. Et puis, brusquement, j'ai cessé de lire. Je n'ai plus lu. Rien, plus rien du tout ! J'ai oublié que j'avais lu. Oublié. En fait, les mots, au lieu de rester dans ma mémoire visuelle, se sont agglutinés dans ma mémoire tactile, et, aujourd'hui, je sais que ce sont ces mots-là qui bougent au bout de mes doigts, qui cherchent à sortir du bout de mes doigts, de tout mon corps. En chantant, je retrouve cette sensation de mots jadis avalés, déglutis, engloutis, qui remontent douloureusement par ma gorge avant que je ne les exhale avec violence ou douceur dans une chanson. Comme il est expliqué dans Lily-Passion :

" Et les mots qui sortent de ma gorge, je ne les connais pas : des mots qu'on a plantés là, des mots qui me font mal et qui m'étouffent ; alors je les crie, je les vomis pour pouvoir respirer, pour vivre... "

Barbara

Lundi 22 décembre 2008 à 12:34

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Ethery Rouchadzé, Barbara, Jacques Vynckier

Ethery Rouchadzé était géorgienne et cherchait du travail ; elle me raconta qu'elle était venue en Belgique pour travailler avec Eduardo Del Puyo, alors grand concertiste mondialement connu et qui enseignait à Bruxelles. Très drôle, très vive, elle ponctuait son récit de grands éclats de rire. Et puis elle s'est mise au piano ; depuis ce jour-là, je n'ai plus jamais entendu la Quatrième Ballade de Chopin jouée comme ça. Pianiste, ah quelle pianiste ! Ethery était petite et mince, mais il émanait d'elle une singulière puissance. Ses mains étaient carrées, massives mais légères. Quand elle jouait, la musique semblait descendre du haut de ses épaules jusqu'à l'extrémité de ses doigts. Les notes sourdaient de tout son corps. Elle a accepté de m'accompagner et, dès le lendemain, elle m'a fait répéter mon maigre répertoire. J'étais très heureuse. J'allais enfin chanter ! Le soir, un public jeune mais clairsemé vient nous entendre et nous voir en buvant un verre. Mon tour de chant, très mauvais, ne se passe pas très bien ; les étudiants me chahutent quelquefois. Nous décidons qu'il faudrait diverses attractions. Ethery me parle alors d'un ami belge dont elle me dit grand bien et qu'elle tient absolument à me faire rencontrer. Il est avocat stagiaire mais s'intéresse à tout ce qui concerne le spectacle. Il a, me dit-elle, un numéro de prestidigitateur et accepterait peut-être de se joindre à nous. Franchement, lorsque je vis l'ami en question, je ne fut pas saisie d'un vertige prémonitoire. J'aurais dû, pourtant, car c'est lui que j'allais épouser un an plus tard ! Mais ceci est une autre histoire, amusante, certes, mais une autre histoire. Mon futur mari, que j'appellerai C... pour ne le gêner en rien, non plus que sa famille, était un grand manipulateur, absolument magique. Je le trouvais très intelligent et, ma foi, séduisant. Nous étions souvent ensemble ; j'avais l'impression qu'il passait beaucoup plus de temps avec nous qu'au palais de justice. C'est avec lui que j'ai découvert, chez un ami commun, la géniale Marianne Oswald. J'ai été très frappée par Marianne Oswald : c'était d'une férocité, d'un modernisme, d'un désespoir... c'était stupéfiant, Marianne Oswald ! C'est encore avec C... qu'un peu plus tard, je découvrais le premier 78 tours de Georges Brassens, que nous écouterons avec Ethery chez un disquaire de la porte Louise. On n'oublie pas ces choses-là !
 
Barbara 

Dimanche 14 décembre 2008 à 20:20

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Littérature
 
( 1969 )
 
Je suis inculte. Par contre, le peu de choses que je sais, je l'ai découvertes par les gens que j'aimais. J'ai attendu longtemps, peut-être que c'est à vingt-huit ans, ou je ne sais plus quel âge, que j'ai lu Nadja, de Breton. Je n'ai pas honte de le dire, c'est merveilleux de découvrir. Enfin, il va falloir que je me dépêche parce que, quand même, je vais mourir stupide.
 
Barbara

Lundi 8 décembre 2008 à 22:36

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Regrets

( 1969 )

Non. J'ai suivi mon chemin de vérité. J'ai été et je suis vraiment comblée. J'ai un public qui comprend énormément de jeunes, fervent, un public qui m'a faite et à qui je dois tout.

Barbara

Mercredi 3 décembre 2008 à 11:38

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Le Pen
 
( 1987 )
 
Le Pen veut mettre les arabes dehors, les juifs dehors, les homos dehors... Tout le monde dehors ! Il va se retrouver seul ! Je trouve ça dément... Ces gens sont des clowns dangereux et méchants. Ils me font peur, tous ces petits jeunes au crâne rasé. Pas ceux qui sont comme ça parce que c'est la mode, mais ceux qui ont la haine, qui se montrent et disent que les camps n'ont jamais existé. Ce sont des copains de Le Pen. Hélas ! Des gens pensent que c'est vrai. Le Pen c'est le petit-fils d'Hitler, quelque part.
 
Barbara

Mardi 25 novembre 2008 à 8:30

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Voix
 
( 1986 )

Ma voix ne m'appartient pas. Le talent est un don fragile, miraculeux. Il faut s'y consacrer tout entier. C'est une religion exigeante, une ascèse qui vous condamne lentement à la solitude. J'ai toujours eu l'impression que cette grâce des dieux pouvait m'abandonner du jour au lendemain. Cette peur irrationnelle me paralyse de trac depuis mes débuts.

