Jeudi 14 mai 2009 à 9:08



<  Lily  >


Une sublime chanson contre le racisme de Pierre Perret.
Chanté par Barbara.


Lily   ( P.Perret/P.Perret )
 
On la trouvait plutôt jolie, Lily
Elle arrivait des Somalies, Lily
Dans un bateau plein d'émigrés
Qui venaient tous de leur plein gré
Vider les poubelles à Paris

Elle croyait qu'on était égaux, Lily
Au pays de Voltaire et d'Hugo, Lily
Mais pour Debussy, en revanche
Il faut deux noires pour une blanche
Ça fait un sacré distingo!

Elle aimait tant la liberté, Lily
Elle rêvait de fraternité, Lily
Un hôtelier, rue Secrétan,
Lui a précisé en arrivant
Qu'on ne recevait que des blancs

Elle a déchargé les cageots, Lily
Elle s'est tapé les sales boulots, Lily
Elle crie pour vendre les choufleurs
Dans la rue ses frères de couleur
L'accompagnent au marteau-piqueur.

Et quand on l'appelait Blanche-Neige, Lily
Elle se laissait plus prendre au piège, Lily
Elle trouvait ça très amusant
Même s'il fallait serrer les dents...
Ils auraient été trop contents!

Elle aima un beau blond frisé, Lily
Qui était tout prêt à l'épouser, Lily
Mais la belle-famille lui dit: "Nous
Ne sommes pas racistes pour deux sous,
Mais on veut pas de ça chez nous..."

Elle a essayé l'Amérique, Lily
Ce grand pays démocratique, Lily
Elle aurait pas cru sans le voir
Que la couleur du désespoir
Là-bas aussi ce fût le noir.

Mais dans un meeting à Memphis, Lily
Elle a vu Angela Davis, Lily
Qui lui dit "Viens, ma petite soeur,
En s'unissant on a moins peur
Des loups qui guettent le trappeur."

Et c'est pour conjurer sa peur, Lily
Qu'elle lève aussi un poing rageur, Lily
Au milieu de tous ces gugusses
Qui foutent le feu aux autobus
Interdits aux gens de couleur.

Mais dans ton combat quotidien, Lily
Tu connaîtras un type bien, Lily
Et l'enfant qui naîtra un jour
Aura la couleur de l'amour
Contre laquelle on ne peut rien.

On la trouvait plutôt jolie, Lily
Elle arrivait des Somalies, Lily
Dans un bateau plein d'émigrés
Qui venaient tous de leur plein gré
Vider les poubelles à Paris

Mercredi 13 mai 2009 à 8:32

http://mybabou.cowblog.fr/images/060249819887202Trail0100.jpg



Elle est venue un peu tard dans ma vie. Je suis loin de tout connaître d'elle ; j'ai envie de la découvrir peu à peu, comme si elle était encore vivante. Sa voix, d'abord : elle a un calme rare, dont on dirait qu'il vous regarde droit dans les yeux, et qui met du silence dans son piano. Un calme qui contient une fièvre : elle sait s'emporter, tout en gardant l'élégance de ne pas dévoiler l'étendue de sa colère, de ses blessures, de parler de l'horreur tout en n'en parlant pas. Dans Le mal de vivre, dans Mes insomnies, il y a toujours une éclaircie. Et puis ses mots, leurs parfums d'herbe et de mousse...Au bois de Saint-Amand résonne de rires, du bonheur de l'instant. On sent la forêt, on voit une femme marchant pieds nus... Et puis ses notes, d'une grande précision, comme des lames, et parfois caressantes, et parfois laissant entrevoir quelque chose de sauvage... Entre sa voix, ses mots, ses notes, il y a une alchimie. Aucun décalage entre ce qu'elle dit, et ce qu'elle dit mélodiquement : c'est rond, homogène. Elle et son piano, c'est un duo d'amour. On y entend que c'est une femme de plaisir, que l'amour, chez elle, c'est aussi l'amour de la sensualité. Elle chante  " je n'ai pas la vertu des femmes de marin ", mais c'est elle le marin, elle la vagabonde. C'est la beauté de sa féminité : elle est libre. Quand elle chante, elle est maître du temps. Nous, pas toujours. Elle retient les notes, les suspend, les prolonge. Le temps, quand on chante, on l'orchestre, mais parfois, on ne sait pas ce qui se passe. Elle, j'ai l'impression qu'elle sait. Il y a dans son chant la plénitude de l'instant partagé entre elle et nous. On vient dans son histoire, elle nous accompagne dans la nôtre, parfois dans l'inconnu de nous. Et ce n'est jamais impudique. Je ne me vois pas interpréter Barbara, même si je la chante chez moi... Je préfère la découvrir, regarder resplendir l'étrange beauté de son visage, de son animalité, de sa noblesse.
 
