Mardi 29 avril 2008 à 8:37

 


J'habite à Marcadet, métro Lamarck, et je suis plongeuse. Nous sommes en 1951. Le Tout-Paris se déplace à la fontaine des Quatre Saisons pour venir voir, entendre et applaudir le Dîner de têtes de Jacques Prévert, avec Roger Pigaut, Mouloudji, qui fait ses débuts dans la chanson, les marionnettes de Lafaye, Boris Vian et Jacques Prévert, Francine Claudel qui chante Christiane Verger et Jacques Prévert, Louis Bessière, compositeur-pianiste, et Henri Crolla accompagnent cette magie, magiques eux-mêmes. Durant presque une année, je lave les verres du tout Paris.
Émerveillée, je vois défiler par la petite lucarne de ma plonge, Edith Piaf, Eddie Constantine, Simone Signoret, Yves Montand, Daniel Ivernel... Jean Wiener vient quelquefois m'offrir des frites au Petit Bougnat d'en face où mon ardoise s'allonge. La Fontaine était vraiment un endroit extraordinaire. C'est grâce à ma place de plongeuse que je pus admirer tous les soirs un spectacle que je n'aurais jamais pu m'offrir. Mais porter des caisses et faire la plonge, c'est dur. Un jour, exténuée, malade, je pars. Privations, épuisement... Hospitalisation. Je me souviens de la salle commune avec ses trente-quatre lits, de la vieille Philomène, toute menue, dans sa chemise de grosse toile blanche, le cheveu raide, tout blanc, qu'elle portait défait sur ses frêles épaules comme une vieille enfant. Ancienne surveillante de salle, elle vieillissait seule à l'hôpital et courait de lit en lit, croyant encore qu'elle était de garde ! Je me souviens des malades atteints de tuberculose qui se rejoignaient à la chapelle pour de brefs et intenses échanges amoureux. Je me souviens des odeurs et surtout des attentes interminables, de l'arrivée des visiteurs et visiteuses, souvent cramoisis, essoufflés, perdus dans leurs habits sombres qui faisaient d'autant plus ressortir le blanc des chemises de lin et les figures blêmes des malades. Ce fut ma première hospitalisation. Ce ne fut pas la dernière !

Barbara

Par kaa le Mardi 29 avril 2008 à 13:13
J'ignorais qu'elle avait fait ce métier
Conne quoi , tout peut mener à tout
Par meryame le Mardi 29 avril 2008 à 19:19
Je savais pas non plus comment elle avait comencé, ça accentue encore plus son mérite, avec tout le mal qu'elle s'est donné pour réussir elle mérite vraiment notre admiration!
Bixouw! <3
Par pilgrim.II le Mardi 29 avril 2008 à 19:20
Son hospitalisation l'aura marqué à vie !
Mais qui ne s'en souviendrait pas à la vue de tant de misère et de malheur!

Elle connaît le prix du travail, du labeur mais aussi de la joie de se savoir entouré de tant de merveilleux personnages!

Sa forge une vie... La sienne!

Bisous ma puce!
 

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