Il y a seulement quelques mois, je ne pouvais plus chanter. Une tromboscopie a révélé que je souffrais de disphonie. Même ma voix parlée était modifiée à cause de cette blessure, de cette fêlure.

(
 1990 )

Ma voix a bougé. Elle est devenue plus grave. Il s'est perdu des aigus, par exemple. Au départ, je les cherchais, comme quelqu'un à qui on a pris quelque chose. Après ça, j'ai compris que ma voix avançait dans le temps avec moi. Le souffle est un son. Dans les enregistrement, aujourd'hui, on gomme le son, on gomme la vie.

(
 1992 )

Au départ, je chantais les chansons des autres, des chansons 1900. Et puis Brel, Brassens, Ferré. J'ai adoré ça. Mais ma vraie voix est arrivée au moment où j'ai commencé à écrire mes propres chansons, donc tard, en 1959, j'avais presque trente ans. Aujourd'hui, ma voix a évolué, j'ai sûrement perdu des aigus.

(
 1996 )

La difficulté reste la nudité, où tout est suspendu et fragile. Le souffle est un son magnifique. Souvent, le sourire ou le sanglot se trouvent au bout du souffle.

Barbara

Lundi 17 novembre 2008 à 9:17

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Quels sont les obstacles que tu as rencontrés sur ta route ?
 
Mes obstacles, ça a été d'abord et encore aujourd'hui ce qu'on appelle toujours mon  " étrangeté "  Au cabaret de l'Ecluse déjà, j'avais un physique difficile...  Mais oui, ne souriez pas, c'est vrai ! Et ce physique m'a gênée longtemps. J'entendais dans la salle, petite je vous l'accorde, les gens dire  :  " Mais qu'est-ce qu'elle est laide ! "  et autres choses de ce genre... Je suis OK avec ça, mais c'est une chose qui m'a gênée longtemps. J'étais aussi très introvertie, je n'allais pas vers les gens. J'arrivais à l'Ecluse à 20 heures, quand il n'y avait encore personne, pour n'en ressortir qu'à 1 heure du matin, quand tous étaient partis, mais ça venait de moi.
 
 
 
Barbara

Vendredi 7 novembre 2008 à 8:30

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Peux-tu nous parler de ton expérience avec des comédiens, et plus récemment avec Depardieu dans Lily Passion, au Zénith ?

Déjà, je ne peux pas dire que c'est une expérience. C'est une aventure, j'aimerais mieux ce mot-là. Je me suis trouvée tout à coup en face d'un acteur extraordinaire, qui est la générosité même, et qui m'a portée. Il m'a portée ! Mais vous savez, la comédie, ce n'est pas mon truc. Ce n'est pas mon bateau ! Mon bateau, c'est de chanter ! Et c'est tout à fait autre chose quand vous êtes face à quelqu'un, car, tout à coup, quand vous chantez mal, et ça arrive souvent, je parle pour moi, vous êtes seul responsable de vous. Mais tout à coup, quand vous êtes en face de l'autre, c'est merveilleux, et alors ça devient à la fois plus facile et plus difficile. Parce qu'à la fois il va vous porter, tout en n'étant pas centré sur vous, et à la fois vous devez être très attentive à l'aider aussi. Il faut être là. Mais ça a vraiment été une aventure magnifique et c'est un grand cadeau que Gérard m'a fait là ! C'était un grand cadeau ! Mais moi, je ne suis pas une actrice, et mon bateau c'est chanter ! En plus, être dirigée... Oh, là, je ne suis pas docile et, en fait, il faut que je sois en accord total avec ce qu'on va me dire pour ne pas me révolter. Il faut que je comprenne, et souvent je ne comprends pas ce qu'on me demande... De même que le cinéma, vous sortez du champ, vous y rentrez, vous êtes bien dedans et, à ce moment-là, on vous dit que la lumière n'était pas bonne et qu'on y retourne... Alors là, non, vraiment, ce n'est pas mon truc ! Moi, j'ai besoin de savoir d'où vient la lumière. Sur scène, j'arrive à 10 heures le matin. Je vois les gars monter le spectacle et le montage... C'est là qu'il commence, le spectacle ! Si vous ne faites pas partie intégrante de tout, surtout quand vous êtes auteur... je n'aime pas ce mot-là, mais bon... eh bien, vous ne pouvez pas laisser un autre disposer de votre vie. Non ! je ne suis pas docile ! Pas docile ! Mais aussi je suis responsable seule. Quand on réussit, on réussit à tous. Mais quand on a un échec, on est seul, vous comprenez ? Quand les choses se passent bien, c'est toute une équipe qui a réussi. Quand ça se passe mal, c'est moi toute seule. Mais je suis responsable. Je veux bien tomber, mais je ne veux pas qu'on me pousse !
Non ! Je ne veux pas qu'on me pousse !
 
Barbara

Vendredi 31 octobre 2008 à 7:40

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Lorsque vous vivez ces périodes de solitude, réfugiée dans votre maison, êtes-vous ouverte à ce qu'il se passe dans le monde ?

Tout à fait. Bien davantage que quand je vais dans le monde. Parce que l'écoute est plus grande. Je me sens très concernée, mais impuissante, tellement ! Et même souvent je suis honteuse d'exister, et de manger, de prendre un bain parfumé, de vivre, quand je sais tout ce qui se passe... Je crois que l'important c'est d'être conscient, de rester vigilant, et de de chaque jour savoir tout cela, ne rien oublier.

Barbara

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