Les disques de Barbara, c'est la maison de famille où l'on finit toujours par retourner, à l'occasion d'une disparition ou d'une naissance, et l'émotion est plus forte encore de fouler le vieux gravier, de découvrir que les volets se sont décolorés, que le lierre a conquis la pierre et mangé le toit de tuiles grises, que l'arbre centenaire est tombé, que le chenil est vide où la grille a rouillé, qu'il y a des trous dans le tissu à fleurs des fauteuils, de la poussière mauve sur les photos de famille où les poilus font les fiers, pauvres aïeux, avant de monter au front d'où ils ne reviendront jamais. Et, dans le grand miroir moucheté où, autrefois, l'on faisait des grimaces, on observe soudain nos pattes-d'oie, les premiers cheveux blancs et, plus bas, à la hauteur de l'épaule, les visages de nos enfants, presque des adultes. Et puis, un jour de 1990, j'ai rencontré par hasard Barbara. Nous sommes devenus des amis. Elle m'a ouvert les portes de Précy et de ses loges. Elle a couvert mon fils aîné de cadeaux. Elle ne ressemblait guère à ses chansons. Elle ne se ressemblait pas. Je l'imaginais ténébreuse, elle était très drôle. je la croyais désabusée, c'était plutôt une désespérée contrariée. Sa conversation était trépidante, provocante, coruscante. J'aimais ses coups de téléphone matinaux, son affection intempestive, ses tutoiements où entraient de la tendresse et du comminatoire. Je détestais, après une suite d'appels en rafale, parfois quotidiens, ses longs silences -- affreuses machines à fabriquer de l'inquiétude et de la rumeur -- que rien, ni mes lettres ni mes messages sur son répondeur, ne pouvait briser. Et puis elle réapparaissait sans prévenir, vive, moqueuse, impertinente, éludait aussitôt les questions sur son mutisme, sur sa santé, en rajoutait dans l'euphorie, riait aux éclats, exigeait des nouvelles de ma femme, des enfants, des chevaux, de la Normandie où elle promettait sans cesse de venir promener ses chiens et poursuivre l'obsédante chimère d'une famille unie, mais elle ne venait pas et s'excusait, par téléphone, au dernier moment.
" Tu sais, je suis fatiguée, je ne bouge guère. Une autre fois... Embrasse la smala ! "
Jérôme Garcin ( Journaliste )
J'aime les adjectifs qui la qualifient " une désespérée contrariée"
J'aime aussi sa discrétion, donnant de l'amour et s'éclipsant...
Une nouvelle journée de stress pour vous deux!
J'espère que cela a été bien pour la petite!
Gros bisous de Moi à toi
Pascale