Superbe déchirure
En 1986, l'écoute attentive tout au long de " Lily Passion " se solde par une explosion d'applaudissements et de rappels à n'en plus finir. Tonnerre de " bravos " et de " mercis " encore au châtelet et à Mogador. Ces dernières années, l'ambiance était si surchauffée que les récitals de Barbara prenaient des allures de concert rock. Des milliers de personnes à se précipiter au pied de la scène, à l'appeler, crier son nom ou reprendre ses textes. Avec elle, " les rappels commençaient dès la la troisième chanson " écrit très justement libération au lendemein de sa mort. Et ils étaient encore très nombreux, dans la salle, une fois les lumières rallumées, à attendre qu'elle revienne. Une demi-heure, parfois près de trois quarts d'heures, après le salut final. Il suffisait que l'un d'eux donne le signal, pour qu'ils soient des centaines à entonner les classiques : " dis, quand reviendras-tu ?... Quelquefois, elle revenait. On la voyait, chaussée de ses grosses lunettes de myope, écarter le rideau, regarder intensément ceux qui étaient là et serrer des mains " Allez, il faut rentrer. Vous allez manquer le dernier métro. Mais autant d'amour, cela peut, aussi, faire peur. Peur que ça vous brûle, peur de décevoir. Un soir de février 1969, à l'Olympia, Barbara annonce qu'elle part, qu'elle ne reviendra pas tous les ans comme une cousine de province. Elle est partie. Elle s'est essayée au théâtre, au cinéma. Elle a enregistré. Elle a chanté ailleurs. Puis elle est revenue, en sachant qu'il n'est rien de moins anodin que la scène. " C'est un pouvoir. Si tu dis à tous ces êtres, soudés, de se lever, tu sens qu'ils vont le faire. C'est grave. C'est beau et dangereux, cruel et merveilleux. La scène est une suberbe déchirure. " A la fin des tournées, pour ne pas émousser ce plaisir de chanter, elle parlait de repli salvateur. Pourtant, à y regarder de près, ses absences n'auront jamais été très longues. Dans les années 60 et 70, Barbara n'a même jamais cessé de se produire; en France comme à l'étranger. Elle chantait tout le temps, partout, en récital mais aussi dans des concerts collectifs, galas étudiants, soirées de bienfaisance... La scène était son oxygène. Elle aimait faire la route, plonger dans la voiture sitôt le spectacle fini et avaler des kilomètres dans la nuit pour arriver le plus vite possible dans une nouvelle ville. A Paris, elle aimait rester près du théâtre, mortfiée de ne pouvoir y dormir. Elle avait installé sa loge-roulotte à Pantin, comme elle avait posé ses valises dans un petit hôtel, juste derrière le Châtelet. Le hazard dans les lieux ou les dates n'avait pas non plus droit de cité. Barbara aimait chanter en février, période anniversaire de l'ouverture de l'Ecluse. Elle le fît à Mogador ( 90 ) au Zénith ( 86 ) à l'Olympia ( 69 et 78 ) à Bobino ( 75 ) au théâtre des variétés ( 74 ) à la renaissance ( 70 ) Elle aimait aussi chanter en novembre, comme à Pantin en ( 81 ) ou au Châtelet ( 93 ), en souvenir d'une mère disparue ce mois-là. Quand au Châtelet ( 87 ), le coup d'envoi en avait été mi-septembre... vingt-deux ans, presque jour pour jour, après sa première grande rencontre, en 1965 à Bobino, avec le public. L'ultime tournée de Barbara, début 94, l'aura emmenée dans tout l'Hexagone. Si le récital parisien avait dû étre écourté à cause des ces maudits soucis pulmonaires, les trois mois de concerts suivants se seront déroulés sans anicroche. Tournée triomphale, d'un bout à l'autre. L'avant-dernière date l'avait menée à Nantes, là où son histoire personnelle résonnait d'une si profonde émotion. Le lendemain 26 mars, elle chantait à Tour. Un spectacle magnifique, où elle avait quitté la scène pour fendre la foule. " Merci de vous... Merci de m'avoir laissée intacte. J'ai gardé, comme hier, mon désir de chanter " En sortant du théâtre, Barbara savait qu'elle venait de boucler son dernier récital. Elle n'avait rien dit " On n'annonce pas quand on arrive. On n'a pas à prévenir quand on part. "
Valérie Lehoux ( Journaliste )
Phrase a faire mienne!
Bisous ma puce !