- L'éventualité qu'un jour les gens ne vous suivent plus, vous y pensez ?
- Bien sûr que j'y pense ! Et je me dis qu'alors je saurai m'en aller... Cela dit, c'est très orgueilleux, peut-être, et très égoïste, mais il me paraîtrait insensé que j'éprouve cette envie, violente, ce véritable désir de les revoir... et qu'ils n'aient pas, de leur côté, un petit peu envie de me voir eux aussi. Ca me paraît impossible ! Mais j'y pense quand même...
Il faut dire aussi que par les messages que je reçois, les lettres superbes, ils me prouvent que, quelque part, eux aussi sont là, ils se font beaux, et ils viennent vers moi comme je vais à eux... Peut-être que je me trompe ? Ce serait terrible pour moi. Mais je les comprendrais. C'est une chose à laquelle je pense. Il ne faut pas croire que j'y vais parce que je me dis que je suis attendue. Je me dis jamais que je suis attendue. Jamais je me dis ça... Et le jour où, de leur côté, c'est moins fort, il faut partir. Il faut savoir précéder l'échéance, à la fois pour se montrer bien élévé, et pour s'épargner des souffrances. Des souffrances qui, pour moi, seraient terribles. Mais c'est une question d'honnêteté aussi. Honnêteté envers ceux qu'on a tant aimés, et qui vous ont aimé... L'honnêteté de leur dire simplement :
" Je ne peux plus ; pardonnez-moi, mais je ne ferai pas semblant avec vous "
Jamais la fin d'été n'avait paru si belle
Les vignes de l'année auront de beaux raisins
On voit se rassembler, au loin les hirondelles
Mais il faut se quitter, pourtant l'on s'aimait bien
Quel joli temps pour se dire au revoir
Quel joli soir pour jouer ses vingt ans
Sur la fumée des cigarettes
L'amour s'en va, mon coeur s'arrête
Quel joli temps pour se dire au revoir
Quel joli soir pour jouer ses vingt ans
Les fleurs portent déjà les couleurs de Septembre
Et l'on entend, de loin, s'annoncer les bateaux
Beau temps, pour un chagrin, que ce temps couleur d'ombre
Je reste sur le quai, mon amour, à bientôt
Quel joli temps, mon amour, au revoir
Quel joli soir pour jouer ces vingt ans
Sur la fumée des cigarettes
L'amour nous reviendra peut-être
Peut-être un soir, au détour d'un printemps
Ah quel joli temps le temps de se revoir
Jamais les fleurs de Mai n'auront paru si belles
Les vignes de l'année auront de beaux raisins
Quand tu me reviendras, avec les hirondelles
Car tu me reviendras, mon amour, à demain...
< Le piano noir et Ma plus belle histoire d'amour >
Le piano noir ( D. Thinon/R.Charlebois ) ( 1987 )
Quand je serai morte,
Enterrez-moi
Dans un piano noir comme un corbeau
Do, ré, mi fa, sol, la, si, do
Quand je serai morte
Ecrivez dessus, comme il faut
Elle faisait bien son numéro
Do, ré, mi fa, sol, la, si, do
Quand je serai morte
Veuillez alors me mettre à l'eau
Sur l'eau d'un fleuve
Ou d'un ruisseau
Do, ré, mi fa, sol, la, si, do
Quand je serai morte
S'il vogue, vogue, mon piano
Viendrons s'y poser les oiseaux
Do, ré, mi fa, sol, la, si, do
Viendrons s'y poser les oiseaux
Viendrons s'y poser les oiseaux
Quand je serai
Quand je serai
Quand je serai
Morte...
Ma plus belle histoire d'amour (Barbara/Barbara ) ( 1967 )
Du plus loin que me revienne
L'ombre de mes amours anciennes,
Du plus loin du premier rendez-vous,
Du temps des premières peines
Lors j'avais quinze ans à peine,
Coeur tout blanc et griffes aux genoux
Que ce fût, j'étais précoce
De tendres amours de gosses
Ou les morsures d'un amour fou,
Du plus loin qu'il me souvienne
Si depuis j'ai dit je t'aime
Ma plus belle histoire d'amour, c'est vous.
