On vit en oubliant qu'on vit et puis le téléphone sonne. Dans la nuit de Key West le téléphone sonne à l'autre bout de la maison c'est un fax. Cela arrive. Ne bougeons pas. Demain suffira. A Paris il fait jour et les heures nous poursuivent. Le téléphone sonne une voix lointaine laisse un message une aube pâle dessine les persiennes. A Paris il fait jour les heures nous ont rattrapés, il faut bouger. " Madame nous venons d'apprendre la mort de Barbara. Étant donné l'heure matinale, je préfère vous envoyer un fax " On dirait une chanson. Si souvent je l'ai redouté et c'est là ce matin dans la chambre qui s'éclaire. " Elle est morte " Les mots sont vides de sens je les répète sans comprendre. Cette nuit elle est morte à Paris et je dormais en Floride. Les images défilent et surtout les notes Si mi la ré si mi la ré. Tu n'es plus là ma belle le piano est muet. Tu ne chantais plus. Nous aurions dû comprendre. On vit en oubliant qu'on vit et puis un téléphone sonne. Un petit matin à Key West. Tout s'arrête mais le vent continue à souffler le jour à se lever. On dirait une chanson. Pourtant nous le savions elle nous avait prévenus : par une nuit de novembre pardonnez-moi je vous quitterai, je me ferai légère et dans un bruissement d'ailes je rejoindrai les forêts de lune... Ce n'est pas une chanson. Voyageuse de la nuit bleue n'oublie pas tes lunettes ni tes mules de velours. Pour les pianos ne t'inquiète pas le ciel en est rempli et les anges les accordent. Quand à nous pauvres de nous l'oreille dressée nous comptons les étoiles.
Marie Chaix Key West 25 novembre 1997
Ma belle...Te rends-tu compte que c'est le seul poème-chansonnette que j'ai jamais écrit ? C'était bien la peine me diras-tu...J'aurais préféré ne pas. Ne jamais. Aujourd'hui dix ans plus tard, je pourrai t'écrire tout pareil. A présent, on te célèbre, te commémore. Ça te ferait rire, j'espère... " Je l'ai bien connue...etc - Elle était pas du tout comme vous croyez etc..." Cela veut dire aussi que l'on ne t'oublie pas... Après tout, c'est bien ? On voudrait y mettre de la gaieté à ces célébrations, de la couleur, des bulles... Moi j'ai du mal, je pense à toi " I miss you... " Tu aurais fait une charmante vieille Dame indigne avec ta canne, tes bottines et ton tricot. Du fond de ton fauteuil à bascule, entourée de tes quatre pattes chiens et chats... Tu aurais continué à faire jardinière de ton jardin en fredonnant pour les pivoines et les libellules... Oui, éventuellement, tes chansons consolent ( un peu ) et non, elles ne consolent pas, c'est toi vivante qui manque... Bon voyage.
Marie Chaix Paris 2007
C'est drôle de penser qu'un jour on fermera les yeux pour toujours !
Bisous ma Baboulove !