Daphné  ( Chanteuse )

Mardi 12 mai 2009 à 8:24



<  J'ai tué l'amour  >



J'ai tué l'amour   ( Barbara/Barbara )   ( 1958 )



J'ai l'air comme ça d'une moins que rien
Qu'a pris la vie du bon côté
D'une fille perdue qui va son chemin
Sans trop chercher à s'y retrouver
Quand un garçon me fait la cour
Ca m'fait plus rien j'ai l'habitude
Ca m'amuse deux ou trois jours
Puis je me retourne à ma solitude

J'ai tué l'amour
Parce que j'avais peur
Peur que lui n'me tue
A grands coups de bonheur
J'ai tué l'amour
J'ai tué mes rêves
Tant pis si j'en crève

Je ne fais pas l'amour pour de l'argent
Mais il ne me reste pas beaucoup de vertu
C'est presque aussi décourageant
Que de faire les cents pas dans la rue
Maintenant mon coeur est ensablé
Il a cessé de fonctionner
Le jour même où je l'ai quitté
Sans trop savoir où ça me mènerait

J'ai tué l'amour
Parce que j'avais peur
Peur que lui n'me tue
A grands coups de bonheur
J'ai tué l'amour
J'ai tué mes rêves
Tant pis si j'en crève

Quand je pense que pour ma liberté
J'ai brisé, cassé notre chaîne
Quand je pense qu'il n'y avait qu'à s'aimer
Qu'à mettre ma main dans la sienne
Maintenant je l'ai ma liberté
Comme un fardeau sur mes épaules
Elle me sert tout juste à regretter
D'avoir joué le mauvais rôle

J'ai tué l'amour
Parce que j'avais peur
Peur que lui n'me tue
A grands coups de bonheur
J'ai tué l'amour
J'ai tué mes rêves
Tant pis si j'en crève

Lundi 11 mai 2009 à 7:51



<  Toi l'homme  >


Toi l'homme  ( S.Makhno/Barbara )  ( 1965 )
 
Je cherche un homme
Un homme qui ressemble à un homme
Un homme, en somme
C'est beau et puis c'est chaud les hommes
Et plus c'est rare et plus c'est beau
J'aimerais que ce soit moins rare
Tant pis si c'était moins beau

Je cherche un homme
Un homme qui ressemble à un homme
Un homme, en somme
C'est beau et puis c'est chaud les hommes
Et plus c'est rare, plus ça tient chaud
J'aimerais que ce soit moins rare
Et tant pis si j'avais moins chaud
J'en ai connu plusieurs
Que le soir nous apporte
Et qu'au petit matin
Triste, l'on reconduit
Jusqu'au seuil de sa porte
J'en ai connu plusieurs
Mais le vent les emporte
Ils font de ma maison
Plus triste qu'un automne
Un jardin d'amour mortes

Si tu es l'homme, cet homme,
Qui ressemble à mon homme
Mon homme, en somme
Si tu es l'homme que j'espère,
Si tu es l'homme que j'attends,
Oh, tu devrais venir plus vite
Tu devrais venir maintenant
Si tu es l'homme après qui
Aucun autre homme sur ma vie
Ne sera plus jamais un homme
Ni dans mon coeur, ni sur ma peau
Oh, tu devrais venir plus vite,
Oh, tu devrais venir plus tôt,
Et tant pis, tant pis,
Si tu n'es pas beau

Toi l'homme
L'homme qui ressemble à un homme
Mon homme, en somme
Mon homme, mon homme, mon homme...