C'est vrai, je ne fus pas sage
Et j'ai tourné bien des pages
Sans les lire, blanches et puis rien dessus,
C'est vrai je ne fus pas sage
Et mes guerriers de passage
A peine vus, déjà disparus
Mais à travers leurs visages
C'était déjà votre image,
C'était vous déjà et le coeur nu,
Je refaisais mes bagages
Et poursuivais mon mirage,
Ma plus belle histoire d'amour c'est vous.
Sur la longue route, qui menait vers vous
Sur la longue route, j'allais le coeur fou
Le vent de Décembre, me gelait au cou
Qu'importait Décembre, si c'était pour vous ?
Elle fut longue la route
Mais je l'ai faite la route
Celle-là qui menait jusqu'à vous,
Et je ne suis pas parjure
Si ce soir, je vous jure,
Que pour vous, je l'eus faite à genoux
Il en eût fallu bien d'autres
Que quelques mauvais apôtres
Que l'hiver et la neige à mon cou,
Pour que je perde patience
Et j'ai calmé ma violence,
Ma plus belle histoire d'amour, c'est vous.
Mais tant d'hivers et d'automnes
De nuits, de jours et personne,
Vous n'étiez jamais au rendez-vous
Et de vous perdant courage
Soudain me prenait la rage
Mon dieu, que j'avais besoin de vous
Que le Diable vous emporte !
D'autres m'ont ouvert leur porte,
Heureuse, je m'en allais loin de vous
Oui je vous fus infidèle
Mais vous revenais quand même,
Ma plus belle histoire d'amour, c'est vous.
J'ai pleuré mes larmes, mais qu'il me fût doux
Oh qu'il me fût doux, ce premier sourire de vous
Et pour une larme qui venait de vous
J'ai pleuré d'amour, vous souvenez-vous ?
Ce fut un soir de Septembre,
Vous étiez venu m'attendre
Ici même, vous en souvenez-vous ?
A vous regarder sourire,
A nous aimer sans rien dire
C'est là que j'ai compris tout à coup
J'avais fini mon voyage
Et j'ai posé mes bagages,
Vous étiez venu au rendez-vous
Qu'importe ce qu'on peut en dire,
Je tenais à vous le dire :
Ce soir je vous remercie de vous
Qu'importe ce qu'on peut en dire,
Tant que je pourrai vous dire,
Ma plus belle histoire d'amour,
C'est vous.
- L'un des mots qui vous correspond le mieux est sans doute celui de " solitude " Qu'évoque-t-il pour vous ?
- Il m'évoque un jardin, à six heures du soir... La solitude, c'est monstreux. C'est à la fois un grand égocentrisme et une grande force, parce que ça permet de se récupérer, donc de se recharger, donc d'être mieux et davantage à l'écoute des autres ; dans la solitude, c'est comme dans la nuit, les choses vous parviennent. Beaucoup de gens ne supportent pas de se retrouver seuls avec eux-même ; chez moi, au contraire, il y a une incapacité à faire autrement.
