Trois ans plus tard, un matin d'avril 1993. " Allô, Alice ? C'est Barbara. Excuse-moi de ne pas t'avoir appelée plus tôt mais j'ai eu beaucoup de travail et quelques petits soucis de santé, aussi, qui m'ont obligée à reporter mon spectacle du Châtelet à la rentrée de novembre. Mais tout cela est passé et tout est en ordre maintenant... " Je n'ose pas lui poser de questions pour avoir plus de détails sur son état de santé, puisque l'allusion qu'elle vient d'y faire n'appelle pas de demande de supplément d'information. " Je t'avais proposé de venir voir tes petits et j'aimerais vraiment le faire, alors si tu penses que ça peut toujours les intéresser... " Il y a des moments où l'on n'ose plus penser à quoi que ce soit, et je m'entends bredouiller un banal : " Bien sûr... " , avant qu'elle poursuive. " Dis-moi, mon Alice, c'est quand, la dernière date des cours ? " Vite le calepin ! " C'est le vendredi 2 juillet... " Ok donc, on va s'adapter ! " Alors c'est parfait, je viens le 2, d'accord ? Tu me rappelles quelques jours avant pour que nous convenions de l'heure et que tu me donnes l'adresse et tout... Je me réjouis à l'avance, mon Alice. Je t'embrasse et je t'aime fort ! " Oui, évidemment, c'est aussi simple que ça avec Barbara ! Moi aussi, je l'aime fort, bien qu'on ne se connaisse que depuis peu, et encore mal, mais je n'oserai ni ne saurai jamais comment le lui dire... En attendant, me voici avec un bel engagement à respecter sur les bras ! Comment recevoir dignement Barbara ? Une femme rare, que nul ne voit jamais autrement que sur scène, et encore ! Je suis certaine que la moitié des élèves ne connaissent d'elle que L'Aigle noir. Trouvez le " truc en plus " qui fera de ce dernier jour de cours de la session 92-93 un des plus beaux derniers jours que nous ayons vécus au sein des SAD. 14 heures ( précises ) On a frappé à la porte du bureau. Avec le cœur qui bat dans tous les sens, j'ouvre à Barbara, qui déploie de ses long bras les ailes de son grand châle noir pour m'envelopper et m'embrasser. " Quel bonheur, mon Alice... Ils ont l'air adorables, tes petits... " Comment ça, " Ils ont l'air adorables, mes petits ? " Elle ne les a même pas encore vus ! Devant mon air dubitatif, et après que je l'ai invitée à s'asseoir, Barbara s'explique et se confond en excuses, en se pelotonnant dans le grand fauteuil noir. " J'espère que tu ne m'en voudras pas... Je suis arrivée avec mon chauffeur vers 12h30. Je lui ai demandé de stationner à bonne distance pour qu'on ne nous repère pas ; j'ai regardé " tes petits " sortir pour aller au bistrot d'en face par petits groupes. J'en ai même aperçu une géniale, avec son walkman sur les oreilles, qui dansait et chantait en traversant la rue, très gaie, très joyeuse, formidable. Ils ont l'air bien, ces enfants. " J'explique à Barbara le scénario de l'après-midi, en lui précisant que, à 14H30 pétante, elle devra se poster derrière la porte de la cour jusqu'à ce qu'elle entende de la musique, puis entrer en faisant attention au fait que la scène sera ensuite dans le noir total. Sentant sur moi un regard inquiet, je tente de la rassurer en ajoutant : " Je t'attendrai juste au pied de l'escalier de la scène pour t'accompagner au fond de la salle, là où j'ai placé deux sièges vides avec deux micros pour le débat... " - " Bien, bien ! tout ça me semble peut-être un peu trop, non ? Mais si tu as prévu les choses ainsi, je te fais confiance. Dis-moi, surtout tu ne me laisses pas seule dehors trop longtemps, n'est-ce pas ? " Mais, non, bien sûr ! " Alors, d'accord ! On y va, mon Alice ?... dit-elle en se déployant de son siège. Ah ! j'oubliais, juste une petite chose... Sois gentille de me prévenir dès qu'il sera 17 heures, j'ai de la route ensuite, et je ne voudrais pas rentrer trop tard à Précy... Et puis-je utiliser tes toilettes avant ? " Mais bien sur ! Où avais-je la tête ? Il est vrai que même lorsqu'on s'appelle Barbara, on va aux toilettes ! Comme tout le monde !
Extrait du livre