Jeudi 7 mai 2009 à 9:28



<  Mon enfance  >

Quelques photos de Saint-Marcellin et de Barbara avec sa famille 
De juillet 1943 à Octobre 1945 Barbara vécut dans cette ville 


Mon enfance  ( Barbara/Barbara )  ( 1968 )
 
J'ai eu tort, je suis revenue
Dans cette ville, au loin, perdue
Où j'avais passé mon enfance
J'ai eu tort, j'ai voulu revoir
Le côteau où glisse le soir
Bleu et gris, ombre de silence
Et j'ai retrouvé comme avant,
Longtemps après,
Le côteau, l'arbre se dressant
Comme au passé
J'ai marché, les tempes brûlantes
Croyant étouffer sous mes pas
Les voix du passé qui nous hantent
Et reviennent sonner le glas
Et je me suis couchée sous l'arbre
Et c'était les mêmes odeurs
Et j'ai laissé couler mes pleurs,
Mes pleurs

J'ai mis mon dos nu à l'écorce
L'arbre m'a redonné des forces
Tout comme au temps de mon enfance
Et longtemps, j'ai fermé les yeux
Je crois que j'ai prié un peu
Je retrouvais mon innocence
Avant que le soir ne se pose
J'ai voulu voir
La maison fleurie sous les roses
J'ai voulu voir
Le jardin où nos cris d'enfants
Jaillissaient comme sources claires
Jean, Claude et Régine et puis Jean
Tout redevenait comme hier
Le parfum lourd des sauges rouges,
Les dahlias fauves dans l'allée,
Le puits, tout, j'ai retrouvé
Hélas

La guerre nous avait jetés là
D'autres furent moins heureux, je crois
Au temps joli de leur enfance
La guerre nous avait jetés là
Nous vivions comme hors-la-loi
Et j'aimais celà, quand j'y pense
Oh mes printemps, oh mes soleils
Oh mes folles années perdues,
Oh mes quinze ans, oh mes merveilles,
Que j'ai mal d'être revenue
Oh les noix fraiches de Septembre
Et l'odeur des mûres écrasées
C'est fou, tout, j'ai tout retrouvé
Hélas

Ils ne faut jamais revenir
Au temps caché des souvenirs
Du temps béni de mon enfance
Car parmi tous les souvenirs
Ceux de l'enfance sont les pires
Ceux de l'enfance nous déchirent
Vous, ma très chérie, ô ma mère,
Où êtez-vous donc, aujourd'hui
Vous dormez au chaud de la terre
Et moi, je suis venue ici
Pour y retrouver votre rire,
Vos colères et votre jeunesse
Mais je suis seule avec ma détresse
Hélas

Pourquoi suis-je donc revenue
Et seule, au détour de ses rues,
J'ai froid, j'ai peur, le soir se penche
Pourquoi suis-je venue ici
Où mon passé me crucifie
Elle dort à jamais mon enfance...

Mardi 5 mai 2009 à 8:20

( Chanson du spectacle de Lily passion )



< Tire pas >

 
Tire pas  ( Barbara/Barbara/R.Romanelli )  ( 1986 )
 
Tire pas
Tire pas
La vie c'est pas cinéma
Joue pas
Pose ça
On perd sa vie à ces jeux là
Tire pas
Ce n's'ra pas
Ciné-cinéma
C'est suffisant qu'tu sois perdant
Sois pas méchant
Reste vivant
P'tit voleur
Au grand cœur
Ils t'auront
Ils tireront
Ils diront qu't'avais tort,
Qu'c'est toi qu'as tiré d'abord
T'as volé
Ça c'est pas grave
Mais tire pas