Mes premières chansons d'elle, je les ai entendues dans un juke-box, quand j'étais môme. Dis, quand reviendras-tu ? je me souviens... Je me souviens aussi de l'album à la rose, plus tard. Elle avait une manière de jouer du piano très spéciale, une technique " raccourcie " un truc à elle. Tu peux essayer de faire comme elle, ça ne sonne pas pareil. A ses côtés, il y avait toujours un accordéon ; elle l'aimait pour sa voix humaine sans doute, pour son côté tzigane, tour à tour douloureux et joyeux, et peut-être parce qu'il est transportable, c'est un orgue à pattes, un orchestre à lui tout seul. A mes débuts, elle m'écoutait poétiser au Port du Salut, un des derniers cabarets de Paris, le quartier général de Richard Marsan, le directeur artistique de Léo Ferré, et le mien. Juliette Gréco, Michel Piccoli, Maurice Fanon... étaient comme elle des habitués du lieu. Elle avait un charme fou, c'était une diva, comme Juliette. Même classe, ( elle, en plus auteur-compositeur : ça donnait une autre lumière ) Bien après je suis allé à Précy, pour essayer de lui écrire des textes, mais aussi pour rigoler. Même à la maison, elle avait l'air d'être en tenue de scène, pantalon fluide et col de reine. Elle répétait dans son théâtre, parfois seule ; j'étais admis de temps en temps. Avant Mogador ( je l'y ai vue trois fois ) les répétitions ont été longues. Mogador, le Châtelet, c'étaient des théâtres parfaits pour elle. Pantin, c'était rock, je me demandais comme elle allait faire, et tu as vu : elle remplissait l'espace. On a tendance à mettre les divas dans des cocons ; elle était sortie du sien, et ça lui a ouvert un autre public. Difficile de chanter mieux qu'elle. Cette façon qu'elle a de placer les mots, ce contre-chant dans le chant... Difficile d'écrire mieux qu'elle, aussi. Elle a un amour gourmand des mots. Pierre par exemple, chanson intimiste, chanson-confiture, une des rares chez elle qui ne ressemble pas à un ouragan. Le mal de vivre, c'est un ouragan intérieur. Elle a le talent de scénariste, aussi : la situation se retourne toujours, dans ses chansons. Nantes est à part. J'ai toujours été intrigué par ce texte étrange, très pictural, en clair-obscur. Assis près d'une cheminée... La lumière était froide et blanche... On voit Vermeer, on entend Baudelaire. Et ce dernier vers, seul à parler du père, et de pardon, d'une certaine façon... La chanson est mystérieuse, mais quand tu sais ce qui s'est passé avec son père, elle l'est encore plus, à cause de ce pardon suggéré. Tu peux l'écouter à plusieurs niveaux. Dans d'autres, on sent le travail, dans celle-là, le jaillissement. Pour moi, Barbara est à la même altitude que Léo. Chez les deux, il y a du baroque, et du latin. Elle a un style plus dépouillé ( pas un mot, pas une virgule de trop dans Le mal de vivre ) et une interprétation plus théâtrale Férré " ténorise " comme un Italien, sauf dans La Mémoire et la Mer. Juliette Gréco a raison de dire que l'interprétation est une troisième écriture... Barbara est plus proche de Brassens ( qui, lui, s'éffaçait derrière ses chansons ) pour le dépouillement de l'écriture, et de la revue et du chant classique pour l'interprétation. Etonnant mélange. Cette femme à la fois sensuelle et masculine est elle-même un mélange mystérieux et attirant. Avec son côté grande liane exotique, je la vois bien dans les années 1920, garçonne habillée par Poiret et dansant sur un volcan...
Liberté, liberté
Qu'as-tu fait, liberté,
Pour ceux-là qui voulaient te défendre,
Les voilà, tes amis,
Ils étaient trop petits,
Et demain, le bourreau va les pendre,
Ils aimaient bien leurs enfants,
Ils aimaient bien leurs parents,
Et pas qu'un peu, le vin rouge et l'amour,
Mais quelque chose manquait,
Qu'ils ne pouvaient expliquer,
Et c'était toi, liberté des beaux jours,
Avec une rose au chapeau,
Bien plus jolie qu'un drapeau,
Droit devant eux, un jour, s'en sont allés,
Mais ils n'ont pas fait quatre pas,
Que les sergents étaient là,
Qui les tenaient au bout des pistolets,
N'as-tu pas deux visages,
Liberté,
L'un joueux, l'autre grave,
Liberté,
Liberté, liberté,
Qu'as-tu fait, liberté,
Pour ceux-là qui t'ont crue, sur parole,
Ils ne t'ont jamais vue,
Ils ne te verrons plus,
Liberté, fameux rêve des hommes,
Ils ne vivaient que par toi,
Ils ne parlaient que de toi,
Et c'est pour toi qu'ils prierons dans leur ciel,
Rien n'a changé dans leur coeur,
Ils n'ont plus froid, n'ont plus peur,
C'est toujours toi, liberté, leur soleil,
Quand on les a condamnés,
Ils ont salué sans pleurer,
Et l'un à l'autre, ils se sont embrassés,
Ils ont prié "vive le roi,
Vive la reine et la loi,
Mais surtout, vive, vive la liberté"
Liberté, liberté, liberté...
