Jeudi 24 mai 2007 à 9:18


De la toute petite scène de l'Ecluse à l'immense plateau du Zénith, Barbara investissait les théâtres avec ses exigences et ses obsessions. La préparation relevait d'un rituel minutieux. Le récital laissait le champ libre à toutes les audaces. A la mesure de sa démesure.


C'était son territoire, son domaine, son royaume. Là où elle créait ses chansons. Elle ne parlait d'ailleurs presque jamais de spectacle ou de récital mais de " rendez-vous d'amour. " Le moment où elle allait retrouver son public. Plus le temps passait, plus le corps s'y liberait. Barbara traversait la scène, sautillait, dansait, sortait, revenait, ouvrait les bras, les refermait, sortait et revenait encore. Les accros de la sobriété s'en irritaient; les autres se laissaient porter et s'en emerveillaient. On a tout dit -- ou presque --- des récitals de Barbara. Qu'ils se transformaient en messes géantes dont la prêtresse, toute de noir vêtue, buvait les applaudissements, jusqu'à plus soif. Regard extérieur pas complètement faux, pas complètement vrai, non plus... Certes, elle disait avoir épousé la chanson comme on entre en religion. Certes, il y avait cette stupéfiante communion entre elle et la salle qui pouvait rappeler le plus fort des liturgies. Mais surtout il y avait deux heures suspendues, de confidences partagées.Pas une déesse avec ses disciples, mais une femme et son public... Et ce bonheur, toujours, de se retrouver. " Je chante, confiait-elle, comme si c'était la première et la dernière fois. " En quittant ses salles, d'ailleurs, on n'était jamais complètement sûr de la revoir. Chaque spectacle devenait fragile.Combien de fois, dès les années 60-70, n'a-t-elle annulé un récital pour cause de refroidissements; ou simplement parce que le théâtre ne lui convenait pas ou que le piano était mal accordé ( grand sujet de colère à ses débuts, quand elle n'avait pas encore, les moyens d'emporter son instrument en tournée ) On aurait tort d'y voir des caprices. Ce n'était là que les exigences d'une hyper-perfectionniste, qui imposait aux autres la même discipline qu'à elle-même. Car tous les directeurs de salle, les techniciens, les musiciens vous le diront : Barbara travaillait comme une forcenée afin que le rendez-vous soit à la hauteur de l'attente. Elle arrivait au théâtre bien avant l'heure. Besoin de s'isoler, de se concentrer, d'habiter l'espace et de se rassurer. On la voyait débarquer, silhouette enturbannée un peu surréaliste, le plus souvent en fin de matinée. " Quand on voyage, on arrive dans des endroits dont vous n'avez pas idée. Il n'y a rien. Et tout se monte. C'est là que débute le spectacle, quand les hommes sortent des camions. Moi, j'arrive au moment des camions ! " Commençait alors la découverte des lieux. L'installation dans la loge avec sa corbeille de fruits ou de chocolats, pour les théâtres les plus accueillants. La traversée des coulisses et des couloirs, comme une exploration. Les sièges essayés les uns après les autres d'un bout à l'autre de la salle, " pour voir comment le public découvre la scène. " La journée avançait, les camions se vidaient, les musiciens n'allaient plus tarder. Elle, était déjà sur scène. Elle se balançait, tout doucement, les yeux fermés dans son rocking-chair. Elle allait jouer quelques notes, se levait fiévreusement pour déplacer une enceinte ou pousser le piano d'un demi-centimètre. Avant Lily passion, on la voyait refaire chaque geste du spectacle, chaque pas prévu dans la mise en scène, sans un mot, au milieu des techniciens. Qu'on ne vienne pas la déranger dans ces longs instants de préparation. Ses " hommes " -- comme elle les appelait -- veillaient à ce que personne n'approche. Barbara se repliait. 

O ses théâtres !

O ses théâtres !


 
Valérie Lehoux  ( Journaliste )

Par pilgrim.II le Samedi 26 mai 2007 à 22:54
J'ai fait l'impasse de cet article!!!
Le mal sera réparé avant l'aube ;)

Elle était vraiment "habitée" par son amour de la chanson et de son public!
 

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