Surtout tire pas
Non tire pas
Derrière les barreaux
Un héros
C'est zéro
Allez donne
Donne moi ça
Donne ça
Ce ne sera pas ciné-cinéma
Pour la bagarre
Faut-être une star
Ou t'es foutu
Pour le salut
P'tit voyou de quatre sous
Ils tireront
Ils t'auront
Ils diront qu't'avais tort

Tire pas
Tire-pas
La vie c'est pas cinéma
Pose ça
Joue-pas
On perd sa vie à ces jeux là
Tire pas
Rends-toi
Ce n'sera pas ciné-cinéma
Pour la bagarre
Faut être une star
Où t'es foutu
Pour ton salut
Petit voleur
Tu fais peur
Ils tireront
Ils t'auront
Ils diront qu't'avais tort
Que tu as tiré d'abord
T'as volé ça
C'est pas grave ça
Pose ça surtout

Tire pas non
Tire pas
Derrière les barreaux
Un héros c'est zéro
Allez donne-moi ça
On n'est pas ciné-cinéma
C'est suffisant que tu sois perdant
Sois pas méchant reste vivant
Y a les flics et la clique
Y a sunlights in the night
Y a voisins copains
Partout partout
T'es piegé dans ta rue
Y a tes frères et ton père
Figés là figés
Mais tu veux quoi ?
Mourir là
Chiffon sous néon ?
Tire pas
 ça s'arrangera
Pose ça rends-toi
Ou t'es foutu
Non...

