Il aura fallu un sacré coup du sort pour que leurs routes se croisent. En 66 à la veille d'un récital, Barbara doit remplacer Joss Baseli au pied levé. Elle appelle alors un jeune homme, tout frais sorti de ses cours et de ses concours d'accordéon : Roland Romanelli, vingt ans. Entre eux, l'entente se transforme en osmose. Il devient son accompagnateur. A L'accordéon d'abord , aux synthétiseurs ensuite. Devant le public de Pantin, en 1981, elle lui rendra le plus bel hommage, celui du coeur et de la reconnaissance : " Quatorze ans d'amour, et un immense, immense talent... "
Barbara m'a tout appris. Elle m'a fait. Au-delà même de la musique. La première fois qu'elle m'a appelé, j'ai cru à une blague. J'avais vingt ans, j'étais à Paris depuis huit mois, et mon rêve le plus fou était de l'accompagner ! Alors de l'entendre comme ça au bout du fil... Je m'en souviendrais toute ma vie. Barbara m'a fait confiance d'emblée. Elle m'a fait venir, m'a pris par la main et m'a dit " Ne vous inquiétez pas, tout ira bien " Elle me demandait surtout d'être à l'écoute. C'était une musicienne d'instinct. Lorsqu'elle jouait, il y avait les mêmes respirations que dans sa voix, dans son chant, dans ses textes, dans sa façon d'être. Nous nous sommes très vite entendus. On était soudés. Quand elle était en forme, je l'était aussi, quand elle ne l'était pas, je n'allais pas bien. On travaillait beaucoup, sans horaire. Chez elle, il y avait ni nuit ni jour. Elle vivait à son rythme, intensément, avec passion... Elle était en effervescence continuelle de composition. Chaque fois qu'elle écrivait une chanson elle voulait que ce soit sa plus belle. Sur scène, tout était possible. Elle pouvait se mettre à parler, inverser des titres, arrêter de chanter, on n'avait peur de rien... Il y avait une telle confiance entre nous ! Elle me laissait essayer de nouvelles choses. C'était une espèce d'état de grâce. Un jour, en tournée, j'ai ressenti une douleur très vive dans le ventre, quelques heures avant le spectacle. Le soir, j'ai joué. Curieusement, je n'ai plus rien senti. Mais sitôt le rideau tombé, j'ai eu de nouveau très mal... Et à six heures du matin, je me faisais opérer d'une péritonite ! Vous voyez, pendant le récital, à côté d'elle, la tension et l'attention étaient telles que la douleur disparaissait toujours. Nous nous sommes quittés au moment de Lily Passion. On préparait le disque, je n'aimais pas notre travail en studio. Elle l'a mal pris. Je suis parti. C'est une séparation qui était sans doute dans l'air depuis quelques mois. Vingt ans avec quelqu'un, c'est long. Elle m'avait dit : " Tu verras, on se quittera au plus beau de notre histoire " C'est ce qui est arrivé. Au plus beau. Notre rupture, c'est un cadeau qu'elle m'a fait.
Roland Romanelli ( Musicien )