Je m'autorise malgré tout, certains soirs, à assister aux concerts des artistes que j'aime. Or ce soir-là, il n'est pas question pour moi de manquer le récital de Barbara à Mogador. La plus belle leçon qui soit d'échange d'émotions, de générosité et d'amour entre le public et la grande dame brune. Depuis un enregistrement mémorable au début des années 80 avec vingt-six chanteuses d'un titre écrit en collaboration avec Claude Lemestre au profit des femmes d'Afrique ( La chanson de la vie ), j'ai aimé ce contact qu'on a gardé, Barbara et moi, à travers les faxs que nous échangeons périodiquement pour nous donner des nouvelles de l'instant. Et Barbara adore les choses d'un instant ! Coups de blues, grandes joies, quelques mots suffisent pour conserver le lien affectueux qui nous unit, même à distance, même rarement. Il m'apparaît donc tout à fait normal d'aller, ce soir là, la féliciter dans sa loge à Mogador, chose que je n'aurais jamais osé faire avant de la connaître personnellement, comme c'est le cas avec quelques rares chanteurs. Dans l'entrebâillement de la porte, j'aperçois alors Barbara, affalée dans son fauteuil, le visage encore tout ruisselant de la performance accomplie. Elle se lève d'un bond en découvrant ma présence et me tend les bras pour m'envelopper chaleureusement. " Ah, mon Alice ! ça me fait tellement plaisir que tu sois venue. Alors ?... Tu as aimé ? " Ca, c'est la question qui tue ! Comment trouver les mots quand on vient d'être, comme moi, submergée par l'émotion du début à la fin du spectacle ? Je ne peux que me blottir fort dans les grands bras qui m'entourent et l'embrasser tendrement en ponctuant l'étreinte d'un : " Merci " Tout court ! Mais voilà notre Barbara qui s'emballe soudain. " Alors, Alice ! Comment va ton école ? C'est une idée formidable que tu as eue là. J'aimerais bien venir voir tes petits. J'aurais plein de choses à leur dire, car je sais que ça ne doit pas être facile pour eux tous les jours. Alors, je te propose un truc : je fini Mogador, après je pars en tournée, je m'occupe un peu de mon jardin et je me terre à Précy pour écrire un peu pendant l'été... Bref, je t'appelle après tout ça et, si ça te dit, on prend date ! " Autant demander à un aveugle s'il aimerai voir, ma chère " Babou " ! Mais bien sûr que ça me dit ! Dimanche ou lundi aussi, si tu veux ! Ne t'inquiète pas, nous saurons attendre, et on fait ça quand tu peux, quand tu veux. Les mômes seront aux anges. En même temps que je lui réponds, je n'y crois pas trop... Et pourtant...
Extrait du livre