" Enfin ! Espèrons qu'elle sera bien dans la résidence B " - " Oui surtout si Brassens lui prête un petit coin de parapluie " - " Et que Brel lui apporte des bonbons ! "
La vie, elle l'écrivait, la disait, la chantait, la clamait. Comme pour nous faire oublier la sienne et sa longue retraite dans son petit village de Précy-sur-Marne. Comme si la solitude ne se tenait pas devant sa porte, comme si le mal de vivre ne se nichait pas au creux de ses reins. Rebelle, la dame en noir. Elle le fut depuis plus de quarante ans accompagnant chaque désespoir de nos vies. Soeur d'âme de Brassens, Ferré ou Brel, créatrice de L'aigle noir, Dis quand reviendras-tu ? , Göttingen, Nantes, et autres classiques de la chanson française, elle nous a donc quittés lundi dernier. Ses chansons, on les fredonne par-delà les années, on marche dans la rue, il pleut un peu, on a la mélancolie au bord des lèvres. Autour de Barbara volent des images. Images de nuit, d'oiseau, de rose sombre. Elle et son piano. Avec sa place immuable sur la scène comme dans sa remise de Précy. Dans les théâtres où elle s'installait, elle passait du temps, des heures, rocking-chair sur la scène, rideau levé et salle vide. Elle parlait aux fauteuils rouges. Elle aimait se promener dans les coulisses, errer, ou tout simplement être là pour pressentir la moindre nuance, humer l'atmosphère pour préparer la folie du spectacle. Sitôt les représentations terminées, ne sachant pas conduire, on la raccompagnait à Précy. Et quand on voulait lui parler, il fallait d'abord lui envoyer un fax. Elle rappelait ensuite. Parfois tout de suite, parfois quelques jours après. Sans règle. Monique Serf, devenue Barbara au début des années 50, n'est pas le symbole d'une époque car ce qu'elle chante semble simple : c'est la vie. Or la vraie vie se moque des modes. Des drames, les interrogations, les joies sont intemporelles ou éternelles. Comme vous voudrez. Du suicide au sida, de l'amour à la mort, du printemps au soleil. La grande dame brune a beaucoup chanté. Barbara est poète parce qu'elle a du métier comme personne. Un métier qui s'écrit en 260 chansons à quoi s'ajoute son dernier disque, paru l'an dernier après seize années de silence discographique. Elle fut longue cette route pour devenir ce mythe intouchable de la chanson française. Depuis qu'elle a 15 ans, depuis la rue de Madrid, depuis Bruxelles. Et puis, à force de le chanter, chanson tendre, crié parfois, que sa plus belle histoire d'amour c'était nous, on a rendu les armes.
François Delètraz ( Journaliste )
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