Lundi 4 mai 2009 à 8:54

http://mybabou.cowblog.fr/images/oopp.jpg

Croquis de Luc Simon

Barbara s'était installée dans cette principauté musicale au début du mois d'août 1996 pour y vivre pendant deux mois et demi, coupée du monde en marche, du monde souffrant que, d'ordinaire, elle ne laissait jamais de vouloir réconforter. Elle avait quitté son jardin de Précy quand les pivoines irradiaient, la glycine riait, le tilleul embaumait, à l'heure voluptueuse où les chats faisaient la sieste sur la pierre chaude. En fait de bagages, elle avait emporté son rocking-chair, son piano à queue, ses châles noirs, ses ballerines et son thermos pour la chicorée quotidienne à laquelle, jadis, André Schlesser, alias " Le gitan " l'avait initiée à l'Ecluse. Car elle buvait n'importe quoi. Je le lui disait. Elle riait de son mauvais goût. " Tu comprends, m'avait-elle alors avoué comme pour excuser son intransigeance, ce disque, c'est mon dernier enfant, mon dernier cri. "  Elle venait d'avoir soixante-six ans et, caressant son ventre, mimait en grimaçant la parturiente : " J'avais oublié l'angoisse joyeuse de la maternité musicale. "  Car, sauf pour mixer ses enregistrements live entre deux tours de chant, elle n'était plus retournée en studio depuis son album Seule, en 1981. Quinze années de scènes, de tournées, de stress, de trac, le corps qui danse de ville en ville, qui s'offre de foule en foule, la voix qui vibre dans l'ait pur, pas le temps de s'arrêter, pas l'envie de se cloîtrer pour être gravée sur un disque, entrer en studio, créer sans public, c'était donc, pour elle, l'antichambre de la mort. Barbara savait bien qu'à Suresnes, en cet automne trop chargé de souvenirs, menacé par l'orage, elle chantait une manière de testament. 8 octobre 1996 : au bout de la route. Quatre semaines avaient passé. Comme d'habitude, je guettais ses imprévisibles commandements. Coup de téléphone, un matin. " Viens, s'il te plaît ! "  J'accourus. A l'entrée du studio, elle me fit remettre une lettre sans ponctuation : " Cher toi Ecoute je suis très heureuse de te voir parlons nous très doucement j'ai du mal à sortir de ma bulle j'Arrive "  Je patientai dans l'entrée. Je savais que le mixage touchait à sa fin et que cela tenait, une fois encore, du miracle. Quelques jours plus tôt, en effet, Barbara avait dû être hospitalisé en urgence. On lui avait porté les dernières cassettes à la clinique, où elle écoutait sous perfusion, les corrigeait au scalpel. Ce fut un combat de chaque instant, qu'elle mena, comme toujours, tête haute, foudroyant d'un regard d'acier son ennemi intérieur. La lutte finale. Et puis, les médecins la laissèrent revenir en studio. Glissant vers moi sur le parquet blond avec une allégresse de rescapée, " Ca y est, c'est fini ! Ce disque-là, c'est du bonheur. Erreur ou pas, c'est ca que je voulais, c'est exact, oui c'est exact. On m'a tout donné pour que j'y arrive, on a accepté mes exigences, je ne peux m'en prendre qu'à moi-même. Ce disque, je voulais qu'il me ressemble, avec seulement le temps qui a avancé sans me changer. Quand je l'écoute, je pense que je suis OK avec cette femme-là, que je n'ai pas honte, je n'ai honte que de la misère, du malheur, de la souffrance et de l'exclusion. "  Et soudain, murmurante, mais sans amertume : " Je sais bien que je suis au bout de la route, mais ça n'est pas triste, c'est même plutôt joli. Car plus le temps passe, plus je me sens libre. Tiens, je vais chanter pour toi tout seul. "  Jamais je n'oublierai cet instant-là, ce temps suspendu. Elle se dirigea vers le piano, ses yeux fixèrent les miens comme une voyageuse poursuivant du regard l'ombre qui s'éloigne sur le quai, ses doigts caressèrent tendrement le clavier et sa voix, cette voix qui venait de tout son corps, pas de la gorge, donna aux mots simples que Guillaume Depardieu avait écrits pour elle une sereine grandeur. A force de... Le 11 octobre, elle quittait sa " Bulle " pour toujours. Elle retrouva son jardin de Précy dans l'éclat roussâtre de l'automne, sa maison dans le tranquille épuisement du travail accompli, et puis elle accompagna son disque jusqu'à la gravure. Il sortit le 6 novembre. Une date qui lui tenait à cœur, une date inscrite dans le carrare des sentiments éternels. C'était le jour de la mort de sa mère. Le jour aussi où, trois ans plus tôt, elle était montée, une dernière fois au Châtelet pour chanter son credo, son espérance et notre reconnaissance : Le jours se lève encore. Trois cent soixante-dix-sept aubes plus tard, sans avoir pris la peine de vieillir, soucieuse que jamais on ne la vît  " fanée sous sa dentelle "  Barbara s'éteignit dans un hôpital de Neuilly. Elle repose dans le cimetière de Bagneux, tout près de celle dont elle ne fit jamais le deuil, qu'elle avait tant aimée, qui seule avait sécher ses larmes et recueillir, du bout des doigts très fin, son désespoir d'enfant, sa grand-mère, " Granny " Certaines nuits, il paraît même qu'on entend monter des tombes et les cippes du carré juif les notes réconfortantes d'une berceuse russe et que plane, avant l'aube, un léger parfum de strudel aux pommes, parfum de bonheur sauvé du désastre.
 
Jerôme Garcin  ( journaliste )

Vendredi 1er mai 2009 à 8:31


 
<  Medley  >

Je vous souhaite un très bon 1er mai.
Du bonheur, du bonheur et encore du bonheur !

