Du mariage avec Claude Sluys " un matin d'octobre 1953 " ( le 31 pour être exacte ) Barbara ne dit pas grand-chose sinon qu'il fut " assez fellinien " la mariée en noir " des pieds au turban " et Prudence ( qui offrait le repas de noce ) la poursuivant comme une folle en sifflant comme un serpent : " Ne te marie pas ! Ces gens-là ne sont pas pour toi...! " On saura plus tard par Claude, le beau garçon de vingt-cinq ans alors très amoureux de sa gitane, qu'il l'a sauvée de l'expulsion du pays en l'épousant mais que ce n'était évidemment pas la seule raison du mariage. La famille très bourgeoise du marié ne voit pas l'union d'un bon oeil : elle n'aura pas à souffrir longtemps de la présence d'une saltimbanque, et juive en plus, dans les ( très rares ) réceptions où elle se montre avec son mari. Le couple vient vivre à Paris fin 1953. Elle passe des auditions, cherche désespérément des engagements. Il écrit des poèmes, décharge des caisses aux Halles aux aurores de Paris... Puis doit rentrer en Belgique où, exempté du service militaire, " on " l'empêche néanmoins de revenir à Paris. Il ne s'en démène pas moins, sur place, pour aider de ses relations à la carrière de celle qui est encore son épouse. C'est ainsi qu'elle se rendra à Bruxelles, en octobre 1954, pour assurer à L'Atelier un vrai récital de vingt chansons, présentée par Angèle Guller, femme de radio célèbre dévouée à la chanson et qui suivra fidèlement la carrière de Barbara. Entre-temps, l'Écluse qui avait dit non à une audition en 1952, a dit oui au printemps 1954 et a bien fait... La porte commence à s'ouvrir pour de bon. C'est le moment où, sans s'en douter peut-être mais avec une de ces intuitions rares qui la caractérisaient, elle transforme son personnage. Elle se fait couper les cheveux très courts et commence à ressembler au Pierrot de lune de ses années futures. Paris, en 1955, redevient le port d'ancrage de la vagabonde. C'est aussi la fin du mariage belge. Elle n'épousera plus personne.
Marie Chaix ( Auteur et secrètaire de Barbara de 65 à 69 )