Dimanche dernier, ta voix douce et tendre : " Bonjour chéri, tu vas bien toi ? " Tu voulais toujours savoir avant toi, comment les autres se portaient. Ta générosité, ton élégance et ta pudeur protégeaient tes fatigues. Tu restais blottie à Précy, ce vieux prieuré qui était devenu un couvent, seuls les intimes pouvaient y pénétrer, y respirer avec toi l'odeur des roses anciennes du jardin et carresser ce grand piano noir, ton compagon fidèle. Je t'avais trouvé cette maison au temps d'Eglantine. Elle était enfouie sous le lierre, grosse bâtisse de village, forteresse de l'amitié.C'est là que tu préparais ton tour de chant, les musiciens vivaient avec toi deux ou trois mois, travaillant comme des artisans, car chaque note, chaque virgule du texte étaient reprises avec soin et précision. Lorsque la patronne était satisfaite l'orchestre soufflait de bonheur. Secrète, discrète, malicieuse, curieuse, souvent tu regardais la télévision et souriais, tes yeux myopes voyaient tout, tu aimais t'amuser. Tu gardais pour toi les bonnes oeuvres : la peine de mort, l'avortement, les prisons, le sida, les enfants surtout avaient toutes les priorités, tu aimais donner sans que personne le sache. Tu adorais les surprises lorsqu'elles étaient celle de l'amour et de l'amitié. Je taquinais ton extravagance, tes colères, ton courage, tu travaillais si fort, tu avais tant peur de décevoir ceux qui avaient été ton premier rendez-vous d'amour il y a quarante ans. Chère Barbara, tu m'appelais affectueusement ton " petit mari ", nous avions des complicités, des rires, tu m'épatais sans cesse, gourmande tu choisissais ton menu : crabe, île flotante, tu pouvais aussi te nourrir de zan ou de cornichons : tu étais ma folle bien aimée, la jeunesse était ton amant, tu lui donnais tout, elle te donnait tout. Ta retraite était sans flambeau, jamais nostalgique, tu regardais l'avenir avec ton oeil d'aigle, tu respectais tant les autres; la liberté, l'espoir, l'amour était ta devise, ta gauche c'était ton coeur. Pour toi le noir était une couleur, ta voix reste avec nous, elle a si bien chanté les choses de la vie. Merci Barbara d'être cette longue dame brune, celle de la tendresse, Jacques Brel était ton ami, tu l'as retrouvé au pays de la lumière. Je t'embrasse comme je t'aime.
Jean-Claude Brialy ( Comédien )