Jeudi 30 avril 2009 à 9:41

http://mybabou.cowblog.fr/images/bn.jpg


Croquis de Luc Simon

Quand nous sommes arrivés chez elle pour les premières répétitions, raconte Gérard Daguerre, nous n'avons pratiquement pas joué, nous avons beaucoup parlé ; elle m'a laissé tout seul dans cette grande maison pour voir comment j'évoluais, c'était très particulier, je suis resté quatre jours avec elle. Elle était insomniaque. Il nous arrivait de faire de la musique jusqu'à quatre, cinq heures du matin, sans partition ; elle me disait " Faites ce que vous voulez jouer " ; elle jouait du piano. C'était hallucinant, c'était un souvenir incroyable, cette femme qui jouait pour moi seul. Tout cela est très difficile à expliquer, je ne savais pas encore si nous pourrions travailler ensemble. Elle savait comment je jouais du piano, ce n'était ni un problème de note ni de musique, c'était uniquement un problème de vivre ensemble et cela pour elle était primordial... On ne travaille pas, ce n'est jamais un travail, c'est un plaisir ; si ce n'est pas un plaisir, on s'en va. (...) C'est quelque chose d'inouï, car personne ne travaille comme elle. Elle demandait beaucoup aux musiciens, je me souviens qu'avec Roland Romanelli il était fréquent que l'on travaille jusqu'à cinq heures du matin, c'est épuisant. D'autres s'y sont essayés avant moi et n'ont pas résisté. (...) Je pense qu'elle lisait très peu la musique, elle arrivait à déchiffrer une ligne mélodique mais elle ne pouvait pas écrire la musique... Elle me chantait par exemple " tiens le violon il va faire loulouloulou. " et puis moi j'écrivais ce que j'entendais, ce qu'elle me chantait donc ; on faisait ça des journées entières. La fois où elle m'a le plus sidéré, c'est quand on a fait son dernier disque et qu'on a enregistré " Femme piano ", elle a voulu faire le mixe et je dois dire que je ne n'étais pas tout à fait d'accord avec son mixe parce qu'il y avait beaucoup de choses qu'on n'entendait pas, des choses magnifiques et c'était dommage parce que ces choses-là, c'était elle qui me les dictait par téléphone, le violon va faire ça, la trompette va faire ça et moi au bout d'un moment je me disais ça va faire une cacophonie incroyable ! Et quand tout ça s'est mis en route, c'était super. D'ailleurs je lui ai dit " Mais vous vous rendez compte de ce que vous avez fait là c'est inouï, c'est incroyable. " (...) Elle m'a dérangé une seule fois un jour férié en m'appelant chez moi, parce qu'il y avait un accord qu'elle ne trouvait pas. " Il faut que tu viennes immédiatement je ne trouve pas l'accord ", elle cherchait un truc, un accord, elle ne le trouvait pas, elle était sur son piano, elle tapait sans arrêt, elle n'y arrivait pas ; je suis arrivé chez elle ça a duré trois secondes parce que cet accord pour moi c'était évident, je savais ce qu'elle voulait alors je lui ai dit : c'est ça Barbara, vous voyez, je servais à ça en fait... C'était des renversements, des choses comme ça, on était arrivés tous les deux à une complicité incroyable. On avait plus besoin de parler, je savais ce qu'elle voulait, c'était formidable... L'exigence qu'elle s'imposait dans son travail, je la vivais comme elle en fait, parce que si on n'était pas dans son sillage, ça ne marchait pas, aucune concession n'était possible, pour faire un spectacle avec elle, on répétait six mois et je savais très bien que pendant six mois je ne pouvais rien faire d'autre. Le lendemain d'une répétition, lorsque j'arrivais, elle me disait souvent : " Ce qu'on a fait hier ça va pas du tout " , c'était pratiquement tous les jours... Et on recommençait à l'infini. Ca s'arrangeait quand on commençait à jouer sur scène ; là, c'était fini mais quelques jours avant ça continuait : il y avait un doute permanent sur beaucoup de choses et moi je trouvais cela extraordinaire ; ça peut paraître un travail pénible, mais pas avec elle (...), elle avait cette façon de le faire, je savais qu'elle avait raison, elle savait ce qu'elle voulait... Sur scène, on était trois souvent avec Mahut, Sergio ou Azzola, avant de jouer je parlais tout le temps avec Barbara, suivant la conversation que j'avais avec elle ou l'état où elle se trouvait je faisais jouer les musiciens différemment. Parce qu'on jouait jamais deux soirs pareil, c'était ce que disait Mahut, j'ai toujours réussi à rendre " carrées " les chansons qui ne l'étaient pas, on était arrivés à quelque chose d'incroyable ! Pour moi, ça va au-delà de la musique. Ca peut se rencontrer dans le jazz, en musique classique, mais c'est rare. (...) Dès que je la voyais se mettre au piano, même si elle ne chantait pas, qu'elle jouait comme ça, c'était Barbara, c'était incroyable ! Pas des problèmes de vélocité, c'est pas ça la musique, c'est pas des notes, comme elle le disait souvent, c'est pas de faire des notes, faire des notes c'est pas difficile, faut travailler, travailler, mais faire des belles notes, peu, ça c'est difficile, (...) Quelle que soit la musique que j'aborde, (...), je l'aborde dans cet esprit-là. Je vais à l'essentiel de la musique, dans la beauté des gens. (...) C'est inouï de penser que sa rencontre a non seulement transformé ma musique, mais aussi ma vie ; quand on croise quelqu'un comme Barbara et que l'on vit avec elle pendant des années, vous ne pouvez pas sortir indemne. C'est impossible.
 