Au moment du procès de la transfusion sanguine, les audiences donnent lieu à de violentes manifestations. Barbara réagit :
- Les militants d'Act-Up bougent..., c'est leur raison d'être, leur vocation, leur courage, le silence c'est la mort. Pendant des années, on s'est tu. Et sur la prévention, sur l'information, on s'est tu ! J'ai entendu souvent : " On va le faire, on va le faire... " Nous avons tous entendu cela. Pendant ce temps, l'épidémie courait, le mal n'attendait pas.
Instant choquants où des familles endeuillées réclament la justice. Procès ambigu où tout ne peut être dévoilé, où la médecine se compromet..., où l'Etat est impliqué. Barbara souffre mais garde la tête froide, elle n'est pas dupe et porte un jugement sans appel au sujet des quatres inculpés.
- Ce ne sont pas quatre personnes..., c'est beaucoup plus. S'il y a eu crime, c'est un crime collectif. Que dire ? Bien qu'on le nie, c'est une grosse affaire d'argent. Pourquoi certains médecins qui soignaient les hémophiles se sont-ils tus ? Pourquoi tant de gens se sont-ils tus ? Je ne suis pas là pour juger. Je ne sais pas qui est coupable, qui ne l'est pas. Il y a toujours des responsables. Ce qu'il y a aujourd'hui, c'est un état de désespérance.
Pas de haine dans les propos de Barbara, mais une révolte constante à une certaine indifférence collective, pour
" ne pas laisser s'ensommeiller les consciences. "
- C'est terrible, il y a comme une lassitude autour du Sida. On ne peut pas continuer à dire " ah, c'est vrai, on a oublié de faire de la prévention, mais aujourd'hui, on vous le dit, c'est une maladie gravissime. "
O sid'assassin
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Qui a mis l'amour à mort
Drôle d'époque ! Les juges d'un tribunal du Sud-Ouest exigent la désinfection de la salle d'audience lorsqu'ils apprennent qu'a comparu devant eux une personne probablement atteinte du sida ! Le maire d'un petit village du Calvados, en 1993, fait murer un puits parce qu'un homme atteint du sida s'y était jeté pour se suicider !
- Où allons-nous vraiment? On a honte d'exister dans ce monde frileux. Ne baissons pas les bras. Continuons à nous battre, comme les infirmières qui sont toujours présentes. Soyons vigilants. Vigiler, c'est ça..., il faut vigiler. A force d'être frileux, ce sera l'hécatombe. Ces morts, ce sont les nôtres. Il ne faut pas cesser d'espérer, il faut rester ensemble, les yeux ouverts.
Malgré les progrès constants, particulièrement fin juin 1997, où le département américain de la santé et un groupe d'experts internationaux émettront de nouvelles recommandations d'utilisation des médicaments anti-VIH, Barbara continue à penser qu'il y a un manque terrible et pas d'information.
- On ne sait pas partout ce qu'est la maladie ; on ne sait pas que certaines infections peuvent être traitées et même prévenues. Il paraît invraisemblable qu'il n'y ait aucun spot aux heures de grande écoute sur les centre de dépistages gratuit. Il paraît invraisemblable que l'on n'ait pas montré comment on met un préservatif. Il n'y a toujours pas de distributeurs de préservatif dans la quasi-totalité des lysées. (...) Certains parents pensent qu'il ne faut pas laisser rentrer l'amour dans les lysées. Mais alors ? Faut-il laisser rentrer le sida ? De même, on connaît l'efficacité d'échanges de seringues. Qu'avons-nous fait ? On va regarder les enfants mourir, c'est ça ?
