( Suite le l'article de Télérama )
En 1950, au Cheval Blanc de Bruxelles, elle est caissière, vendeuse de Coca -- et chanteuse, enfin. Elle interprète, en s'accompagnant ( " très mal " ) A l'enseigne de la fille sans coeur, Madame Arthur ...; enregistre un 45 tours, sans écho. Les jours sont difficiles. " Mais j'ai eu de belles rencontres, des gens qui m'ont portée. Y compris des gens du milieu. Il y a eu ce monsieur Victor, qui m'a ramenée de Belgique en auto-stop. En fait c'était un mac, il voulait me mettre au travail à La Villette, et devant mon refus il m'a offert du muguet. J'en ai fait une chanson... J'ai frôlé des situations dangereuses, j'étais inconsciente, et rien ne m'arrivait : j'allais mon chemin, j'aurais défoncé les murs, ma vie c'était chanter. " Elle chante. A l'Ecluse. Une semaine d'abord, puis six ans, de 1958 à 1964. " Chanteuse de minuit " elle interprète Mac Orlan; Ferré, Brel, Brassens. " J'étais face au mur, où le piano était fixé. Je ne voyais pas les gens, ne serait-ce que parce que je suis très myope, mais je les entendais : " Ah ! qu'elle est laide ! " Nous étions soixante-dix, en comptant les spectateurs debout, et la chanteuse. " Barbara dira souvent que c'est le public de l'Ecluse qui l'a menée au chapiteau de Pantin. En passant par Bobino, où la fit venir Brassens, où elle revint avec Bedos. En passant par Discorama, l'émission où Denise Glaser lui inventait des sorties de disques pour la faire connaître, reconnaître. En passant par l'Olympia, où Moustaki fit d'elle La dame brune. En passant par des films : Franz, de et avec Brel, L'oiseau rare, de Brialy... 1981. Pantin. Immense, comme le public qui l'accueille. " Pantin espoir, Pantin bonheur, / Oh ! qu'est-ce que vous m'avez fait là ... " Elle a reçu là ce qu'elle n'a jamais cessé de donner. " Elle a tout donné, elle donnait tout " dit une amie qui l'a connue au cabaret de ses débuts, a travaillé avec elle ensuite. " Elle exerçait déjà une fascination totale sur son entourage, public, artistes. C'était un monstre, au sens exceptionnel du terme : une ogresse affective, une généreuse sans limites, une attentive rare. Sa Petite Cantate, elle l'a écrite en mémoire de la pianiste de l'Ecluse disparue dans un accident. Toutes ses plus belles chansons étaient des histoires vrais. " -- " Ma plus belle histoire d'amour, c'est vous " est une histoire vraie. Elle l'a chantée pour la première fois le 15 septembre, à Bobino, en 1965. " Quelle fut longue la route... " La route est passée par Göttingen aux enfants blonds, par Nantes où mourut son père, Göttigen, Nantes : des chansons signées d'elle. " Jusqu'à l'âge de 30 ans j'ai chanté, sans écrire, un tas de gens que j'aimais. Et puis le jour où j'ai eu envie de parler comme une femme, j'ai écris Dis, quand reviendras-tu ? que je n'ai pas avouée pendant longtemps... Je crois être plus une femme qui chante qu'une femme qui écrit. Il se trouve qu'en plus, je n'ai pas d'imagination. Je n'ai que ma vie et les choses qui m'ont bouleversée. J'ai fais de la chanson engagée, engagée d'amour. Il y a un enfant qui meurt à chaque seconde. On sait ce qu'on sait et puis tout ce qu'on ne sais pas d'horreurs. C'est difficile : on a honte d'exister dans ce monde. Alors il vaut mieux se faire tout petit. Je pense que j'ai un grand privilège de faire ce que j'aime, comme j'aime. Dans ma vie de femme, j'ai certainement fait beaucoup de choses dont j'ai honte, comme tout le monde; mais dans ma vie de femme qui chante, je ne crois pas en avoir fait beaucoup. Je veux bien ne pas être belle, tant pis, mais je veux pouvoir me regarder dans une glace.
( La suite demain )
Deux voix tellement différentes, deux styles qui sembleraient ne pas s'accorder, et pourtant, un chef d'oeuvre pour moi ...