Gérard Daguerre ( accompagnateur depuis Pantin 81 )

Mercredi 29 avril 2009 à 8:47



<  Le testament  >



Le testament   ( Barbara/Barbara )   ( 1968 )



Je soussignée une telle qui suis saine d'esprit
Qui suis folle de toi et ne s'en remets pas
Je te lègue aujourd'hui en ce doux soir de mai
Où j'en ai plus qu'assez tout ce qui est fini
Je n'aurais jamais pensé qu'il suffirait d'une année
Et pas davantage
Pour pouvoir, ô mon amour, amasser un tel héritage
Comme je n'espérais plus
Voilà que tu es venu
Ô toi ma tendresse
Tu es descendu des nues
Pareille au petit Jésus
Ce fut ma richesse
A bouche à bouche ta bouche
Tu as partagé ma couche
Nuits enchanteresses
Notre amour larguait ses voiles
Sous un ciel troué d'étoiles
La chaude paresse
L'orage éclata soudain
Nous laissant un ciel chagrin
Et l'humeur chagrine
Notre amour battit de l'aile
Et s'enfuit à tire d'ailes
Comme l'hirondelle
Ah je te veux, je veux plus
Ah, dis, pourquoi souris-tu
Je te veux entière
Ah où vas-tu et pourquoi
D'où viens-tu, réponds-moi
J'étais chez ma mère
Les dimanches en famille
Les jeudis avec ta fille
Ta chère petite
Et le reste merci bien
Un drame pour les presque rien
Il faut qu'on se quitte
Je sais, je n'ai, trois fois non,
Non rien du boeuf mironton
Tout comme on l'appelle
Je reconnais, pourquoi pas
Que dans la vie je ne suis pas
Un cadeau du ciel
Et j'ai eu lorsqu'on y pense
Pour nous deux tant d'impatience
De tendres patiences,
Qu'aujourd'hui je n'en peux plus
Et puis hélas ai rompu
C'est la délivrance
Tous nos souvenirs d'amour
Amassés au jour le jour
A toi sans partage
Tu voulais tout
Garde tout...
Tu pourras faire de nous
Un livre d'images
Marrakech, Londres et Capri
Puis clandestins dans Paris
Que de paysages
Et creusée au chaud du lit
L'empreinte de nos corps unisC'est ton héritage

Je soussignée une telle encore saine d'esprit
Toujours folle de toi qui ne s'en remet pas
Je te lègue aujourd'hui en ce doux soir de mai
Où j'en ai plus qu'assez, tout ce qui est fini
Où j'en ai plus qu'assez, tout ce qui s'est passé

<< Page précédente | 8 | 9 | 10 | 11 | 12 | 13 | 14 | 15 | 16 | 17 | Page suivante >>

Créer un podcast