En janvier 1971, Barbara retrouve Jacques Brel dans un restaurant où la blanche se boit à la pression. Comme à chaque fois qu'il déjeune avec elle, il commande pour deux beaucoup trop de plats dont ils ne mangeront que la moitié. Il se souvient encore, lorsqu'il la connut en Belgique dans les années cinquante, qu'elle s'était évanouie d'inanition avant d'entrer en scène. depuis, il redoutait toujours qu'elle ne se nourrisse pas, bien que sa période de femme-squelette ne soit plus qu'un souvenir. " Il voulait que je mange comme si, seule, je me laissais mourir de faim. " Son admiration pour le Grand Jacques date de Bruxelles et de Charleroi lorsqu'il était encore peu connu, mais c'est en France, dix ans plus tard quand elle chantait à L'Écluse, que leur amitié - mais étais-ce de l'amitié ? - se concrétisa. On ne saura véritablement jamais ce qu'il en fut et si l'un de deux tenta de franchir cette frontière difficile à défendre. Elle disait : " c'est mon jumeau. " Il disait : " c'est ma soeur. " Ils étaient frères et soeurs jumeaux. lorsqu'ils étaient ensemble, c'était toujours des retrouvailles, même s'ils s'étaient quittés la veille. On dira qu'il était impossible que Jacques que l'on prétendait misogyne puisse passer une seule nuit avec cette mante religieuse. On dira également qu'il n'aimait pas les belles femmes de peur de les perdre, mais les dernières années de sa vie, il les partagea avec une authentique beauté. On ne saura donc jamais ce qu'il en fut entre elle et lui, sinon qu'ils recherchèrent tous deux la reconnaissance des inconnus et qu'ils payèrent cher le tribut à la gloire. Triomphants et fragiles, Jacques et Barbara s'aimèrent comme des barres parallèles proches et lointaines, sans jamais cesser d'avancer, de s'aimer, ni de pouvoir se rejoindre.
J'aime beaucoup ces chansons à ce monsieur !