La scène, le public, une histoire d'amour partagée, une passion magnifique.
Des artistes entrent sur scène. Barbara, elle, apparaît. Pour des milliers de gens et pour soi seul quand, sur quelques notes de " Pierre " elle met le pied dans la lumière. Dans ce halo, lentement elle avance. Elle pose une main sur son compagnon fidèle, le piano. C'est rassurant de pouvoir toucher l'instrument de bois noir. Le piano, c'est un peu elle aussi, un autre double. Celui qui accouche les sons et les mots qui donneront naissance à ses chansons. A cet instant-là où les projecteurs sont braqués sur elle, la salle est une immense nuée blanche applaudissante dont elle sent les vibrations. L'entrée en scène est un étrange moment de fulgurance. En un instant, l'angoisse et la peur s'évanouissent et se transforment en une puissante énergie permettant de ne plus être sur la défensive et de donner. Barbara ne chante pas pour elle. Elle ne se regarde pas chanter. Elle est là pour le public qui sait qu'elle chante pour lui. La salle est ce miroir à deux faces où se répondent les chapitres d'une histoire partagée. Sur la scène de Mogador, un soir de mars 1990, s'adressant au public, elle livrera cette émouvante confidence : " Pendant quarante ans de ma vie de femme qui chante vous avez suivi et précédé tous mes chemins, sur toutes les routes, des cabarets aux théâtres, en passant par les chapiteaux, en attendant mes absences, en vivant mes colères, en étant là au retour, toujours. Vous avez toujours été là, je vous ai emportés partout. Et vous avez fait des fêtes fantastiques. Et moi de mon côté, c'était inexplicable. Quand on me demandait d'expliquer cette chose extraordinaire qui existait entre vous et moi. Je n'ai jamais pu parce qu'elle est inexplicable. Il faut être là. " Racontez-moi... " Il n'y à rien à raconter. C'est une chose impalpable. C'est un secret, un secret entre vous et moi. Et personne... je ne pouvais pas traduire cette chose-là, elle est intraduisible pour moi. Elle sera intraduisible jusqu'au dernier instant où je chanterai. Parce que c'est une chose comme ça, exceptionnelle, rare. Ce n'est pas une chose comme on dit, mystique, femme en noir, la messe... Ce n'est pas ça du tout ! C'est une histoire d'amour magnifique, c'est une passion magnifique. " Le rapport que Barbara entretient avec son public a quelque chose d'instinctif, d'intuitif ayant pour élément fondateur et fédérateur l'amour, ce sentiment aussi mystérieux qu'irrationnel. Un public intergénérationnel et qui, tout au long de sa carrière, sera composé de jeunes qui ont souvent perdu leurs repères. Elle les écoute. Elle les entend ses fragiles, comme elle les appelle. Elle les connaît, les reconnaît. Ils vont sur la même route, ils partagent le même destin. A sa façon, elle leur tient la main. Elle incarne l'espoir pour tous ceux qui se reconnaissent dans ses chansons. Elle est un avenir. Une compagne de solitude quand tout va mal mais aussi une infinie présence dans la joie. Quand ils peuvent de nouveau regarder droit devant eux, ils ne l'oublient pas. Cette affinité crée entre eux des liens tout aussi imperceptibles qu'indestructibles. Quand ils peuvent enfin mettre des mots sur leur peine, qu'ils peuvent comprendre, parfois expliquer ce qui a pu se passer, ce qui est arrivé, le fond, le trou noir, l'envie de plus rien, ils mettent un visage, une voix sur celle qui leur a donné de la chaleur, du réconfort. Un peu d'horizon quand la vie n'était plus qu'un mirage, une ombre instinctive, quelque chose sans attrait que Barbara venait arracher du néant. Ils lui disent :
" Vous êtes la première voix que je veux entendre à mon réveil. "
" Vous avez lu dans mon cœur ces pensées si sombres qui m'envahissaient. "
" Avec vos mots et votre musique vous avez donné de la légèreté à mes maux. "
" Je vais de mieux en mieux. "
" Je revois du bleu."
" Je vais vers le soleil. "
" Je vais vers le soleil. "
" C'est un peu comme si un hiver éternel allait s'achever. "
" J'ai envie de rire parfois. "
Ils lui disent encore :
" Je ne sais pas exprimer les choses comme vous le faites mais je voulais vous le dire, comme cela, simplement : Merci. "
Didier Millot
Enfin, le mieux est de ne pas y penser...
Ce témoignage est sublime... Je dois
avoir en cd le disque de Mogador...
Bises & bon après-midi !!