Ils ne se voyaient pas souvent mais s'appelaient et chacun savait de l'autre où il était, où il chantait, comment allait sa vie. Entre eux, depuis longtemps, s'était une drôle d'histoire d'amour. Ils s'étaient peut-être connus en Belgique, en tout cas retrouvés à Paris, bien avant le succès. Elle n'en parlait pas. Elle a toujours refusé de répondre aux questions, avant et après la mort de Jacques " On ne peut pas parler de lui, de même qu'on ne peut pas exprimer l'amour " De son côté, Brel disait : " On est amoureux, comme ça, depuis longtemps " Pour eux l'évidence était de s'aimer " comme ça " sans chercher à savoir pourquoi, chacun se sentant peut-être de l'autre le jumeau inséparable qu'il aurait perdu dans une tourmente, un sort fatal les empêchant à jamais de se réunir. Ils se ressemblaient en secret. Nous ne sauront jamais à quel point. Que ce soit dans la vie ou dans les chansons, on cherchera en vain une allusion à leur " amour " Barbara n'est pas la femme ni même une femme dans les chansons de Brel. Il n'est pas l'homme de ses chansons. Ils eurent pourtant la volonté de partager un travail, une tranche de vie. Ce fut le film Franz, en 1971. Brel disait : " Franz, c'est une histoire d'amour médiocre, entre un gars et une fille au physique médiocre, à l'intelligence limitée, et qui ne sont pas à la hauteur de leurs rêves. " Un beau film qui n'eut pas un grand succès et c'est dommage. Il laissera à la postérité le portrait d'un couple bizarre et impossible, émouvant et pathétique. Le seul témoignage d'une rencontre unique. Le 9 octobre 1978, le rêveur des Marquises embarquera pour son dernier voyage, si jeune, à peine cinquante ans. Elle sera là pour lui dire adieu et le laissera voguer douze ans et " longer les mers et traverser les dunes " avant de lui adresser, de Mogador 1990, une longue lettre sans rimes en guise de chanson " Gauguin " Une merveilleuse " cantate " où revient la pluie du deuil mais sous d'autres cieux.
Il pleut sur l'île d'Hiva-Oa.
Le vent, sur les longs arbres verts
Jette des sables d'ocre mouillés.
Il pleut sur un ciel de corail
Comme une pluie venue du Nord
Qui délave les ocres rouges
Et les bleus-violets de Gauguin.
Il pleut...
Et je sais pourquoi ;)
Tendres bisous ma puce !