A chaque spectacle, la vérité absolue, elle se consume, elle est l'amante et instaure un véritable dialogue d'amoureux avec la salle. Sa sincérité est extrême, elle va, elle s'abandonne. Plus d'une fois, derrière le rideau, elle s'écroule... Avant l'enregistrement public, elle a un vrai problème physique, les musiciens la voient changer de couleur. Sergio ne la quitte pas des yeux. Au final de L'Aigle noir, pendant la reprise symphonique, le plateau est mis à nu. Magnifique, Barbara apparaît au fond, sur un " fly-case " de vingt mètres de long. Un soir, malgré quelques milliers de watts autour de lui, Sergio croit entendre hurler " Je t'aime " Il se dit : ça ne peut pas être elle, pourquoi ferait-elle ça ? " J'essaie de distinguer, j'ai un doute. Je pense que ce " Je t'aime " est lancé par un admirateur passionné, je ne dis rien. Tout d'un coup, j'ai l'absolue conviction que ce cri d'amour vient de Barbara. Le lendemain, avant le concert, je vais lui parler :
- Barbara, vous êtes folle, vous ne pouvez pas faire ça...
- Mais pourquoi ?
- Vous n'avez pas le droit de prendre ce risque tous les soirs !
- Pourquoi tu l'entends ?
- Bien sûr. Vous vous rendez compte du danger de crier comme ça ?
- Viens, viens... Elle m'emmène au fond de la scène, sur le " fly " ... - Sergio, tu ne peux pas savoir, tu ne peux pas savoir, je ne peux pas me retenir. Quand tu vois l'amour de ces gens, quand tu vois l'amour qu'ils m'envoient comme ça et que je prend, je ne peux pas me retenir, je suis obligée de leur dire que je les aime aussi. Ca me rentre de partout, ils m'envahissent, c'est un cri que je leur donne, je n'en suis pas consciente, je sais que je rentre dans un état second, je ne peux pas faire autrement...
J'ai d'abord suivi une formation dans un milieu médical sur le virus, les symptômes, l'évolution de la maladie. On m'a aussi proposé d'apprendre à approcher les malades. Je n'ai pas voulu, parce qu'il m'a semblé que le contact avec les gens, j'en avais l'expérience depuis longtemps par le biais de la chanson. Et c'est vrai que la première fois que je suis entrée dans une chambre de malade, tout a été simple. Je ne l'ai jamais fait sans qu'on me le demande et s'il y avait la famille, je n'y allais pas. L'aumônier me demandait : Mais qu'est-ce que tu leur dis ? J'écoutais, surtout, et j'ai aidé certains à partir... J'ai vu des malades au seuil de la mort, totalement seuls, abandonnés par leurs proches, parce qu'ils avaient peur d'être contaminés. C'est important, je l'ai pensé et écrit, que quelqu'un vous aide, au dernier instant, à fermer les yeux.
J'ai voulu entrer dans les hôpitaux parce que la maladie provoque de grandes solitudes, des exclusions. Les malades savent que je suis là et ils peuvent me contacter. Le dialogue qu'ils peuvent avoir avec le médecin, l'infirmière, leur famille, un étranger, est très différent. Ici l'étrangère, c'est moi. Il se passe autre chose, une autre écoute.
J'ai vu des infirmières extrêmement compétentes, généreuses de leur temps et complètement sous-payées. Il n'y a pas assez d'effectifs et certaines de ces femmes sont des zombies.
Des gens en phase terminale, j'en côtoie toutes les semaines. Je l'ai dit dans mes chansons : il faut être là quand les gens s'endorment, pour les accompagner. Autrefois, en ville ( pas à la campagne ) on trouvait cela morbide. Maintenant, on trouve cela normal. Un des premiers malades que j'ai vu n'avait plus du tout envie de lutter. De désespoir, il s'est tourné vers le mur. Il ne voulait plus voir ni médecins, ni infirmières. J'ai vu des malades dont les familles parlaient à l'imparfait.
Pas par méchanceté, mais par sottises.
( 1993 )
Je ne suis pas une visiteuse. Les visiteuses ont souvent la tête de l'emploi, les gens qui vont mourir n'ont pas besoin qu'on leur confirme...
Il faudrait que les gens sachent ce qui se déroule dans les hôpitaux. J'ai vu des malades fous de colère ou accablés de détresse. J'ai vu des choses inoubliables. Des infirmières admirables. Entendu des cris de détresse absolue.