Je chante vêtue d'une jupe noire et d'un pull-over ; un peu plus tard, une petite " concierge-couturière " habile sur sa vieille Singer, confectionnera à ma demande une veste en velours noir côtelé avec un col assez haut, dégageant le cou. Ce premier costume décidera de tous les autres.
Le noir est une couleur fantastique qui, à la fois, estompe les formes et met en valeur le corps. Moi, je pensais d'abord que ça n'était pas important qu'on voie mon corps. Puis j'ai appris à m'en servir. Bien que myope, je peux me déplacer en scène ( mais rien qu'en scène ) avec une grande rapidité, les yeux fermés. J'ai également appris à essayer de vaincre ma peur, lorsque j'entrais en scène, en m'obligeant à me déplacer très lentement au moment où j'accostais le piano. J'ai appris à canaliser mon élan vitale, et, durant les dernières années où j'ai chanté, je poussais, avant d'entrer en scène, un violant cri guttural qui libérait toute mon énergie. Ce qui, souvent, a pu apparaître à certains comme une sophistication a été pour moi un apprentissage de chaque soir, afin de donner chaque fois davantage tout en allant vers plus de dépouillement.
Je n'ai jamais répété aucun geste, je ne me suis jamais exercée devant une glace, je n'ai jamais travaillé avec un metteur en scène, sauf dans Lily-Passion ; je n'ai obéi qu'à mes propres lois, apprenant sur le tas grâce à ce flux vivant que m'a toujours renvoyé le public, un public qui a été pour moi un accoucheur. Je n'ai fait en somme qu'essayer de retourner une part des beautés contenues dans cette amour immense qui me fut donné.
Après la veste confectionnée par la concierge voisine de L'Ecluse dans un velours côtelé appartenant à son mari, après, beaucoup plus tard, j'ai rencontré Cardin. Il m'a fait une jupe magnifique, très longue, avec une queue. Mais, à l'époque, je ne bougeais pas encore beaucoup. J'étais plutôt amarrée à mon piano. Et puis mon corps s'est mis à chanter, des cordes vocales aux orteils. J'ai eu besoin de marcher, besoin d'une liberté de mouvements, non plus seulement assise à mon piano, mais debout.
On ne sait pas d'où viennent les mots ; quand tu chantes, ils se mâchent, s'allongent, se discordent, se consument, déboulent de ta gorge à tes lèvres, redescendent dans ton corps, dans le pli de ta taille, dans ta hanche ; ils t'obligent à tendre la jambe, à plier l'épaule, à courber l'échine, à redresser les reins le long desquels ils se faufilent jusqu'à redescendre jusqu'aux extrémités où ils irradient parfois comme une douleur ou un plaisir intenses.
Dans ce besoin de liberté, ma jupe entravée constituait une gêne. J'ai donc adopté le pantalon ( Mine Vergès ) j'ai émancipé mes jambes qui, et, tout à coup, les mots se sont mis à circuler par ma bouche, par mes veines, par mes muscles, et tout mon corps a pu chanter de la racine des cheveux jusqu'au bout des doigts, et j'ai pu projeter mes émotions au rythme de mon souffle.
En raison de mes problèmes musculaires qui m'obligeaient à certaines positions, le cul assis bien droit sur des cubes mobiles que j'avais fait fabriquer, qui me permettaient de me tenir jambes écartées et de porter en scène un corset destiné à soulager mes souffrances, je ne me sentais au bout du compte vraiment bien qu'en pantalon. C'était ce qu'il me fallait pour être bien, pour bouger à l'aise, donc pour mieux chanter.
Tout s'est installé comme ça, et c'est devenu mon univers.
Barbara
je te glisse ci-dessous un texte, écrit en 2001 de l'inspiration ma plume
"la dame vêtue de noir"
toi, la dame vêtue de noir
toi, l'immortelle disparue
tu restes au fond de nos mémoires
depuis que ta voix s'est tue
mille neuf cent quatre vingt dix sept
ce fût l'année de ton départ
en vinyle cd ou cassette
tu nous laisses ton aigle noir
et loin de l'air du temps
en hommage à Léo
d'un clin d'oeil à Montand
à Brassens et Jacquot
j'écris pour toi cette chanson
loin de Piaf, de Frehel
d'un souvenir de Gainsbourg
du petit chemin de Mireille
aux valeurs de nos jours
j'écris pour toi cette chanson
toi la dame vétue de noir
je ne te prénommerai pas
quelle fût belle oh! ton histore
d'amour avec un grand A
t'as tiré t'as révérence
et la chanson francaise te pleure
toi qu'avait de la prestance
sous le feu des projecteurs
bonne journée
bises et A+
de Emmanuel